La semaine dernière on attendait impatiemment la FED et son discours de clôture pour le meeting du mois de mai. On était tous persuadés que nos vies seraient différentes après. Je dois dire qu’on n’a pas été déçu. Depuis le rebond phénoménal de mercredi soir – trois séances se sont écoulées. Et nous sommes 8% plus bas sur le S&P500. Ce mardi 10 mai fait partie de ces journées qui nous rappellent que ce genre de corrections massives arrivent. Que la panique existe et que les coups sûrs sont presque aussi rares que les ours polaires. Lorsque que le couteau est en train de tomber, il vaut mieux le laisser arriver au sol avant de le rattraper en plein vol. L’image n’a jamais aussi évidente.

L’Audio du 10 mai 2022

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Tout est dans le titre

Le plus dur, quand vous rédigez une chronique boursière et que les marchés se font littéralement défoncer ; c’est le titre. Trouver le titre pour essayer de résumer ce qu’il se passe en quelques mots. Aujourd’hui, il est évident que l’on est en train de prendre l’eau à la vitesse de la lumière. Même le Titanic n’avait pas sombré aussi vite et même lorsque l’on a découvert la pandémie, le COVID et les rapports troublés entre la cuisine chinoise, les chauves-souris et les pangolins, on n’avait pas paniqué pareillement.

En ce mois de mai qui semble parti pour être caniculaire selon la météo, on a l’impression, le sentiment que ça pourrait être très chaud sur les marchés aussi. Ou pas.

Ou pas, parce que l’on a toujours cette fâcheuse tendance à rebondir au moment où l’on décide de baisser les bras en se disant que « cette fois, tout est foutu ». Mais disons que là tout de suite, lorsque l’on prend 5 minutes pour regarder les charts, les tendances et lire les articles de première page dans la presse spécialisée. Le doute ne semble plus permis. Le printemps sera chaud.

Le journal des ours

On ne va pas se mentir, si vous êtes plutôt d’obédience bullish dans le monde merveilleux de la finance, vous aurez sûrement envie de vous préoccuper principalement de votre abri antiatomique plutôt que des performances des marchés. Non parce que ce matin, rien qu’en me connectant à trois sites internet financiers (Marketwatch, Barron’s et Business Insider), j’ai rapidement dû modifier la composition de mon café du matin et y intégrer du whisky ET du rhum pour espérer tenir la journée. D’ailleurs, depuis les touches de mon clavier ne font que changer de place et la touche BUY-BUY-BUY est totalement déconnectée du système.

Trêve de plaisanterie : la photo du matin n’est pas belle du tout. Pour ne pas dire : carrément dégueulasse. La plupart des indices européens ont perdu plus de 2% pour ne pas dire près de 3%. Et ça n’est visiblement pas prêt de s’arrêter ce matin. Aux USA, c’est pire. Le S&P500 plonge de 3% et termine sous les 4’000 points, quant au Nasdaq, on est presque habitué à le voir perdre 4% par séance. Et puis je vous passe les détails de ce qui se passe « à l’intérieur des indices ». Les titres individuels se font massacrer et même ceux qui ont publié des chiffres parfaits lors du dernier trimestre – ainsi que des guidances parfaites – se font exploser quand même. Je pense à des Microsoft, des AMD ou même des Apple.

Et il y a pire

Mais c’est pas tout. Si les Big Names sont en route pour l’abattoir, je ne vous dis même pas le reste. Comme disait je ne sais plus quel média ce matin : il n’y a plus nulle part pour se cacher. Les obligations se font massacrer, les big techs se font massacrer, les pétrolières se font détruire, le pétrole lui-même s’est fait pulvériser hier – la raison ? Il paraît que la Chine consomme de moins en moins et que c’est évident que tout est en train de ralentir et qu’ensuite plus personne ne fera le plein d’essence. Plus personne ne prendra l’avion. En gros, plus moins l’inverse de ce que l’on nous disait il y a 3 semaines.

Au-delà du pétrole, il y a encore l’or, dont plus personne ne veut – malgré le fait que ce soit censé être une valeur refuge – l’argent ne vaut plus rien. Même certaines matières premières se font exécuter. Vous voulez un exemple ? Le bois. Le bois qui était notre préoccupation principale il y a un an jour pour jour. Le bois qui faisait peur à tout le monde parce que l’on n’en trouvait plus et que plus personne ne pouvait en acheter pour construire sa résidence secondaire au Canada, au fond des bois. Et puis ce matin, plus personne n’en veut parce que les taux montent et plus personne ne voudra acheter d’immobilier – JAMAIS – parce que les taux hypothécaires sont trop hauts. On peut même déjà voir les manchettes de certains médias suisses qui mentionnent « la panique » des propriétaires immobiliers rien qu’à l’idée de voir les taux hypothécaires remonter à 4%.

Les cryptos décryptées

Et puis si vous pensez que c’est terminé, vous vous trompez. Oui, parce qu’il y a les crypto-monnaies. Les crypto-monnaies qui sont devenues le compagnon d’infortune du Nasdaq et des titres d’hyper-croissance. Hier, le Bitcoin a perdu 12% et se traitait sous les 30’000$ à un certain moment. Et pendant que le Bitcoin et ses pairs se faisaient atomiser, tout ce qui y était lié, prenait le même chemin. Par exemple Coinbase. Le roi des « exchanges » de crypto, Coinbase qui était venu en IPO à 250$ il y a 13 mois. Coinbase qui payait même plus de 400$ le même jour. Coinbase a terminé la séance à 83.50$ hier et a perdu 35% depuis le discours de Powell mercredi dernier. Sans compter qu’ils vont publier leurs chiffres ce soir. Manquerait plus que la guidance soit pourrie.

Coinbase n’est pas la seule à se faire atomiser. Microstrategy. Le proxy du Bitcoin. La société perdait 25% rien qu’hier soir. Elle qui frisait les 900$ en novembre. À 22h00 hier, elle valait 219$ – en baisse de 75% sur 6 mois. Sans compter que la société a laissé entendre que si le Bitcoin allait à 21’000$, elle devrait liquider les positions qui sont achetées en marge. Et puis je pourrais encore vous citer Palantir qui a publié de chiffres moyens et des prévisions merdiques qui perdait plus de 20%. Rivian, qui publiera ses chiffres mercredi soir et qui a vu sa « black période » de 180 jours se terminer dimanche soir. La « black période » étant la durée pendant laquelle les actionnaires « originaux » n’ont pas le droit de vendre. Actionnaires comme Ford et Amazon. Ford qui a d’ailleurs décidé de sortir en catastrophe de Rivian. Là aussi, la sanction est sans appel : plus de 20% de baisse à 22$. Dois-je rappeler que Rivian se traitait à 180$ le 17 novembre quand TOUS LES ANALYSTES avaient des objectifs à 250$, n’hésitant pas à dire que Rivian « c’était comme Tesla ». Tiens, d’ailleurs.. Tesla est encore le dernier des mohicans qui « tient » relativement bien. Le titre n’a perdu que 31% depuis le premier avril. Mais techniquement, si ça lâche la zone des 750$. Je préfère ne pas être là pour regarder. Sans compter les conséquences sur le deal de Twitter.

Twitter chante un peu moins fort

Twitter, oui, parlons-en d’ailleurs. Le nouveau jouet de Musk est toujours à 48$ pour cause de take-over. Mais les « experts » – les mêmes qui avaient prévu de voir Rivian à 250$ – ont calculé que s’il n’y avait pas eu de take-over, Twitter serait 37% plus bas. Du coup, on entend déjà les short-sellers venir nous dire « que l’on peut imaginer que Musk va renégocier le prix de l’oiseau bleu » – sans compter que si Tesla continue de baisser, il va devoir liquider ses actions pour surpayer un truc que plus personne ne veut en ce moment.

J’aime autant vous dire que si cela venait à se produire. On peut s’attendre à d’autres journées en baisse de 4% sur notre ami le Nasdaq. Tout ça pour dire que quand on voit ce qui s’est passé depuis le meeting de la FED ; on ne se réjouit pas de celui du mois de juin. Manquerait plus que Powell dise que finalement, il pourrait quand même monter les taux de 0.75% par meeting et on aurait droit à la mère et au père de toutes les corrections boursières.

Le retour de l’an 2000 ?

En tous les cas, quand je vois la presse de ce matin et les performances de certains titres, de certaines cryptos ou de certaines matières premières, je me dis que ça me rajeunit de 22 ans et que l’on n’est plus très loin d’être de retour en l’an 2000 et tout cela sans jamais être monté dans une DeLorean. Pour imager la chose, je voudrais juste mettre en avant quelques titres que j’ai pu voir dans les journaux de la nuit :

• La « jauge de la peur » de Wall Street ne signale toujours pas que le creux de la vague boursière est proche, selon les analystes.

• Le Dow Jones chute de 654 points et le S&P 500 passe sous la barre des 4 000 dans un contexte de pertes massives des actions.

• Cette légende de Wall Street a traversé tous les marchés baissiers depuis les années 1950. Il dit que celui qui s’annonce pourrait faire perdre 30 % au S&P 500.

• Accrochez-vous : Les ventes de Tesla en Chine pour le mois d’avril seront immondes.

• Il n’y a nulle part où se cacher sur les marchés en ce moment avec les actions, les obligations et les crypto-monnaies qui se font massacrer.

Et je pourrais continuer encore une dizaine de pages comme ça. Manquerait plus que le 20 Minutes et la Tribune de Genève nous sortent un numéro « spécial investir en crypto-monnaie » et j’aurais vraiment l’impression d’être de retour en l’an 2000. On ne va donc pas se mentir ; c’est très moche. Les graphiques sont très moches, l’économie est très moche, Poutine est très moche et nous sommes dans ce genre de situation où il vaut parfois mieux s’asseoir au fond de sa chaise, observer et attendre que ça passe. Non, parce que ça passe toujours. Mais clairement nous sommes entrés dans un Bear Market – pas encore sur le S&P500 – selon la théorie – mais sur le reste, oui. Il faut donc savoir que depuis 1928, il y a eu 28 Bear Market et que la durée d’un Bear Market est d’environ 289 jours. Autant vous dire que l’été sera chaud et pas que dans les maillots.

Nouvelles du jour ?

Dans les nouvelles du jour, on parle évidemment du fait que l’on vient de vivre une des journées les plus pourries depuis la crise du pangolin. La FED précise que la hausse des taux pourrait poser problème à la croissance économique américaine. On remercie la FED de revenir sur ce point – on ne l’avait pas vu venir du tout et ça aide bien à rassurer tout le monde. Pour ceux qui sont friands de statistiques, on nous dit que le marché des cryptos a perdu 1’600 milliards de valeur depuis le top de novembre. Goldman Sachs va se retirer du business des SPAC’s parce que la FED a rajouté des réglementations un peu trop contraignantes. Philipp Morris veut racheter Swedish Match pour 16 milliards, tout comme le groupe indien JSW veut racheter les opérations de Holcim en Inde pour 7 milliards. Comme quoi y a encore du pognon, là dehors.

Dans les bonnes nouvelles, on notera encore que Tesla a suspendu sa production dans son usine de Shanghai pour des raisons de problèmes de chaînes d’approvisionnement. L’excuse classique. Autrement on note aussi que les Big Techs ont perdu 1’000 milliards de market cap en trois jours. Que 40% des investisseurs en Bitcoin perdent de l’argent actuellement selon Yellen, le système financier américain fonctionne bien – mis à part un peu de volatilité. Volatilité qui se traduit aussi par le fait que le sentiment n’a jamais été aussi mauvais depuis 2008 – et je peux vous dire qu’il était VRAIMENT mauvais en 2008… le sentiment…

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres du jour, on retiendra le ZEW en Allemagne et en Europe, le Redbook aux USA et le fait qu’à peu près TOUS LES MEMBRES de la FED vont parler aujourd’hui. Sauf Powell. Ce qui est déjà pas mal compte tenu du bordel qu’il est capable de mettre en trois mots. Côté chiffres du trimestre, nous aurons Peloton, Workhorse, Roblox, Wynn Resorts, SOFI et Coinbase.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.4% – mais ça n’est pas évident, parce que ce matin à 3 heures, ils étaient en baisse de 0.3%. Il me reste à vous souhaiter une très bonne journée (quand même) et je vous encourage à aller faire le plein, pas sûr que le baril reste longtemps à 101$.

Que la force soit avec vous.. ça devient indispensable.

On se voit demain, parce que même si ça baisse, je serais toujours là !

Thomas Veillet
Investir.ch

“In this world nothing can be said to be certain, except death and taxes.”

– Benjamin Franklin