Il y a des jours, tu te lèves et tu as déjà envie de retourner te coucher. Ce matin, c’est un jour comme ça. Mais il vrai qu’à priori il devrait faire plus ou moins beau aujourd’hui et c’est à peu près la seule bonne nouvelle que j’ai trouvé dans les médias. Et encore, il y aura du soleil ET QUELQUES nuages. L’autre bonne nouvelle, c’est les futures qui sont en hausse à 4 heures du matin, mais on connait notre capacité à tourner la veste avant l’ouverture de l’Europe. Je vais donc me concentrer et tenter de voir le verre à moitié plein dans cette chronique, mais ça ne va pas être simple. Je vous préviens.

L’Audio du 17 mai 2022

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Les marchés

On va donc essayer de prendre les choses dans l’ordre. L’Europe a terminé dans le rouge et les Américains ont au moins réussi à ne PAS EFFACER le rallye de vendredi. Quand on voit à la vitesse à laquelle les indices new-yorkais ont baissé dans la dernière heure de trading, on peut s’estimer content que Wall Street ne fermait pas deux heures plus tard, sinon il y aurait eu du sang sur les murs. Là, on a limité la casse et on pourra au moins se dire que l’on a sauvé les meubles par rapport à vendredi.

Le sentiment et les problèmes qui nous occupent sont toujours les mêmes : les intervenants se demandent sans cesse si la FED n’a pas trop perdu de temps pour monter les taux et si ces quelques semaines de retard ne vont pas finir par nous péter à la figure. C’est en tous les cas ce que pense Monsieur Bernanke, prédécesseur de Madame Yellen et de Monsieur Powell. L’ex-patron de la FED qui nous a sauvé les fesses pendant la crise des Subprimes, estime que la FED a trop tardé et que l’on se prépare une belle stagflation dans les mois à venir. Chose qui ne s’est plus produite depuis 1970. Autant vous dire que prononcer le mot stagflation dans une interview financière quand tu t’appelles Bernanke, c’est un peu comme commencer à tousser sans masque dans le métro parisien bondé à 7h30 du matin – et qu’entre deux quintes de toux vous dites : putain de COVID !

La peur d’à peu près tout

Les mots de Bernanke n’ont pas été la seule mauvaise nouvelle de la journée, pas la seule chose désagréable que nous avons dû gérer ces dernières heures. Il faut dire que les « intervenants » se posent beaucoup de questions. Nous nous posons beaucoup de questions. Peut-être même beaucoup trop de questions parfois. Toujours est-il que lorsque l’on vous publie les chiffres du New York Empire State Manufacturing et que c’est aussi moche que ça. Il y a quand même des raisons de se poser des questions. Sans compter que par-dessus des chiffres économiques que l’on peut qualifier d’immondes, on a aussi la Chine qui continue de ralentir toujours un peu plus chaque jour, ce qui nous inquiète aussi.

Mais revenons brièvement aux chiffres du New York Empire State Manufacturing. Il faut dire que généralement, on s’en fout pas mal. Enfin, c’est pas qu’on s’en fout, mais en ce moment c’est clairement le CPI, le PPI et les chiffres de l’emploi qui nous intéressent. Mais bon, comme en ce moment c’était un peu « Waterloo, morne plaine » en termes de chiffres économiques, faute de grives, on mange des merles. Alors on avait mis notre plus belle cravate pour l’annonce de ces chiffres. On avait bossé depuis des semaines sur un joli spreadsheet Excel qui était censé nous prédire le chiffre qui devait être annoncé hier. On était prêt.

Oups, I did it again

En fait on était prêt, mais pas si prêt que ça. Ce chiffre, un indicateur de l’activité manufacturière dans l’État de New York, a chuté de 36.2 points pour atteindre un niveau négatif de 11.6. Selon les attentes, les économistes s’attendaient à ce que l’indice baisse légèrement pour atteindre un niveau solide de 16.5. Toute lecture inférieure à zéro indique une détérioration des conditions. Autant vous dire qu’au niveau détérioration, on a donc été servi. Déjà que la Chine est en train de patiner dans la semoule et nous pousse à courir à la pharmacie acheter du Xanax, autant dire que le chiffre d’hier n’a pas aider à remotiver les troupes. Surtout les troupes qui parient sur une récession à venir.

Ça aurait pu s’arrêter là. On aurait pu ensuite quitter le bureau et aller voir un match de baseball au bar du coin. Même si on ne comprend pas les règles. Mais il y a aussi Goldman Sachs qui était de sortie hier. Je vous avais d’ailleurs parlé de leur grand vizir, Lloyd Blankfein, qui pensait qu’il y avait de très, très, très gros risques de rentrer en récession. Mais ça n’était pas tout. LA BANQUE d’affaire américaine a également sorti un de leurs économistes qui est venu nous dire que la croissance américaine allait ralentir et qu’ils ont donc révisé leurs objectifs de croissance pour 2022 et 2023. En 2022 la croissance ne sera plus que de 2.4% contre 2.6% auparavant. Quant à 2023 ça sera plutôt du 1.6% contre 2.2% précédemment. Bonne ambiance…

Mais c’est pas tout !!!

En plus de la Chine qui n’avance plus, des chiffres tous pourris de l’Empire State Manufacturing, de Blankfein qui parle de récession, des économistes de Goldman Sachs qui parlent de ralentissement, on a encore eu droit à leur « stratégiste actions » qui a baissé son objectif sur le S&P500 à 3600. C’est la troisième fois de l’année qu’il baisse son objectif. C’est ce que l’on appelle une cible mouvante. Le Monsieur estime donc qu’une récession est probable – comme l’a dit son patron – et que, du coup, ça voudrait dire que le S&P500 peut encore se faire allumer de 11%. Facile.

11% plus bas c’est donc 3600 et 3600 c’est plus ou moins la moyenne mobile des 200 semaines. Moyenne mobile dont on parle beaucoup en ce moment, puisqu’on ne l’a plus cassé à la baisse depuis 13 ans. Sauf pendant le début de la crise du COVID où on avait cru qu’on allait tous mourir parce qu’il n’y avait plus de PQ, de pâtes et d’huile dans les magasins. Donc cette cassure ne compte pas. Surtout qu’aujourd’hui on a du PQ et des pâtes. Pour l’huile c’est une autre histoire. Bref. Retenez bien ce terme : moyenne mobile des 200 semaines – c’est LE TRUC À LA MODE que l’on ne doit pas casser. C’est un peu comme l’inversion de la courbe des rendements, mais en mieux.

En résumé

Quand je vois le bilan que je viens de faire de la séance d’hier, je dois dire que je suis heureux de que l’on n’ait pas perdu 5% directement. Une baisse de 1.2% sur le Nasdaq c’est presque un cadeau avec ces avalanches de mauvaises nouvelles. Manquerait plus que l’Ukraine gagne l’Eurovision, que la Finlande devienne membre de l’OTAN et que Macron nomme la Ministre du Travail à Matignon. En gros, s’il ne faut retenir qu’une seule chose de la séance d’hier c’est que si l’on avait encore des doutes sur le fait qu’on ne va pas vers le beau, on peut dire que les doutes sont levés. Et encore, je dis ça parce que je n’ai pas fini la longue liste des nouvelles pas terribles qui nous tombent dessus depuis hier matin.

Si vous avez encore un doute, vous pouvez regarder un graphique du future sur le blé. Ce dernier vient d’exploser au même niveau où il était quand les Russes ont passé la frontière ukrainienne, mais cette fois, c’est à cause de l’Inde. L’Inde qui fait face à une vague de chaleur qui a détruit partiellement ses cultures de blé et qui a annoncé hier qu’ils allaient restreindre leurs exportations. S’il vous reste un coin de jardin dont vous ne savez pas quoi faire, y planter du blé semble devenu une bonne alternative d’investissement. Ça devrait même être bientôt plus rentable que d’avoir un derrick pour l’extraction pétrolière à côté de la piscine.

On continue avec l’Asie

Ce matin en Asie c’est un peu la seule bonne nouvelle du moment. On aurait pu penser que le marché serait sous pression, mais pas du tout. Il semblerait que le dollar et le fait que la Chine redémarre quand même un peu après ses confinements, motivent un peu les indices locaux. Le Japon est en hausse de 0.2%, tout comme la Chine, pendant que Hong Kong explose de plus de 2%.

Même si les nouvelles ne sont pas bonnes, il y a une chose qui aura au moins été super-marrante à observer, c’est le comportement du baril. Je vais essayer de ne pas rire en vous le disant. En fait, hier matin, le baril était en baisse parce que les chiffres économiques chinois faisaient craindre un ralentissement de l’économie et donc, une baisse de la consommation pétrolière – d’où les vendeurs qui poussaient le baril jusqu’à 108$ sur le WTI… Et puis, ensuite le pétrole est remonté à 114$. Et c’est là que c’est drôle : le pétrole est remonté parce que la Chine est en train de se déconfiner et que du coup, ils vont consommer plus de pétrole. On a quand même un peu l’impression que les Chinois publient des chiffres économiques et qu’ils annulent les commandes de pétrole et l’heure suivante, ils déconfinent et du coup, ils repassent commande. En tous les cas, c’est un peu l’impression que ça donne quand on regarde le comportement bipolaire des traders sur le sujet.

Du côté de l’or, ça vaut 1823$ et visiblement on a tenu le support psychologique des 1800$. Et pour ce qui est des cryptos, le Bitcoin et ses frères ont  toujours la même dynamique que ces derniers jours. À savoir : pas pire, mais pas mieux non plus. À l’heure actuelle, le Bitcoin vaut 30’000$. Plus que 70’000$ avant les 100’000$ prévus pour Noël… dernier.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que Warren Buffet a investi 3 milliards sur Citigroup, le titre prenait plus de 3% after close sur la nouvelle. Autrement, Jet Blue fait un take-over sur Spirit Airlines pour 3.6 milliards, mais c’était déjà connu hier et ça permet au Dow Jones Transportation de « tenir » son support et JP Morgan a « upgradé » les titres chinois. McDonalds vend tout son business en Russie, si jamais vous cherchez à vous diversifier et puis Michael Burry a annoncé être short sur Apple. S’il a autant de réussite que sur Tesla, il n’a pas fini de rire.

Mais par contre, LA NOUVELLE DU JOUR, c’est ENCORE UNE FOIS MUSK qui prend le trophée. Twitter s’est encore fait défoncer hier soir et le titre du réseau social est de retour là où il se trouvait lorsque le fantasque CEO de Tesla avait annoncé sa prise de participation. Le marché est en train de se dire que sans le take-over annoncé, le titre serait plus proche des 32$ que des 37$ où il se trouve à l’heure actuelle. En revanche, la question qui se pose un peu partout est la suivante :

« Musk va-t-il renégocier le prix du take-over ? »

Si l’on en croit les experts sur le sujet, la réponse est à 80% positive. En tous les cas, l’ambiance est au beau fixe, puisqu’hier le CEO de Twitter a tenté d’expliquer pourquoi et comment c’était difficile de repérer les faux comptes, ce à quoi, dans un geste d’une classe folle, Elon Musk a répondu avec une seule émoticône : de la merde. On sent tout de suite que la communication est à son top et que l’on n’est plus au jardin d’enfants. En tous les cas, Twitter est mal en point et la saga n’est pas terminée. Par contre, on peut imaginer que si Musk finit vraiment par acheter le réseau social, il va falloir trouver un nouveau CEO. Ce qui risque de moyennement plaire aux investisseurs en Tesla.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, nous aurons encore de quoi nous faire peur avec les publications des chiffres du secteur Retail – ce qui devrait nous donner une bonne idée du comportement du consommateur. Si on a l’impression qu’il est entré en dépression et que cela se ressent dans les chiffres, on pourra avoir envie d’attacher sa ceinture et de mettre son masque à oxygène.

Pour ce qui est des chiffres économiques, économiques nous aurons les chiffres de l’emploi en France. On sait déjà qu’il y a un job de plus qui a été créé puisque Madame Borne quitte le Ministère du Travail pour Matignon, il y aura aussi les chiffres de l’emploi en Europe ainsi que le GDP, le CPI en Italie, les Retail Sales aux USA, tout comme le Redbook, la production industrielle et manufacturière – quand on voit la gueule des chiffres publiés hier, on peut avoir peur – il y aura aussi Lagarde et Powell qui parleront.

J’ai donc envie de dire que si on survit à cette journée, ça sera déjà pas mal. Quand je vois l’avalanche de mauvaises nouvelles depuis 24 heures et ce qui peut potentiellement nous tomber dessus aujourd’hui, je suis estomaqué de voir que les futures sont en hausse de 0.3%. Non parce que moi j’ai plutôt envie de m’enfermer dans un abri antiatomique de me mettre en PLS et d’attendre que la journée passe.

Profitez bien de la météo clémente et de votre café matinal, moi je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit. C’est-à-dire ici…

À demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Two roads diverged in a wood, and I—I took the one less traveled by, And that has made all the difference.”

– Robert Frost