S’il y en a parmi vous qui ont cru un bref instant que le rebond d’hier était LE REBOND que l’on attendait et que nous étions ENFIN repartis en direction de la hausse et que la fin du monde était moins proche qu’avant. Je crois pouvoir dire que vous vous êtes un peu emballé un poil trop vite. Effectivement, hier tout était pour le mieux et soudainement on retrouvait presque une journée normale où les investisseurs n’étaient plus en mode « courage,fuyons », mais plutôt en mode : « allez, on y retourne ». Pourtant, lorsque l’on faisait le bilan économique et les constations techniques qui s’imposaient, il y avait quand même un arrière-goût de méfiance…

L’Audio du 24 mai 2022

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Il y a quelque chose de pourri (encore)

Alors pour être franc avec vous, je ne sais pas du tout quel goût peut avoir la méfiance. J’ai bien été chez Ben & Jerry et Hagen Daas pour demander des glaces au parfum de méfiance, mais apparemment, ça n’existe pas. Dans ma tête et dans mon cerveau reptilien, ça a vraiment un sale goût, parce que chaque fois que j’achète dans ce marché, j’ai l’impression d’être une caille relâchée en plein air lors d’une partie de chasse pour de types complètement bourrés (pléonasme pour chasseur) et qui chassent à la Kalachnikov. Je sais que je n’ai presque aucune chance, mais comme ils sont ivres morts, il y a quand un peu d’espoir. Mais ça fout les jetons.

Quoi que l’on veuille bien en dire, le marché est pourri, malade, inquiet et bien plus réceptif aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes. Il faut reconnaître qu’hier ça allait mieux, mais malgré cela, on ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il allait se passer un truc de mauvais dans les heures à venir. Et ça n’était pas complètement faux. On allait le savoir after close. Dans l’intervalle, les bourses mondiales se sont fait plaisir et se sont dit que, finalement, il y avait un truc à gratter. Et puis qui sait, ce rebond pouvait aussi bien durer une semaine. Avec un peu de chance.

Les banques en folie

En fin de semaine dernière, nous avions vu que le marché était entré en phase de capitulation de manière très discrète, mais de capitulation quand même. En effet, lorsque l’on voyait la manière dont des titres comme Coca-Cola et Procter & Gamble avaient été attaqués sous prétexte que le consommateur allait arrêter de consommer, on avait clairement l’impression que certains intervenants avaient grillé un fusible. Il est vrai que l’on ne sait pas de quoi demain sera fait et que l’inflation et une éventuelle récession à venir pourrait couper la dynamique économique et la politique d’argent facile dans laquelle nous sommes. Mais de là à forcer le consommateur à ne plus acheter de Pampers ou de Coca-Cola, j’ai comme un doute. Encore, le Coca, je peux comprendre, il suffit de passer du temps avec un diététicien et un bricoleur pour vous dégoûter à vie d’acheter du Coca. Le diététicien pour le taux de sucre qu’il y a dedans et le bricoleur pour qu’il vous montre comment décaper la rouille avec du Coca.

Mais alors que les investisseurs étaient mode « qu’est-ce que je peux bien virer de mon portefeuille qui n’a pas encore baissé ? », le marché s’est tourné en direction d’un secteur mal aimé qui a tendance à bien se comporter quand les taux montent parce qu’ils peuvent se goinfrer sur le dos des clients : le secteur bancaire. Hier JP Morgan a révisé à la hausse certains de ses objectifs trimestriels alors que le reste du monde est en train de se mettre en position d’atterrissage d’urgence et relisent encore une fois les conseils sur la feuille plastifiée dans le siège devant eux pour voir où sont les sorties de secours. Le secteur bancaire a donc littéralement explosé à la hausse, JP Morgan prenait 6% et c’était plus ou moins le même tarif pour tout le monde. Si la journée d’hier était belle, elle l’était encore plus dans le camp des bancaires.

Le retour des take-overs

Et puis, pendant que tout le monde trouvait ça beau de voir tous les indices du monde dans le vert et en profitait pour prendre des photos souvenir parce que l’on ne savait pas combien de temps ça allait durer, il y avait aussi Broadcom qui confirmaient qu’ils étaient en discussion pour acheter VMWare pour 140$ par action. Le titre prenait 25% et clôturait à 120$. Il y a encore un bout de chemin à gratter, mais en ce moment, les take-overs, on s’en méfie. Surtout après l’histoire Twitter qui s’enlise. Surtout après ce qui s’est passé hier soir after close. Mais cependant, rien qu’à l’idée d’imaginer que dans ce monde troublé, il puisse encore y avoir des sociétés qui sont d’accord d’en racheter d’autre pour 40% de plus en supposant même qu’un jour ils allaient faire de l’argent avec, mettait du baume au cœur, puisque ça voulait dire qu’il y aurait un « après ». Un après la crise, un après la récession et que, potentiellement, on n’allait pas tous y rester à cause de la variole du singe ou de la rhinopharyngite du rat, voir même de l’eczéma de la grenouille.

En plus de Broadcom qui tournait autour de VMWare, on avait aussi Electronic Arts qui annonçait son intention de trouver un partenaire pour se pacser. Laissant présager de plus en plus de rapprochements dans certaines industries. Des rapprochements qui allaient demander l’intervention des banquiers d’affaires qui allaient pouvoir facturer des commissions bien grasses pour leurs conseils et ça, plus les taux qui montaient allaient rendre les banques très très riches et les banquiers très heureux et à eux tout seuls, ils devraient pouvoir remplacer le consommateur. Bref, hier les bourses mondiales étaient heureuses et le Dow Jones en a même profité pour afficher sa meilleure journée depuis au moins trois semaines. Whaou. Depuis trois semaines, c’est de la folie. On se demandait même si on n’était pas en train de rentrer dans un nouveau bull market séculaire. Mais ça c’était avant la clôture.

La variole du singe

Pour être franc avec vous, je ne veux même pas savoir ce que Tarzan a fait avec Cheeta pour nous ramener la variole du singe, mais disons que ça va au moins donner du boulot aux anciens experts du COVID sur Facebook qui étaient devenus intermittents du spectacle depuis la disparition des masques dans les transports publics. Toujours est-il que depuis quelques jours, la variole du singe a fait son apparition et les marchés financiers ont déjà commencé à se documenter sur le sujet. Alors, pour faire court, ce truc existe déjà depuis des années, mais est généralement localisé plutôt en Afrique, sauf que là on a déjà 92 cas qui ne sont pas en Afrique et tout le monde est au bord de la panique. Même Biden en a parlé hier. Ils veulent déjà lancer des vaccins en grande quantité alors que la contagion à l’air quand même un peu différente de celle du COVID. Mais passons, alors que l’on se demande encore quel est le risque réel, on entend déjà dire que l’Europe se demande s’il ne faut pas préparer des nouvelles règles sanitaires et des nouveaux confinements. Ben oui, ça fait quand même trois semaines qu’ils ont arrêté de nous prendre la tête avec leur COVID, faut bien trouver autre chose.

Making pognon

En attendant, dans le monde merveilleux de la finance, on a trouvé autre chose : les titres qui sont supposés profiter de la variole du singe. Et puis ça tombe bien parce qu’il y a une boîte américaine qui a reçu un approval pour un médicament là contre juste la semaine dernière. Quelle belle coïncidence. On dirait un scénario de film américain, d’ailleurs c’est un film américain. La société en question se nomme SIGA Technologie et travaille en collaboration avec Meridian Medical qui appartient à… Pfizer. Mais quelle coïncidence ! On dirait un scénario de film américain.. ah non, zut.. J’ai déjà dit ça. Bref, mis à part SIGA, il y a aussi la société danoise Bavarian Nordic – qui est la seule à produire un vaccin spécifique et approuvé contre le virus de la variole du singe. Le titre a pris 100% après avoir signé un contrat avec un pays qui a préféré garder l’anonymat. C’est trop chou.

Et puis il y a Emergent Biosolutions qui produit un vaccin contre la variole qui pourrait être utilisé pour traiter la version simiesque – en hausse de 45% sur une semaine – la société a également acheté les droits d’un médicament anti-viral produit par Chimerix qui elle reprend 55%. Mais qui a perdu 75% sur un an. Il va donc en falloir des singes et des vaccins pour récupérer le terrain perdu. En tous les cas, préparez-vous à voir les Experts Facebook, saison 2 qui vont venir nous faire des théories sur la variole du singe et sur le fait que c’est le même scénario que dans le film sur les virus avec Dustin Hoffman. Ce qui est bien, c’est que depuis quelques années, on n’a vraiment plus le temps de s’ennuyer.

En Asie

Ce matin l’Asie est dans le rouge avec une belle unité. Le Japon recule de 0.5%, Hong Kong de 1.29% et la Chine est en baisse de 0.7%. Il faut dire qu’on aurait pu s’attendre à mieux avec le fait que Biden soit enclin à baisser les tarifs douaniers avec la Chine. Tarifs qui avaient été mis en place par Trump en son temps. On ne sait pas si c’est le fait que le grabataire de la Maison Blanche ait aussi annoncé qu’il défendrait lui-même Taïwan avec sa ceinture et son couteau suisse en cas d’attaque chinoise qui a cassé l’ambiance ou si c’est le profit warning de Snapchat qui a tout foutu par terre. En tous les cas, l’Asie est dans le rouge, on s’inquiète de tout et je ne suis pas loin de penser que toutes les bonnes intentions que l’on a mis dans nos achats de la veille vont être remis en question aujourd’hui.

Pour le reste, oui, Snapchat a fait un profit warning sur leurs chiffres du reste de l’année. Mais c’est pas de leur faute. C’est à cause de l’économie qui ne va pas bien et du coup, leurs utilisateurs ont moins envie de se déguiser avec des filtres et de se mettre des oreilles de lapin ou des nez de cochon, du coup, forcément, le business s’en ressent. Les intervenants ont moyennement apprécié la nouvelle. Hier soir le titre se faisait défoncer de 30% after close et le prix d’ouverture indicatif est de 15.50$. Pour information, le titre valait 82.50$ le 21 septembre. C’est plus du ralentissement économique là, c’est de la faillite. Dans le sillage de Snap, on notera que Facebook se prenait 7% dans les dents et que Twitter reculait de 4% de plus. À ce rythme-là, Musk va pouvoir racheter la boîte à moitié prix. Ça tombe bien parce que Tesla vaut de moins en moins cher et que ça va se compliquer à cause de l’argent si ça continue à ce rythme-là.

Le Musk of the day

La transition est donc toute faite. Le patron de Tesla fait encore et toujours parler de lui. Alors que le titre Tesla continue de baisser et clôture sous les 700$ pour la première fois depuis bien longtemps – un analyste technique en profite pour expliquer par A+B que le graphique a confirmé un double-top et que le prochain objectif c’est 540$ – ce qui va aussi poser problème à Musk qui va devoir vendre des titres pour payer Twitter. Les commentaires sur ce qui se passe autour de Tesla sont massivement négatifs et ne plaisent pas aux investisseurs. Sans compter que les chiffres de XPeng en Chine étaient mauvais, que la production prend du retard en Chine à cause des confinements – et encore, la variole du singe n’est pas passée par-là – et puis les problèmes de harcèlement sexuel persistent, sans compter que si l’on se base sur l’affaire Snapchat, Musk paierait clairement Twitter beaucoup trop cher.

Mais ça n’est pas tout. Hier il y a également eu un reportage sur Tesla qui est passé sur Hulu. Reportage qui attaque frontalement le système de pilote automatique des Tesla, estimant plus ou moins que c’est de la daube et que les taxis autonomes promis par Musk pourraient bien arriver en 23 – comme prévu – mais plutôt en 3023 qu’en 2023. Bref, pas que de la bonne presse sur le dos d’Elon Musk et ça n’est pas sa mère de 70 ans qui pose en maillot de bain en couverture du magazine Sports Illustrated qui va suffire pour faire diversion.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on parle beaucoup de Biden et de la Chine et je dois dire que je me demande comme il va faire (Biden) quand il va devoir se fâcher pour de bon avec la Chine et la Russie. Est-ce que Rambo est toujours opérationnel et est-ce qu’il va pouvoir gérer les deux terrains en même temps ? On se pose la question. Il y aussi Zoom qui a publié des chiffres que l’on qualifiera d’encourageants. Le titre a pris 20% after close avant de se redégonfler. Actuellement il se traite en hausse de 5% – mais le truc qui fait le plus de bruit, c’est quand même le profit warning de Snap. À ce propos, Morgan Stanley pense que les révisions des chiffres à venir qui vont se faire ces prochaines semaines, vont être la cause de la prochaine vague de ventes.

Il y a aussi David Rosenberg, économiste et gourou américain qui a l’impression que nous sommes dans la même situation qu’en 2008 et que le S&P500 pourrait largement aller à 3’300 points. Pour le reste, on notera que le baril est à 109.80$, que le Bitcoin est à 29’300$ et que l’or se traite à 1854$. On retiendra encore que Starbucks a fermé 130 restaurants en Russie et quitte définitivement le pays et que AirBNB quitte la Chine.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.6% et on risque de se faire un nouveau retour dont on a le secret. Côté chiffres économiques, nous aurons plein de chiffres du PMI sous toutes ses formes et EN PLUS, Powell doit parler ce soir. Ça sera un bon échauffement avant d’avoir les Minutes du FOMC Meeting qui seront publiées demain soir. Minutes avec lesquelles on va sûrement réussir à jouer à se faire peur. Côté chiffes du trimestre, nous aurons encore pas mal de retailers dans le domaine des fringues avec Abercrombie, Ralph Lauren, Nordstrom.. Si on avait des doutes sur le ralentissement du consommateur, on risque d’être servis.

Nous sommes mardi matin et dans 48 heures, c’est le week-end. Passez une très bonne journée et on se voit demain, même heure, même endroit. Comme d’habitude quoi.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Wise men speak because they have something to say; fools because they have to say something.”

– Plato