Après le bain de sang de lundi, on espérait un simulacre de rebond en attendant que la FED nous donne la sentence de mercredi soir. En fait on n’avait même plus le jus de se mettre à passer des ordres d’achats, sachant que Powell détenait les clés de notre avenir à court terme. Le rebond s’est terminé en eau de boudin et finalement, je pense que si l’on avait eu la moindre once d’intelligence, on aurait fermé Wall Street mardi et mercredi et rouvert juste après la conclusion festive du FOMC Meeting qui aura lieu ce mercredi à 20h00 avec une conférence de presse à 20h30. D’ici-là, autant aller jouer au golf. Quoi que les futures sont en hausse ce matin.

L’Audio du 15 juin 2022

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Interrogation

Dans la foulée du gigantesque mouvement baissier de lundi qui restera dans les annales comme étant la digestion du fait que l’inflation refuse obstinément de baisser et que la FED n’aura pas d’autre choix que de monter, monter et monter encore les taux. Les indices mondiaux se sont donc regardés mardi matin et se sont dit : « Bon, et qu’est-ce qu’on fait maintenant ??? ». Et concrètement ils n’ont rien fait, si ce n’est se dégonfler tout au long de la journée pour se retrouver avec un Dow Jones qui baissait de 0.5%, un S&P500 qui était TOUJOURS en Bear Market et qui baissait de 0.38% pour aller ENCORE UN PEU PLUS en Bear Market et un Nasdaq qui trouvait moyen de monter de 0.18% – ce qui n’était finalement que la juste conséquence d’une claque bien plus forte que les autres lors de la correction de la veille. Mais pas non plus de quoi sortir tout nu dans la rue et s’arroser de champagne millésimé pour fêter ça.

En Europe c’était pas mieux, puisque les indices principaux (DAX et CAC) perdaient tous deux dans les 1% et la Suisse se faisait remarquer, puisque soudainement on avait l’impression que toute l’inflation du monde nous tombait dessus – le SMI reculant de 1.8% – pourtant, c’était l’Allemagne qui avait publié ses chiffres du CPI, chiffres du CPI qui sont d’ailleurs plus ou moins les mêmes que le mois dernier. Mais bon, il est vrai qu’en Allemagne, on s’en fout, puisque la BCE va sauver le monde et régler le problème de l’inflation en une ou deux hausses de taux de 0.25%. Le problème devrait être réglé en septembre selon la Reine Christine, rappelons-le.

La nouvelle énergie alternative

Mais au-delà des comportements boursiers de la veille et de ce que l’on appellera « des ajustements de positions » après la taule de lundi. Oui, « ajustement de position » c’est un terme qui donne toujours l’impression que vous êtes un « monstre professionnel », ça veut dire que vous avez brassé de l’air de toute la journée en pensant qu’en vendant 3 Nestlé, 10 Apple et en rachetant 12 Microsoft, vous aurez transformé votre portefeuille qui ressemble à la chambre d’un ado qui passe ses journées sur TikTok en un carré potager presque parfait que l’on ne trouve que dans le Nord de l’Allemagne.

Donc. Après les ajustements de postions du jour, l’ensemble des regards se sont posés sur LE SUJET du jour. À savoir : « ce que va faire ou ce que pourrait faire Powell ce soir ». Non, parce qu’à voir le nombre de commentaires qui ont été fait dans les médias, le nombre d’articles qui ont été écrit sur le sujet et le nombre de stratégistes qui se sont empressés de changer leurs prévisions pour ce soir, je me dis que ça doit être l’enjeu d’une vie et que si ce soir la FED monte les taux de 0.5%, de 0.75% ou même de 1%, la face du monde merveilleux de l’investissement en sera changée pour toujours. En fait non. D’ici vendredi matin on aura trouvé un nouveau sujet de conversation. Sujet de conversation qui lui POURRAIT BIEN CHANGER la face du monde merveilleux de la finance. Ou pas. Toujours est-il que si l’on pouvait récupérer toute l’énergie qui a été mise dans les déclarations de ce que VA FAIRE POWELL ou DE CE QU’IL POURRAIT FAIRE, voire même de ce qu’il DEVRAIT FAIRE. On devrait avoir une source inépuisable d’énergie qui pourrait charger votre Tesla adorée à vie.

Reste quand même à savoir…

Malgré ce brassage d’air sans précédent à l’aube de la fin d’un meeting de la FED – parce qu’il faut tout de même reconnaître que d’HABITUDE on ne change pas d’avis 8 secondes avant l’annonce du patron de la FED – On ne sait toujours pas ce qui pourrait bien se passer ce soir et quelle en seront les conséquences pour nos caisses de retraites, nos ambitions de devenir très très riche et de ne pas retourner bosser demain. Tout comme on ne sait pas si une inflation qui ne baisse pas veut dire qu’elle baissera la prochaine fois ou qu’elle ne baissera plus jamais.

Souvenons-nous tout de même qu’il y a deux mois, nous étions CONVAINCUS à 100% que la FED monterait les taux de 0.25 à tous les FOMC Meeting des 2 prochaines années et que l’on serait à 3.5% sur les taux directeurs à fin 2023.

Souvenons-nous aussi qu’il y a un mois nous avons commencé à intégrer que 0.5% par meeting semblait plus approprié pour freiner l’inflation et que ces hausses étaient agendées avec une certitude de quasi 123% pour le mois de mai, de juin et de juillet. Et que l’on intégrait également le fait que les taux pourraient être à 3.5% mais déjà la fin 2022.

Souvenons-nous encore qu’il y a 2 semaines, on pensait que la FED allait faire une PAUSE dans sa hausse des taux au mois de septembre, histoire de voir si TOUT était sous contrôle. Ça s’appelle « la méthode Lagarde ».

Souvenons-nous maintenant qu’il y a 12 jours, nous avons compris qu’il n’y aurait pas de pause, que l’inflation c’était la merde et que 0.5% de hausse pour les deux prochains meetings, ainsi que ceux de septembre, octobre, novembre et décembre aussi – c’était clairement une évidence avec un taux de réussite à 114%.

Souvenons-nous de tout ça.

Sauf que

Sauf que depuis hier, tout ce que Wall Street compte comme stratégiste, analyste, économiste, assistant économiste, assistant stratégiste, analyste amateur, professeur d’Université, responsable du courrier dans une banque, gourou de la finance, hedge fund manager, fund manager, manager ou marchand de hot-dogs devant la sortie de chez Goldman Sachs ou encore marchand de glaces devant la sortie de chez JP Morgan, toute c’t’équipe est venue donner son avis sur la hausse des taux à venir. Sur ce que Powell allait faire ce soir.

À quelques heures de l’échéance, à quelques encablures de ce moment qui va changer la face du monde et après avoir tourné 22 fois la veste sur le sujet depuis le 3 mars, l’ensemble de la communauté financière et l’association américaine des joueurs invétérés de casino qui ne peuvent pas s’empêcher d’aller passer le week-end à VEGAS, ont annoncé presque d’une seule voix, que la FED devrait monter les taux de 0.75% et puis c’est tout. Les plus fous-fous pensent même qu’elle pourrait monter les taux de 1% au risque de plonger l’économie dans une récession immédiate et instantanée.

En gros et pour résumer, ils n’en savent foutrement rien et ce soir, lorsque nous aurons la réponse, ils auront :

– Soit l’air complètement cons parce que la FED sera restée sur ses 0.5% de base
– Soit, ils hocheront la tête d’un air entendu qui veut dire « tu vois, je vous l’avais dit » et ils retourneront à leurs spreadsheets excel pour essayer de deviner ce que la FED fera en juillet.

Pour faire simple, on a brassé de l’air comme jamais hier et on n’est vraiment, mais alors vraiment pas plus avancé qu’avant. En revanche, on sait que si la FED est trop agressive on pourrait entrer dans une récession IMMÉDIATE et INSTANTANÉE. Ça c’est encore un terme fabuleux que j’avais jamais entendu. Une récession immédiate et instantanée, c’est une récession qui te tombe dessus à l’instant ou les taux directeurs passent de 0.75% à 1.75%. À cet instant très précis, tout s’arrête, l’économie ne croit plus, le consommateur s’auto-confine et efface sont profil d’utilisateur sur Amazon, il arrête de manger, revend sa voiture et commence à se mettre au macramé en attendant que ça passe. Je crois que ça mériterait une chronique complète tellement il y a dire…

Pour le reste

Ce matin la Chine et Hong Kong sont en hausse de 1.4%, le Japon est en baisse de 0.85%. Le Bitcoin est à 21’800$ et tout le monde parle « d’HIVER DES CRYPTOMONNAIES ». Coinbase vire 20% de son staff en argumentant sur le même thème et tous les experts en graphiques sur le Bitcoin sont de sortie pour nous expliquer où est le prochain support et nous dire quand est-ce qu’il faut racheter, puis quand est-ce que le Bitcoin sera enfin à 100’000$ parce que moi je commence à trouver le temps long.

Le pétrole est en forte baisse et il se traite à 118.80$ – moi je m’en fous, je me suis converti à l’Ethanol et depuis je trouve très drôle de faire le plein de voir que ça me coûte 70% moins cher qu’avant. L’or est à 1817$ et il faut me dire si ça intéresse encore quelqu’un parce que ça fait une ligne de plus qui ne sert pas forcément à grand-chose. Et puis le rendement du 10 ans US est à 3.42%, pendant que les taux hypothécaires à 30 ans sont passés à 6% aux Etats-Unis. Je ne vais pas le répéter 112 fois, mais la crise immobilière américaine nous pend au nez. Non, je dis ça au cas où on cherche une autre raison de paniquer un peu plus encore.

Les nouvelles du jours

En ce qui concerne les nouvelles du jour, il n’y pas de nouvelles du jour, parce que la seule chose qui nous intéresse comme nouvelle du jour, c’est ce que va faire la FED, ce que va dire la FED et comment Wall Street va l’interpréter et le conjuguer dans tous les temps possibles existant dans 34 langues différentes. Mis à part la FED ; il y aussi :

Le PPI en Suisse, le CPI en France, la production industrielle en Europe, ainsi que la balance commerciale. Puis aux USA, il y aura les nouvelles demandes d’hypothèques, les prix à l’importation et à l’exportation. Le New York Empire State Manufacturing Index, le Retail Sales, le Redbook, le NAHB Housing Market Index, les ventes de voitures, les inventaires pétroliers et Christine Lagarde qui parlera… Tout ça EN PLUS de la FED. Si on ne trouve pas une mauvaise nouvelle inflationniste là-dedans, ça serait quand même un comble.

Voilà. Nous sommes le 15 juin et dorénavant, on sait qu’on ne sait jamais, mais que l’on peut toujours tourner la veste en cas de besoin. Passez une excellente journée, pour l’instant les futures sont en hausse de 0.6% et je commence à avoir les yeux qui pleurent tellement ça remonte vite.

À demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“From the moment we are born, we begin to die.”
― Janne Teller, Nothing