Après une semaine torride et caniculaire tant du point de vue météorologique que du point de vue du comportement des marchés. En ce début de semaine, nous nous retrouvons face à un nouveau problème majeur que nous allons devoir intégrer : la Récession. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : nous n’y sommes pas encore, mais disons que de plus en plus de monde sont en train de se spécialiser sur le sujet. D’intégrer la chose dans leurs décisions d’investissements. La dernière en date reste quand même que le pétrole s’est fait défoncer par crainte de la récession. Lui qui ne pouvait plus baisser et qui était devenu le « coup sûr » d’à peu près tout le monde.

L’Audio du 20 juin 2022

Télécharger le podcast

Récession et taux

Depuis le milieu de la semaine dernière, nous avons donc passé notre temps à digérer ce qui s’est passé sur les taux. On sait que lorsque les banques centrales montent les taux, ça n’est jamais Byzance pour les marchés actions. En tous les cas dans un premier temps. On sait tous qu’une fois que le cycle est amorcé, les indices boursiers ont tendance à remonter dans la foulée, mais nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment nous sommes en train de prendre conscience que pour lutter contre l’inflation, il nous faut d’abord la freiner en montant les taux avant de penser à la suite. On l’a d’ailleurs très bien vu la semaine dernière : Powell monte les taux, le marché monte dans la foulée, en guise de soulagement de le voir « enfin » agir franchement contre l’inflation. Et le lendemain tout se pète la gueule sous prétexte que la hausse des taux va déclencher la récession. ON N’A MÊME PAS RÉUSSI À TOUT FAIRE LE MÊME JOUR.

On a dû d’abord fêter la lutte contre l’inflation et LE LENDEMAIN paniquer à cause de la récession qui arrive. Mais le but de cette chronique ce matin n’est pas non plus de me moquer du comportement des marchés et de ces réactions bipolaires qu’ils sont capables de nous sortir en 48 heures – ça n’est pas mon style et ça ne se fait pas de frapper un homme à terre. Enfin, ça dépend quand même de quel « homme » on parle, parce que si par exemple on parle de Mike Tyson, c’est quand même mieux de le frapper pendant qu’il est à terre. Pour des raisons évidentes de sécurité.

Récession et pétrole

Mais là n’est pas le sujet. On a donc tous bien compris que le marché est bipolaire et qu’il ne sait plus quoi faire. Il ne sait plus s’il doit fêter le fait que la lutte contre l’inflation soit prise au sérieux ou s’il doit s’inquiéter de la récession qui va inévitablement nous tomber dessus si l’on monte les taux trop fort et trop vite. La chose la plus marrante de la semaine dernière, enfin, UNE des choses la plus marrante de la semaine dernière, c’est quand même le pétrole. Oui, parce que Môssieur l’or noir à encore frappé. Si l’on reprend l’histoire récente de l’or noir, on constatera que l’ensemble de la communauté financière, tout ce que le monde compte comme stratégiste, économiste ou autre expert en matières premières, tout ce petit monde était convaincu d’une seule et unique chose : le pétrole ne pouvait PLUS baisser et que la seule destination envisageable pour l’or noir, c’était la hausse. Toujours la hausse et encore la hausse.

Les objectifs de tout un chacun étaient tous plus délirants les uns que les autres. Ça allait de 130$ jusqu’à 200$ et il y avait une forme de certitude dans ces objectifs. Les explications étaient simples et rationnelles : la demande restait forte, les stocks sont en train de fondre comme neige au soleil et pour pouvoir augmenter la production, il faudrait réinvestir dans des nouvelles technologies d’extraction et de raffinage. Sauf qu’actuellement, c’est pas tellement à la mode d’investir dans les énergies fossiles. Du coup, CQFD, le pétrole ne peut faire que monter. D’où les objectifs délirants qui foisonnent dans les journaux.

Récession et pétrole (2)

Sauf que. Oui, sauf que comme tout ce qui se passe en finance, tout ce qui s’est passé et tout ce qui se passera : quand c’est trop évident, c’est évidemment faux. En dehors du fait que le pétrole ne pouvait plus que monter, l’autre chose sur laquelle tout le monde était d’accord ; c’était le fait que la seule chose qui pourrait éventuellement faire baisser le pétrole, c’est une destruction de la demande. Destruction qui ne pourrait se produire qu’en cas de récession massive et du fait que tout le monde arrête de faire le plein. Que les paquebots restent à quai, que les porte-containers se mettent à naviguer à la voile ou alors ne choisissent que des Océans en pente, sans compter qu’il serait bon que les avions arrêtent de voler aussi. Comme quand on était confiné finalement.

Eh bien soudainement, alors que selon les chiffres, la demande en pétrole est toujours aussi solide, en fin de semaine dernière, on s’est dit que la destruction de la demande n’était peut-être pas pour tout de suite, mais que l’on pouvait donc largement l’anticiper, puisque la récession était à nos portes. C’est dans cette phase d’acceptation de voir arriver la récession que le prix du baril s’est soudainement effondré. Alors que nous caracolions autour des 120$, il y a encore 7 jours, voici que ce matin le baril ne vaut plus que 107$ et des bricoles. Bon, par contre c’est toujours aussi cher de faire le plein. Mais on sait dorénavant que le pétrole peut baisser et que quand tout le monde est convaincu et que les certitudes sont légion dans le monde de la finance, c’est en général là que ça baisse. Le pétrole est donc la première victime collatérale du combat contre l’inflation et de l’arrivée imminente de la récession.

Récession + Bear Market

Je dis arrivée imminente parce que si l’on en croit les derniers chiffres, plus de 44% des personnes interrogées à Wall Street pensent que la récession est à nos portes. Sur les 56% qui restent, il y a en tous cas 3 ou 4 qui pensent que l’on est DÉJÀ en récession et le reste qui vont à l’église pour prier qu’on s’en sorte. Parmi les gens qui prient, on retrouve Madame Yellen qui espère toujours que l’on va s’en sortir, Monsieur Powell qui « fait tout ce qu’il peut pour que l’on s’en sorte », même si en montant trop vite les taux, il pourrait être carrément celui qui nous met dedans. Et puis il y a aussi Monsieur Biden qui pense qu’il peut faire AMERICA GREAT AGAIN et que les USA peuvent se défaire de l’inflation sans entrer en récession. En même temps, si Biden est aussi doué en économie qu’il ne l’est quand il fait du vélo, on peut craindre le pire.

Le marché est donc en train d’intégrer le fait que « potentiellement » nous serons en récession d’ici la fin de l’année ou mieux, cet automne. On commence donc déjà à flipper sur le fait que SI L’ON EST BIENTÔT en récession, les chiffres trimestriels qui vont nous tomber dessus dans la première quinzaine de juillet risquent de faire très très mal, étant donné que les évaluations ont déjà été revues à la baisse, mais pas à la baisse en cas de récession. Il y a donc des ajustements qui devront être encore fait. Et on connait la façon que Wall Street à de faire des « ajustements » – à coup de 25% de correction… Chose dont on peut largement se passer actuellement. Et puis, il y a aussi le fait que tous les experts sont également de sortie pour savoir quand est-ce que tout cela va se terminer, parce que ne nous le cachons pas, on sait tous qu’après un Bear Market, il y a toujours un Bull Market qui sommeille. Que les Bear Markets ont tendance à être brefs et que le plus important sera quand même de savoir quand est-ce que l’on peut rentrer à nouveau dedans – parce que c’est là que les fortunes se construisent et que les banques encaissent des commissions, quand ça monte, pas quand ça baisse.

Récession + Marché Immobilier

Mais alors que le pétrole et les marchés boursiers sont en train d’intégrer le fait que nous serons bientôt en récession, il y a un dernier point qui commence à tourner vinaigre qui pourrait précipiter le marché encore un peu plus bas, lui faire faire son dernier gros mouvement baissier et provoquer ras-le-bol et capitulation dans le rang des investisseurs patients ; c’est le marché immobilier. Les chiffres ne mentent pas : les demandes d’hypothèques sont au plus bas. Les taux des hypothèques à 30 ans aux USA, sont à des niveaux que l’on n’avait plus vu depuis longtemps. Et à voir ce que la FED est en train de faire, c’est pas vraiment terminé.

Pour l’instant, on veut toujours croire que la pierre reste un investissement confortable et sécurisant, mais la rapidité de la hausse des taux couplées aux incertitudes économiques, le tout saupoudré de craintes inflationnistes, risque bien de provoquer une nouvelle correction du marché de l’immobilier aux USA – ce qui pourrait être le point d’orgue de la correction entamée depuis 6 mois.

Récession et fin de la récession

Il est donc vrai que si le marché immobilier s’effondre, ça va devenir de plus en plus difficile d’être optimiste, positif et peut-être même bullish. Cependant, on sait que pas mal de choses sont en train d’être « intégrées » dans le prix du marché. On dit que si récession il y a, le marché pourrait baisser jusqu’à 3’000 sur le S&P500 – mais qu’ensuite, on aura intégré le pire et que l’on pourra repartir pour un nouveau cycle. Loin de moi l’idée d’être trop « bullish » dans ces périodes compliquées, mais on sait aussi que les cycles de Bear Market sont assez courts et si l’on se base sur les mouvements du passé, on peut se dire que les plus bas devraient être autour des 3’000 points – sauf en cas de Stagflation – et que la fin de la baisse – si l’on tient compte des durées moyennes des Bear Markets – pourrait être autour de la fin octobre. De là à vous encourager à prendre de longues vacances cet été, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas.

Ce matin on commence la semaine mollement. Le Japon est en baisse de 1.3% et le reste ne fait rien, pendant que les USA seront fermés. En effet, hier c’était la première fois que les USA pouvaient célébrer la fête du 19 juin – appelée Juneteenth – pour fêter la fin de l’esclavage. Et comme le 19 c’était dimanche, on reporte sur le 20 juin. Et paf, un nouveau jour férié. En plus des doutes que l’on a sur l’arrivée de la récession, de la fin de l’inflation et de la vie et de la mort du Bear Market, les marchés vont continuer à s’interroger sur ce qu’il faut attendre de la suite. Les indices sont survendus à peu près partout et si cela devait remonter un peu, ça ne serait pas forcément surprenant. Mais en attendant on doit aussi supporter le fait que le secteur des cryptos est en train de s’effondrer et que l’on peine à trouver le fond.

Le Bitcoin au plus mal

Ce week-end, le Bitcoin est allé chercher sous les 18’000$ avant de remonter. L’Ether est passé sous les 1’000 pendant un bref instant et on se demande quand est-ce que cela va se terminer. Autant dire que les plus « bearishs » sur le sujet sont tous de sorties pour prédire la « fin du secteur ». Un peu comme quand on avait prédit la fin d’Amazon en l’an 2000 – parce que « sérieusement, qui va aller acheter des livres sur internet ??? ». Quoi qu’il en soit, ça n’est facile pour personne et les instabilités du marché des cryptos n’aident pas le reste du marché à se stabiliser non plus. L’or est à 1845$ et le pétrole se traite à 107.78$ alors que les futures américains oscillent entre rien et pas grand-chose.

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que Macron s’est pris une claque aux législatives et que la France va encore se retrouver bloquée pendant 5 ans alors que personne n’aura la majorité et que tout le monde voudra tirer la couverture à lui. Dans un « move » très ESG, anti-pollution et anti-réchauffement climatique, l’Allemagne vient d’annoncer qu’elle allait augmenter la production de ses centrales à charbon pour pallier au manque de gaz en provenance de la Russie. Comme quoi les sanctions économiques ne sanctionnent pas forcément ceux qui devaient l’être à la base. En tous les cas, quand on voit ce que la Russie a encaissé comme pognon sur le pétrole via l’Inde depuis quelques mois, on se demande à quoi tout cela peut bien servir.

Chiffres économiques

Côté chiffres, la semaine sera chargée, surtout avec Powell qui va témoigner deux fois devant le monde politique cette semaine. Mais pour aujourd’hui, nous aurons le PPI en Allemagne ainsi que Lagarde qui parlera. Il y aura aussi Bullard – membre de la FED – qui donnera son avis sur ce qui a été fait la semaine dernière et ce qui doit encore être fait. Sachant que le mec a inventé le concept du « hawkishness », on peut encore avoir une bonne occasion de rigoler. Heureusement que le marché US est fermé.

Passez une excellente journée et on se retrouve demain – à la même heure et au même endroit pour entamer un vrai début de semaine avec le retour des Américains !

À demain

Thomas Veillet
Investir.ch

“Imagination is everything. It is the preview of life’s coming attractions.”

– Albert Einstein