Je ne vais pas vous faire le « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Utiliser ce genre de commentaire n’apporterait pas grand-chose dans une chronique boursière. Pourtant c’est exactement ça. Vous avez les Américains qui sont en vacances et plus rien ne se passe en Europe. Je ne sais même pas pourquoi nous sommes restés ouverts. Nous devrions jurer allégeance à Biden (ce qui est plus ou moins déjà fait depuis un moment) et utiliser les mêmes jours fériés qu’eux afin de ne pas perdre des journées entières devant nos écrans avec des volumes de misère à regarder des échanges qui ne veulent pas dire grand-chose. Bref, hier on a rien fait parce que c’était Independance Day.
L’Audio du 5 juillet 2022
Le pétrole, les matières premières et l’inflation
Le DAX a donc terminé en baisse de 0.3% à cause de sa balance commerciale qui s’effondre. Hier les chiffres du Trade Balance en Allemagne sont sortis et ça n’était pas franchement rassurant. D’ailleurs je ne sais même pas pourquoi on a baissé « seulement » de 0.3%. La grande Allemagne, s’est pris une claque monumentale parce qu’elle ne s’en sort plus sans une énergie bon marché et le retour de manivelle des sanctions contre la Russie sont en train de mettre le pays dans une situation que l’on ne devrait pas apprécier sur le long terme. Et pas que l’Allemagne d’ailleurs. On croule sous les alertes comme quoi cet hiver on va se devoir se chauffer en brûlant nos déclarations d’impôts ou en allant chercher du bois dans la forêt et de l’autre côté on sanctionne la Russie à tout va en en prenant plein la gueule derrière.
En tous les cas, hier nous avons eu une bonne idée des sanctions contre la Russie et de leurs conséquences contre les pays qui « sanctionnent ». Pendant ce temps, la France gagnait 0.4%, mais c’était surtout parce que Total prenait 4% parce que les Norvégiens faisaient la grève sur des champs d’hydrocarbures et supprimaient du même coup la production de 130’000 barils par jour. Et sauf erreur, je crois qu’on n’est pas trop dans une situation où l’on peut se permettre de se priver de 130’000 barils par jour. Mais je peux me tromper.
On va où ?
Arrivé à ce point de la chronique je dois dire que je m’interroge. Je m’interroge parce que les futures sont en hausse et que les marchés asiatiques sont en hausse. Pourtant, depuis que je suis debout, je ne lis que des nouvelles catastrophiques qui laissent à penser que le marché va… que dis-je : DOIT aller plus bas. D’un côté il y a la balance commerciale allemande qui s’effondre, mais de l’autre il y a aussi Goldman Sachs qui se montre inquiet sur les marges des sociétés à l’aube de la saison des publications trimestrielles – marges qui pourraient massivement souffrir lors des prochaines annonces. Et lorsque l’on voit ce qui s’est passé sur les chiffres de Nike, je vous laisse imaginer ce qui pourrait se passer si Microsoft, Google, Apple et Amazon annonçaient le même genre de nouvelle.
La banque d’affaires américaine explique aussi que « pour l’instant » nous sommes en train de « pricer » une récession légère. Mais le retour à la réalité pourrait être un poil différent. Et lorsque l’on voit où nous sommes sur les graphiques, il ne manque pas grand-chose pour faire le grand-saut en direction des 3’300, voire pire. Mais ça n’est pas tout. Il y a aussi JP Morgan qui s’inquiète du fait que Le G7 étudie les moyens de plafonner les prix russes, notamment en interdisant l’achat ou la vente de pétrole russe au-delà d’un certain prix. On pense qu’ils pourraient utiliser le pouvoir du Royaume-Uni et de l’Europe sur les assurances maritimes mondiales pour aider à faire respecter un tel plafond. Ce genre de nouvelles sanctions et de nouvelles menaces, pourraient avoir pour effet de faire exploser le pétrole. JP Morgan parle d’un baril à 380$ potentiellement.
La limite, c’est le ciel
Je crois que je n’ai pas besoin de vous expliquer ce qui se passerait avec un baril à 380$. Ce qui se passerait sur l’inflation, sur les taux et sur la croissance. Ceux qui aurait éventuellement anticipé une « petite récession légère », vont commencer à changer de terminologie et parler « de putain monstrueuse récession ». Mais visiblement, ce genre de considération n’entre pas dans la réflexion des clowns du G7 qui ont l’air d’être aussi subtils qu’un troupeau d’éléphants complètement bourrés qui aurait vidé un stock d’alcool frelaté.
Donc lorsque je vois ces nouvelles, ces craintes et le fait que les futures sont en hausse ce matin, je me demande quel genre de drogues nous sommes en train de consommer. En fait c’est assez simple. On appelle ça : cacher la merde au chat. En effet, pendant que les menaces pèsent sur le pétrole, l’inflation, les taux et une éventuelle récession. Sans compter que les membres du G7 sont à la recherche du dernier truc pour se faire reluire. On s’autorise à penser dans les milieux autorisés que les Américains pourraient revoir à la baisse les taxes douanières vis-à-vis de la Chine. Oui, comme on ne sait plus comment faire pour lutter contre l’inflation et que les élections de mi-mandat approchent aux USA ; on essaie par tous les moyens de faire baisser les prix en important de la came Made In China. Histoire de sauver les fesses de papy Biden pour qu’il ait encore un poil de pouvoir à la fin de l’année.
Donc la Chine…
Voici donc pourquoi ce matin l’Asie est en hausse et se retrouve pleine d’optimisme parce que les Américains vont devoir baisser leur pantalon pour permettre à l’inflation de se calmer. Comme quoi les sanctions contre les autres économies, ça ne fonctionne que pendant un temps. C’est un peu comme les guerres mises en place par les Ricains. Ils y vont, ils roulent les mécaniques et puis ils perdent la guerre et rentrent à la maison. Reste plus qu’à espérer que ça va faire pareil aux Russes et que l’on pourra reprendre une vie normale un jour, sans avoir besoin de faire 12 supermarchés pour trouver de la moutarde de Dijon, qui d’ailleurs est fabriquée en Ukraine apparemment. Au vu de sa rareté soudaine.
Tout ça pour dire que quand on voit ce qu’on voit dans les journaux ce matin. Qu’on entend ce qu’on entend à la radio et ce que l’on voit à la télévision, on a de la peine à comprendre pourquoi les futures sont en hausse seulement parce que l’on va faire baisser les tarifs douaniers en Chine. Et encore, c’est même pas sûr. Moi je vais arrêter là, sinon je vais tourner Bearish. On notera encore que le baril est presque à 111$ et que c’est pas cher payé pour un truc qui vaudra 380$ cet hiver et qu’on sera obligé de se chauffer en brûlant nos voitures devant la maison. L’or est à 1810$ et ne fait rien. Quant au Bitcoin, il est remonté au-dessus des 20’000$ et même si Three Arrows Capital est officiellement en faillite, on s’en fout. C’était dans les prix.
Les nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on parle du gouvernement allemand qui envisage de prendre des participations dans les boîtes de gaz qui sont en galère. C’est parfait. Le gouvernement qui se tire une balle dans le pied en collant des sanctions contre la Russie et qui derrière doit privatiser les entreprises en difficulté, c’est vraiment idéal comme système. Je suis certain que ça va bien se finir. Pendant ce temps, pendant les parades du 4 juillet à Chicago, un nouveau taré avec un flingue a tiré sur la foule et a tué 6 personnes. J’imagine que l’ensemble de la classe politique américaine va hurler à la mort et réclamer un contrôle sur les armes. Et puis dans trois jours ces débiles profonds de la Cour Suprême vont dire que « non, c’est bien les armes dans la rue, ça fait viril et que c’est un droit fondamental ». Comme celui d’être profondément con.
Autrement, on notera que l’inflation en Suisse a été publiée hier à 3.4% et pour mettre les choses en perspective, celle de la Turquie a été annoncée à 79% au plus haut depuis 24 ans. Tout va bien. Et puis, si vous êtes encore abonnés au Wall Street Journal en papier ou au Barron’s en papier, ne les jetez pas et gardez-les pour l’hiver, parce que vous ne pouvez plus ouvrir un journal sans apprendre que cet hiver sera long, froid, sans électricité et sans chauffage. On est presque à se dire que le réchauffement climatique est une bonne chose. S’il faisait 20 degrés à Noël, tout le monde serait content.
Et maintenant quoi ?
Ce matin tout va donc très bien. Les Américains vont faire copain-copain avec la Chine et ça va faire baisser l’inflation. On va dire que l’on peut se concentrer là-dessus pendant les 12 prochaines minutes. Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.3% – c’est de la folie pure. Et on attendra plein de PMI’s en Europe, mais pas grand-chose comme chiffres aux USA. Forcément, pour eux c’est comme un lundi !
En ce qui me concerne, aujourd’hui, je vais en forêt couper du bois pour cet hiver et je vais aussi creuser au fond du jardin pour installer une citerne et stocker du pétrole bon marché pour le revendre à Noël. Passez une excellente journée et j’espère sincèrement que vous êtes en vacances et que vous pouvez penser à autre chose que le monde merveilleux de la finance et à l’économie selon le G7.
On se revoit demain à la même heure, si je ne me suis pas fait attaquer par un ours en forêt. Ou un loup. Mais un ours serait bien plus symbolique.
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
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– Bernard M. Baruch