Lorsque que l’on suit un tant soit peu les bourses mondiales, on se rend rapidement compte que le but de tout un chacun est de déterminer une stratégie qui le rendra, ou riche ou célèbre. Riche parce que vous aurez parié sur le bon cheval, la bonne crypto ou entendu la bonne information au bon moment, mais surtout AVANT les autres. Célèbre, parce que vous aurez fait n’importe quelle prévision – si possible la plus incroyable – et que vous aurez eu raison. Un seule fois suffira pour devenir un demi-dieu de la finance le reste de vos jours. Actuellement, nous sommes dans une phase où l’on ne sait plus trop quoi faire ou penser, mais on est quand même convaincu que ce soir, on saura.

L’Audio du 8 juillet 2022

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Le savoir

Oui, parce que ce soir on saura si l’emploi va mieux ou moins bien et en fonction, on tirera les conclusions qui s’imposent : soit l’inflation ralentit, soir l’économie est en train de se planter à cause des taux qui montent. Restera ensuite à estimer l’ampleur des dégâts afin de savoir si ce que fait la FED est :

1) Bien parce qu’elle veut freiner l’inflation
2) Mal parce que ça va mettre l’économie en récession

Hier soir, les marchés américains ont aligné leur quatrième séance de hausse. Une hausse clairement marquée dans le secteur de la croissance. Secteur dans lequel tout le monde est en train de sauter en partant du principe que si ça doit remonter pour de vrai, il est clair que c’est les secteurs de croissance qui vont mener la danse – tellement ils se sont fait massacrer ces derniers temps. Reste donc à savoir si les chiffres des NFP qui sortiront ce soir et les chiffres du CPI qui sortiront la semaine prochaine, nous permettront de prendre une décision face à notre indécision. Si hier les marchés terminaient encore une fois dans une assez forte hausse, cumulant un rebond de 7% sur le Nasdaq 100 en cinq séances, c’est surtout parce le « marché » commençait à avoir confiance en les agissements de la FED… Pourtant, ça reste quand même assez ésotérique comme réflexion.

Soudainement on cherche la vision à long terme

Si l’on doit résumer ce qui se passe sur les bourses mondiales et dans le psyché tourmenté des investisseurs, je crois qu’il y a une phrase prononcée hier soir à Wall Street qui résume à peu près tout. Cette phrase, c’est la suivante :

« Les intervenants sont satisfaits de voir que la FED combat toujours l’inflation et que, compte tenu des déclarations de certains membres de la FED, on peut s’attendre à une nouvelle hausse de 75 basis points en juillet, mais qu’ensuite, les actes de la FED devraient permettre de viser un « soft landing » et une seule autre hausse des taux de 50 bp en septembre, ce qui devrait ralentir l’inflation sans faire trop de mal à l’économie. Sans compter que les attentes sur les résultats du second trimestre sont tellement basses que nous pourrions avoir de belles surprises à la hausse ».

Oui. Je le reconnais la phrase en question est assez longue et pour être franc, je l’ai écrite moi-même avec des bouts de phrases qui ont été dites hier soir. C’est donc un peu le Do It Yourself du résumé de la finance mondiale ou l’IKEA de l’investissement. Mais ce qu’il faut retenir ; c’est que ce soudain retour d’une « bullish attitude » est principalement du au fait que l’on commence à penser que la FED a fait tout juste en étant agressive sur les taux, mais pas trop, elle aura permis à l’inflation de ralentir, sans trop freiner la croissance. Nous n’avons absolument aucune garantie de cet état de fait, mais pour le moment, on y croit et ça nous suffit.

Matières premières ou matières deuxièmes ?

Si aujourd’hui la confiance semble forte, ça n’a pas toujours été le cas, puisque si l’on se rappelle le dernier sell-off de 7% sur le Nasdaq (au hasard, je dis le Nasdaq parce que c’est toujours plus impressionnant et que quand c’est impressionnant, c’est toujours plus vendeur). Donc, lors du dernier sell-off de 7% sur le Nasdaq, nous avions exactement les mêmes données qu’hier, c’était juste notre perception qui a changé. Notre perception et le fait que les matières premières sont toutes en train de se casser la gueule les unes après les autres.

En temps normal, une baisse généralisée des matières premières aurait été considérée comme un ralentissement massif de l’économie et, en temps normal on aurait pu paniquer complètement parce que la récession était en train de frapper à notre porte et qu’on était encore sous la douche et pas du tout en tenue pour aller ouvrir la porte question. Sauf que depuis une semaine, on préfère nettement voir le pétrole au fond du bac, le cuivre se faire laminer, le blé rentrer en Bear Market et même, à la limite, ça nous fait plaisir de voir l’or – qui est censé être un « hedge » contre l’inflation – se faire exploser la tête, parce que justement, ça veut dire que l’inflation est en train de perdre du terrain et que les chiffres qui vont sortir la semaine prochaine et cette après-midi, vont sûrement pousser la FED à ne plus trop monter les taux. Le job a été fait. C’est en tous les cas ce que l’on croit, ce que l’on pense là tout de suite maintenant à l’instant présent. Connaissant notre capacité de concentration et nos compétences pour voir plus loin que la fin de la séance, on sait que ça peut tourner aussi vite que la météo lorsque tu fais une randonnée en montagne et que tu te rends compte que t’as oublié ton K-Way.

La perception fera le reste

Pour le moment tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. La situation qui nous faisait paniquer, qui nous A FAIT paniquer il y a encore quelques semaines, n’est plus la même. C’est un peu comme si tous les problèmes avaient été résolus en trois coups de hausse des taux et que toutes les craintes s’étaient envolées. Reste plus qu’à que la guerre en Ukraine se termine, que Poutine rouvre les robinets de gaz, que la FED annonce que la hausse des taux, c’est terminé et qu’elle fera « Whatever it takes pour aider l’économie à se reconstruire et aussi les marchés. Surtout les marchés ».

Sauf que, pour le moment on ne sait pas trop comment tout ça va se finir. Sauf que la guerre en Ukraine n’est pas terminée et de loin. Que Poutine n’a pas encore rouvert les robinets du gaz, que les infrastructures pétrolières sont toujours trop vieilles et que personne ne veut réinvestir parce que c’est pas ESG, le pétrole, qu’il n’y a pas assez de métaux rares sur terre pour mettre des batteries dans tout et n’importe quoi. Et que surtout, pour le moment, il est encore trop tôt pour parler de « soft landing », qu’à la moindre indication contraire, on va s’en reprendre une dans les dents et surtout : que selon le cycle habituel de l’investisseur, il ne semble pas que nous soyons déjà passé par la case désespoir et dépression. Sans parler du fait que le côté panique n’a visiblement pas encore été exploité à fond… Loin de moi l’idée ou l’envie de passer du côté des plantigrades, mais il me semble quand même que notre enthousiasme soudain pourrait quand même être un poil prématuré. Je souhaite avoir tort, mais au cas où j’ai raison, il faudra quand même le noter dans un coin.

En Asie

Ce matin l’Asie est légèrement dans le vert. 0.6% à Tokyo et 0.10% ailleurs. Les futures sont en baisse de 0.4% et l’ancien Premier Ministre japonais, Monsieur Abe vient de se faire tirer dessus pendant un discours et le pronostic n’a pas l’air bon. Pour le reste, la mentalité des investisseurs du matin en Asie à l’air un peu la même qu’aux USA hier soir : on se sent rassuré sur la croissance et sur le fait que c’est pas quelques hausse des taux qui vont ralentir une économie mondiale aussi balaise qui vient de survivre à une pandémie. Pourvu que l’état d’esprit « warrior » du marché continue de fonctionner, sinon on est mal.

Pour le reste, le pétrole est à 102.88$, l’or est à 1739$, parce que plus personne n’a peur de l’inflation et le Bitcoin remonte ENFIN sur les 22’000$. On attend les prochains objectifs stratosphériques dans les heures qui viennent. Du côté des nouvelles passionnantes du jour, on notera que Twitter est en train de réduire son staff, alors que le « take over by Musk » est de plus en plus remis en cause alors que son équipe de négociateurs n’arrive toujours pas à trouver des chiffres clairs sur les « faux comptes ». Autrement, durant la séance d’hier, GameStop a repris 15% parce qu’ils ont annoncé un split. C’est normal. Et après la clôture, le titre reperdait près de 6% parce que le CFO s’est fait jeter dehors avec une tripotée d’employés également. Ça aussi, c’est normal.

Mais encore

On retiendra aussi, comme cité plus haut, que les matières premières sont plus ou moins revenues à leur niveau d’avant que Poutine débarque en Ukraine et que c’est encourageant pour l’inflation future. Par contre on notera aussi que c’est toujours aussi compliqué d’acheter une voiture neuve étant donné que les délais de livraisons s’approchent plus du jeu de hasard que d’une vraie réalité commerciale. Sans compter que tu ne sais jamais trop ce que tu auras vraiment dedans tant que la voiture n’est pas dans ton garage. « On est désolé, on est en « shortage » de volant, mais on vous rappelle dans trois mois pour vous en mettre un. Allez… Bonne route !!! ».

Et puis il y a aussi Krugman. Qui est quand même Prix Nobel d’économie, qui estime que les craintes d’inflation galopante sont clairement surestimées et qu’il n’y a aucun risque de STAGFLATION. Une chose est certaine, il n’a pas suivi le même cursus que Roubini, parce que s’ils vont manger ensemble un de ces jours, y en a un qui va saigner du nez à la fin du repas. On notera aussi le rebond de 25% de la part de Bed, Bad and Beyond. Le même, Bad and Beyond que l’on estimait au bord de la faillite il y a 10 jours. La raison de la hausse ? La nouvelle CEO de la boîte a acheté pour 250’000$ des actions de sa société. Si c’est pas la preuve qu’elle sait quelque chose, je ne sais pas ce que c’est. Et puis en plus, tout le monde sait que les CEO’s ont toujours raison. Enfin, sauf quand ils ont tort. N’oublions pas non-plus que l’on attend la démission de Johnson de son poste de Premier Ministre au plus vite. Le marché devrait s’en foutre, mais notons tout de même la chose dans un coin.

Chiffres du jour

Côté chiffres économiques, nous aurons le Trade Balance en France, les prévisions économiques de la Banque Centrale Européenne et Madame Lagarde qui parlera. Mais pour être franc avec vous, le seul truc qui va intéresser le marché, c’est les chiffres de l’emploi aux USA. Le département du travail devrait annoncer que l’économie a créé 270’000 emplois en juin. Cela marquerait un ralentissement par rapport aux données de mai qui étaient de 390’000 nouveaux jobs. Si les chiffres sont juste, on pourra dire que l’économie se calme mais continue de croître. En revanche, on pourra aussi dire que l’inflation va se calmer. C’est presque trop facile la bourse et l’économie.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.4% – toujours – et il me reste à vous souhaiter une très belle journée, mais surtout un très bon week-end et on se retrouve lundi, parce que moi, je ne suis jamais en vacances. Ou presque.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“You have brains in your head. You have feet in your shoes. You can steer yourself any direction you choose.” -Dr. Seuss