On pourrait parler de vendredi dernier. On pourrait mentionner le fait que « soudainement » nous avons donné de la valeur à des chiffres économiques qui d’habitude ne veulent strictement rien dire. On pourrait également se dire que les choses vont mieux et que brusquement la récession n’est plus une inquiétude, parce que le consommateur a tout de même consommé plus que prévu le mois dernier et que le fait qu’il n’arrête pas de consommer, montre que l’économie va bien. Mais quoi que l’on puisse avoir envie de discuter à propos de vendredi dernier n’aurait aucune importance par rapport au fait que cette semaine, nous aurons 70 sociétés du S&P500 qui publieront. Bonne chance à tous.

L’Audio du 18 juillet 2022

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Des théories basées sur du vent

Quoi qu’il en soit, il faudra tout de même retenir que les marchés mondiaux ont terminé la semaine sur une note positive, pour ne pas dire euphorique. Tout ça parce que les chiffres de la consommation publiés par l’Université du Michigan étaient meilleurs que prévu. J’en profite pour vous recommander de fouiller un peu sur la manière dont ces chiffres sont calculés. Parce que sans vouloir vous spoiler la surprise, vous vous rendrez compte que c’est basé sur des sondages qui ne veulent tellement rien dire que je pense qu’essayer de lire le sentiment du consommateur dans de la panse de brebis farcie devrait être largement plus efficace.

Toujours est-il que cela aura suffi pour faire remonter les marchés et leur sauver les fesses pour la semaine. Jeudi soir nous n’étions pas si confiant que ça et la plupart des indices étaient en terrain négatif pour la semaine. Pourtant, en l’espace de quelques heures et de quelques chiffres trafiqués sur l’envie ou pas du consommateur d’acheter un lave-vaisselle ou pas, nous aurons renversé la tendance et fait clôturer la plupart des places de bourses du monde en terrain positif. En l’espace de quelques heures, l’inflation galopante et non maitrisée aura été oubliée parce que tant que le consommateur consomme, on se fout pas mal du reste et on arrivait même à se dire que « cette fois c’est sûr, le prochain chiffre du CPI sera plus faible que le précédent ». On n’en sait foutrement rien, mais on prend des paris. Une chose est certaine, la vision de l’investisseur ne dépasse plus les 24 heures, puisque la vision que l’on a de l’économie peut varier tous les jours en fonction des chiffres – trafiqués ou pas – que l’on nous balance toutes les cinq minutes. Notre capacité d’interpréter la même donnée ou presque, avec un point de vue différent en moins de 48 heures est tout bonnement stupéfiante.

Les chiffres du trimestre auront le dernier mot – à moins que ça soit la FED

Les jours qui vont venir vont sûrement être passionnant à suivre. Tout d’abord nous allons avoir 70 sociétés membres du S&P500 qui vont publier, mais en plus, nous allons nous lancer dans le décompte des jours AVANT le prochain meeting de la FED, ce qui aura le mérite de nous occuper une bonne partie de la journée. En tous les cas, si l’on tient compte de notre comportement sur les publications trimestrielles de la semaine dernière, je pense que nous n’avons pas fini de rigoler. Non, parce que nous savons tous que la publication d’un résultat trimestriel et plus dépendant de l’interprétation que le « marché » va en faire que de la réalité absolue des chiffres en eux-mêmes. Mais à voir comment nous nous sommes comportés lors des publications des bancaires la semaine dernière, ça n’est même plus de l’interprétation, c’est plus une pathologie qui devrait être observée en psychiatrie pour les élèves-psychiatres qui terminent leur formation et qui sont habitués aux cas complexes.

Sans rentrer dans les détails, parce que l’on sait tous que la publication des résultats trimestriels des bancaires est à peu près aussi intéressante qu’observer pousser une plante. Mais disons qu’il y avait quand même de quoi se poser des questions sur la situation dans le secteur, sans parler de l’état mental des investisseurs par rapport aux données communiquées. Si l’on reprend rapidement les choses dans l’ordre ; on se souviendra qu’en milieu de semaine, nous avons eu JP Morgan qui nous avait peint une vision dramatique de l’avenir en cessant son programme de rachat d’action ET en provisionnant plus d’un milliard pour les défauts de crédits à venir. Sans oublier le fait que le Leader Maximo de JP Morgan nous avait également annoncé l’Apocalypse économique pour les mois à venir.

Pas tous égaux

En revanche, vendredi la photo était toute différente. Citibank a pulvérisé les attentes et explosait de plus de 10%, alors que Wells Fargo avait complètement foiré son trimestre (comme d’habitude, sachant que Wells Fargo, c’est le Crédit Suisse américain), mais que sur la nouvelle, le titre explosait également à la hausse… Pour faire simple, en l’espace de 48 heures, le secteur bancaire est passé de chiffres tous pourris à un comportement au bord de l’euphorie. Ce qui démontre bien que ce marché est bipolaire et incapable de faire un investissement quelconque au-delà des 24 prochaines heures. Même ceux qui investissent pour financer la retraite des employés qui atteindront l’âge de la retraite dans 40 ans, n’arrivent pas à investir pour plus loin que demain matin.

Et ça va continuer. Ça va continuer, parce que la semaine qui nous attend sera clairement rythmées par les publications du second trimestre. Tout d’abord parce que nous sommes à une semaine du coup d’envoi du FOMC Meeting qui commencera mardi prochain et que durant cette période, les membres de la FED se font beaucoup plus discrets et ne donnent plus leurs avis sur tout et n’importe quoi. Contrairement à d’habitude. Mais en plus, la plupart des « gros chiffres économiques » sont déjà sortis. Nous allons donc pouvoir et DEVOIR nous recentrer sur les chiffres du trimestre et ça tombe bien, parce que cette semaine il va y avoir du sport. Du sport avec le reste des bancaires qui vont publier et lorsque l’on voit le show qu’ils nous ont fait vendredi, on se dit que ça peut encore swinguer en ce début de semaine. Mais en plus, il y aura Netflix qui doit se racheter de son trimestre précédent et Tesla, chez qui on attend un trimestre bien compliqué. Je recommande donc de s’agripper à son siège et de prendre les choses les unes après les autres avec un regard candide et naïf. Tout en se disant qu’impossible n’est pas français de dans IM-POSSIBLE, il y a le mot « POSSIBLE ».

En Asie

Ce matin les marchés asiatiques sont en forte hausse « à cause des bons chiffres du consommateur américain » de vendredi dernier. Hong Kong est en hausse de près de 2.7% et la Chine monte de 1.5%. Le Japon ne fait rien, mais ça ne compte pas, parce qu’ils sont fermés. Par contre on a complètement oublié les chiffres économiques chinois qui n’étaient pas terribles et qui ont ÉGALEMENT été publié vendredi matin. Tout comme on a « oublié » la crise politique qui fait rage en Italie (ce que l’on peut comprendre, étant donné que c’est un sport national là-bas). Au passage, il faut tout de même noter que l’inflation néo-zélandaise est au plus haut depuis 30 ans et que même si on s’en fout parce que c’est super-loin et qu’il n’y a que des moutons, ça reste quand même important.

Autrement, on retiendra que le pétrole est à 95$, loin des 180$ qui étaient un coup sûr il y a quatre semaines et si l’on parle de coup sûr, on notera que le Bitcoin n’est pas encore à 100’000$, mais qu’il parvient encore à s’éloigner des 20’000$ en montant, puisque ce matin la crypto-monnaie s’échange à 21’300$. L’or est à 1714$ et ne sert plus à rien, puisque dorénavant, tout le monde sait que l’inflation a été vaincue. Ou en tous les cas, le sera le mois prochain lors des prochains chiffres du CPI.

Les nouvelles du jour

Ce n’est pas la folie côté news, mais la semaine sera clairement tendue. Entre Biden qui va continuer de serrer des mains en Arabie Saoudite en espérant faire baisser le prix du gallon, c’est en tous les cas ce que promet son « Conseiller à l’énergie ». Mais aussi sur le fait que la BCE va se réunir jeudi et que nous devrions avoir une hausse des taux pour tenter de freiner l’inflation ou alors je n’y comprends plus rien. Sans oublier que nous allons continuer de voguer de chiffres trimestriels en chiffres trimestriels durant toute la semaine. Il faut aussi retenir que 49% des analystes interrogés pensent que nous allons droit dans une récession agendée pour janvier – c’est un peu plus faible qu’il y a 3 semaines. Et à ce sujet, Deutsche Bank continue de marteler à qui veut l’entendre, que le marché a déjà complètement intégré le fait qu’il y aura une récession. Au niveau des taux et des projections, il n’y a plus que 30% des experts qui pensent que la FED va monter les taux de 1% dans une semaine, c’est la moitié moins que lors de la publication du CPI la semaine dernière. Comme quoi on a connu des girouettes qui changeaient moins rapidement de direction que les « experts en finance ».

Concernant les chiffres de la journée, nous aurons le Trade Balance en Espagne et en Italie et puis, pour ce qui est des chiffres du trimestre, nous aurons : Bank Of America, Goldman Sachs, Charles Schwab et Nordea avant l’ouverture. Et puis after close, il y aura les publications d’IBM pour commencer la semaine en douceur. Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.4% et le Bull Market semble de retour – enfin, si on arrive à publier des chiffres comme vendredi dernier et à les interpréter de la même manière : en ne voyant que l’aspect positif des choses et en partant du fait que c’est moins pire…

Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se retrouve demain, comme d’habitude. Même heure, même endroit.

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Though no one can go back and make a brand new start, anyone can start from now and make a brand new ending.”

– Carl Bard