À la base, je ne suis pas très « statistiques ». Surtout depuis que j’ai lu pour la première fois de ma vie un disclaimer jusqu’au bout et quand on me dit que les « performances du passé ne garantissent pas les performances du futur », je me dis en général que j’ai meilleur temps d’aller jouer au golf plutôt que de me plonger dans une montagne de chiffres sachant que ça n’est pas une science exacte. Mais là, depuis quelques temps, ça commence à m’obséder parce que c’est là je-ne-sais-plus-combientième-fois que le marché s’emballe pendant 2 jours et qu’il se dégonfle comme une vieille baudruche. Alors ? C’était comment les autres fois ???

L’Audio du 19 juillet 2022

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60 jours

Si je reviens rapidement en arrière, vendredi soir nous nous sommes rendu compte que le consommateur n’était pas encore mort et que donc, il fallait tout racheter parce que l’inflation avait fait son top en juin et que quand les efforts de la FED se feront sentir en août, on saura qu’on a gagné et tout va repartir à la hausse, prosper-youplà-boum. En plus, les gentils banquiers centraux les plus hawkishs nous ont même dit qu’ils ne monteraient pas les taux de 100 BP, la semaine prochaine. Autant vous dire que depuis vendredi à 14h30, nous étions en mode « Bull Market FOREVER et à poil les shorts ». Même dans ma vidéo d’hier j’avais titré : « Bull Market et Capitulation ». J’aurais dû me méfier.

C’est à ce moment-là que tu te replonges dans les statistiques et qu’après t’être endormi 8 fois sur ton clavier en alignant les chiffres, tu te rends compte que l’on ne peut pas rebondir aussi facilement, parce qu’hier nous avons passé notre 60ème jour EN-DESSOUS de la moyenne mobile des 50 jours. Et ça, c’est mal. C’est presque aussi mal que de se faire prendre en excès de vitesse en Suisse et presque aussi mal que de se faire choper dans un espace aérien interdit de survol par la chasse française. Les statistiques disent que lorsque tu restes plus de 60 jours au-dessous de la moyenne mobile des 50 jours, c’est très rare que tu gagnes du pognon en jouant le rebond. Parce qu’un rebond quand tu es sous la moyenne des 50 jours depuis plus de 60 jours, il ne vaut pas tripette dans les 10 premiers jours. Voir même tu perds de l’argent. Par contre si tu es patient, en général ça commence à payer après 15 jours et c’est presque un coup sûr après 30 jours.

Tant qu’il y a de la vie…

Tout espoir n’est donc pas perdu. Le seul problème c’est que la patience n’est pas vraiment la qualité première du monde merveilleux de l’investissement. Sachant qu’en ce moment, un investisseur classique tourne la veste environ deux fois par jour – même trois si la FED se réunit dans les deux semaines et parfois quatre si en plus on publie le CPI dans la même période. Ce qui revient à dire que si l’on demande à un investisseur de patienter 30 jours de trading pour rentabiliser son investissement, en étant conservateur, il aura l’occasion de changer environ soixante fois d’idée. Et encore, ça c’est dans le cas où il ne lit pas les journaux.

Donc hier on s’est levé, on s’est dit que ça allait être facile parce que dorénavant les marchés n’allaient faire que monter, que le Bull Market était de retour et qu’à la fin les Bears allaient se faire défoncer parce que la FED elle était trop forte et que la seule question n’était pas de savoir si le S&P500 allait aller à 5’000 cette année, mais plutôt de savoir s’il irait à 5’000 avant fin septembre ou plutôt fin août. Puis on est on est tombé sur la statistique des 60 jours et Apple a annoncé qu’ils allaient ralentir les engagements pour l’année prochaine et se mettre en PLS au cas où l’économie ralentirait pour de bon et que nous rentrions effectivement en récession. Et le marché est passé d’une forte conviction bullish à une certitude que tout va baisser à cause de la règle des 60 jours. À moins que ce soit à cause d’Apple.

Tout avait pourtant bien commencé

Les choses avaient pourtant bien commencé ; l’Europe était sereine et convaincue de son bon droit de monter. On savait que Christine Lagarde allait sauver le monde dès jeudi et en plus, le baril remontait ce qui donnait un coup de fouet au secteur hydrocarbures et tutti quanti. Le secteur était même bien soutenu par le fait que Papy Biden s’est apparemment fait balader par les Saoudiens et qu’ils l’ont remis dans l’avion avec un Jerrycan d’essence pour tout souvenir et qu’il a obtenu à peu près la même chose que chaque fois qu’il ouvre la bouche ou qu’il dit un truc de son propre chef : l’humiliation et le ridicule.

MBS et ses potes ne se sont donc pas montrés très motivés à ouvrir les vannes, vu que ça ne les arrange que moyennement de vendre leur pétrole moins cher. Surtout à cause de l’argent. Du coup, le baril a repris l’ascenseur et terminait sur les 100$. Juste au moment où le prix de l’essence commençait à rebaisser. C’est pas sympa pour les pompistes qui vont devoir tout rechanger leurs panneaux. Tout ça pour dire que les marchés européens étaient plutôt en forme et que ce matin, tout est à refaire.

Pan dans les dents

Alors bon, c’est pas non plus la fin du monde et même si les USA passaient d’une belle journée dans le vert à une journée toute pourrie dans le rouge – le Dow Jones perdait 0.7% et les deux autres indices reculaient de 0.8% et des poussières – la fin du monde n’était pas encore là. La capitulation non plus d’ailleurs. Néanmoins les messages plutôt prudents de la part d’Apple a mis un coup de froid à la belle motivation que nous affichions hier. Ce matin nous ne sommes pas encore en train de chercher un pont pour sauter, mais force est de constater qu’au bout d’un moment, subir des rebonds qui ont l’air aussi asthmatiques qu’un coureur du Tour de France qui n’aurait pas eu le bon régime diététique et qui, EN PLUS, aurait été vacciné deux fois avec un vaccin Pfizer, n’est pas des plus marrants. C’est en général à ce moment que l’on revient sur la statistique des 60 jours pour justifier le sell-off et détourner l’attention de notre cerveau qui en marre d’acheter pour rien.

En plus de tout ça, il faudra aussi parler des chiffres de Goldman Sachs et de ceux de Bank of America. Mais comme ça n’est que moyennement intéressant, on va partir du principe que les deux banques ont sorti des chiffres qui n’étaient pas extraordinaires et qui montrent que « c’est pas facile ». Qu’en général ce genre de publication aurait entraîné une exécution publique à l’AK47, mais comme les deux boîtes ont fait un carton au niveau opérationnel trading, ça leur aura été pardonné. Amen. Oui, visiblement Bank of America, tout comme Goldman Sachs, ont des traders qui sont super-forts (ou bien informés, mais on dira super-forts, ça fait plus politiquement correct), et ces traders super-forts et bien informés ont donc sauvé les fesses des deux banques en question pour ce trimestre. C’est un peu résumé à la truelle et je suis sûr qu’un analyste proprement éduqué racontera ça bien mieux que moi. Mais ça sera sûrement plus long et moins drôle et à la fin le résultat est là : Goldman et Bank of America terminaient toutes deux en hausse. C’est pas très important de savoir pourquoi. Même avec des mots savants. Même en sachant que la règle des 60 jours sous la moyenne mobile s’applique.

En Asie

Ce matin les marchés asiatiques sont en ordre dispersé. Le Nikkei remonte de 0.7% après un week-end prolongé – week-end dans lequel ils sont restés bloqués sur les « bonnes nouvelles de vendredi », mais n’ont pas encore vu celle d’Apple. La Chine recule de 0.3% et Hong Kong de 1%. Les deux sont en baisse parce qu’EUX, ils ont lu la nouvelle sur Apple et que du coup, on n’aime pas trop. Par contre pour l’instant c’est pas pire parce que de l’autre côté on nous dit qu’il y a de moins en moins de monde qui parie sur une hausse de 100 BP la semaine prochaine. Selon l’outil du Chicago Mercantile Exchange qui compile les avis de tout le monde, y compris les chauffeurs de taxi et les profs de golf, la probabilité d’une hausse de 100 BP est de 30%. C’est très clairement rassurant et ça fait office de barrière anti-krach pour les marchés.

Le pétrole est donc à 99$ est des brouettes parce que le génie qui sert de Président aux Américains n’a pas réussi sa mission. Reste donc plus qu’à envahir l’Arabie Saoudite, comme d’habitude. L’or est à 1705$ et les mots me manquent pour exprimer ce que je ressens à son propos. Du côté des cryptos, c’est à nouveau la fête au village – il paraît que les « gens » sont à nouveau attirés par des « assets » risqués et que du coup, à la place d’aller acheter du ARKK, ils font les fous et se jettent sur tout ce qui est lié à la crypto. Le Bitcoin frise les 22’000$, l’Ether explose les 1500$ et Coinbase reprenait 10% hier soir, parce que forcément, c’est trop cool la crypto. Je vous avais dit que le Bitcoin irait à 100’000$ pour Noël : regardez-le bien.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on revient sur les chiffres du trimestre. Tout d’abord on notera les excellents chiffres d’IBM. Le titre est cependant mal payé, puisqu’il baissait de 4% after close. Globalement, il faut chercher l’explication dans le fait que le titre est beaucoup monté cette année et qu’au vu de la situation, tout ceux qui ont acheté au plus bas prennent les profits. Ceci explique cela. Du côté de chez Goldman Sachs on n’en n’a pas fini avec les chiffres du trimestre. Cette nuit les médias US parlent de plan de réduction de personnel chez le champion du monde du trading. Cette peur de voir les effectifs se réduire est en train de se propager à Wall Street : OH MY GOD !!! Et si les bonus étaient revus à la baisse cette année !!! QUELLE HORREUR… Comment vais-je faire pour payer la dernière Porsche que j’ai commandé pour tenir compagnie à l’autre qui est dans le garage ??? ». C’est horrible ce qui est en train de se passer et l’angoisse est palpable…

On apprend aussi que le mari de Nancy Pelosi, Présidente de la chambre des représentants et présidente du club de macramé de la maison de retraite des flots bleu à Baltimore, a acheté des actions Nvidia à l’aube des discussions qui vont se tenir au Capitole pour savoir comment ils vont subventionner le business des semi-conducteurs et qui va récupérer des gros chèques. Il semble peu probable qu’il soit informé d’une quelconque manière, mais admettons qu’il soit plus égaux que les autres, ça vaut peut-être la peine de le noter dans un coin de nos têtes. Autrement on parle encore beaucoup du fait que l’hiver sera chaud en Europe, sachant que l’on va probablement pouvoir s’accrocher l’approvisionnement en gaz derrière les oreilles – c’est le Roi de France qui le dit – et puis comme c’est pas si important que ça, l’Europe continue de bosser sur les sanctions économiques qu’elle peut mettre en place contre la Russie. Il est vrai que ça A TELLEMENT bien marché jusque là que l’on aurait tort de se priver d’en remettre une couche. En ce qui me concerne, j’envisage d’aller habiter dans un pays chaud ou d’aller couper du bois en forêt.

Chiffres du jour

On continue avec les résultats trimestriels du jour. Ce matin en Suisse, nous aurons Novartis et SGS qui vont publier et Alstom qui sera de sortie en France. Ensuite, avant l’ouverture des States, nous aurons Johnson & Johnson, Halliburton, Lockheed Martin, Hasbro et Manpower. Et puis après la clôture, il y aura Netflix – SHOW TIME !!!! Côté macro, il y aura le Trade Balance en Suisse, puis le CPI en EUROPE : SHOW TIME AUSSI !!! Autant vous dire que l’on va déjà se chauffer sur la BCE de jeudi.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.2% et rappelez-vous la règle des 60 jours. Ou pas. Passez une excellente journée et on se revoit demain. Ou pas. Par contre, si vous voulez voir la version vidéo de cette chronique, n’oubliez pas de vous abonner à la chaîne Swissquote en français, on approche des 20’000 membres et j’ai un pari en cours quand on sera à 25’000.

Chaîne Swissquote en français 

À demain et profitez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The road to success and the road to failure are almost exactly the same. » -Colin R. Davis