Nous avons donc terminé cette semaine en hausse. Les marchés peuvent s’estimer satisfaits d’avoir enfin réussi à finir dans le vert et, alors que nous n’avons pas encore résolu l’équation mise en place par la FED. Des voix s’élèvent pour dire que le combat contre l’inflation est terminé. Que le fait que les matières premières se sont faites exploser ces dernières semaines aura résolu le problème une fois pour toutes. J’ai même l’impression que l’on ne va pas tarder à entendre des experts nous dire que la hausse des taux que Powell a mise en place est exagérée et que le fait que la BCE ne fasse rien est un coup de génie. Reste à voir ce que l’on va penser du CPI mercredi.

L’Audio du 11 juillet 2022

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Une semaine pour se poser des questions

Pour ceux qui sont donc encore au bureau en ce mois de juillet et qui s’intéressent plus à la finance qu’à la bonne quantité d’eau qu’il faut mettre dans le pastis ou le bon nombre de glaçons qu’il faut ajouter dans une piscine de rosé ; la grande interrogation de la semaine sera de savoir si les bourses mondiales doivent avoir peur de l’inflation et s’inquiéter de la capacité des banques centrales à la faire baisser. Ou est-ce qu’il faut s’inquiéter de la saison des résultats qui va commencer à prendre de l’ampleur et qui a, potentiellement, la possibilité de nous faire craindre de voir la récession arriver.

Vous me direz que ça n’est pas nouveau et que depuis des semaines on n’arrive pas à se décider, mais la semaine qui nous attend sera encore plus intense, parce qu’entre les chiffres du CPI de mercredi qui nous donneront probablement le ton de ce que va faire la FED à la fin du mois. Sachant que la question que tout le monde se pose est : « vont-ils monter les taux de 0.5% ou de 0.75% ??? ». Et, accessoirement, vont-ils donner plus d’indication sur ce qu’ils vont faire en septembre, octobre, novembre et décembre ???

Ça va mouliner

Du coup, entre les chiffres du CPI et le fait qu’il y aura les publications de plus d’une douzaine de sociétés du S&P500 cette semaine, notamment : PepsiCo, mardi ; Delta Air Lines et Fastenal, mercredi ; Cintas, Conagra Brands, First Republic Bank, JPMorgan Chase, Morgan Stanley et Taiwan Semiconductor Manufacturing, jeudi ; et Bank of New York Mellon, BlackRock, Citigroup, PNC Financial Services Group, State Street, U.S. Bancorp, UnitedHealth Group et Wells Fargo, vendredi. Inutile de vous dire que nous aurons de quoi nous poser des questions, tergiverser plusieurs fois et nous reposer des questions encore et encore. Il est peu probable que nous ayons des réponses en fin de semaine, mais il est certain que nous pourrons commencer à faire des projections sur ce que nous allons continuer à vivre jusqu’à la fin de ce mois de juillet. Rappelons quand même que le plus gros challenge de l’été sera quand même trouver le point bas du marché et de réussir à racheter exactement à et endroit.

Oui, parce que si l’on en croit les experts en finance qui se bousculent sur les plateaux de CNBC pour donner leurs avis sur la suite des évènements, la question n’est pas de savoir si l’on va faire un bottom cette année, mais plutôt de savoir où et quand se situera ce bottom.

La boucle est-elle bouclée ?

Ceci dit, moi-même personnellement tout seul, ce qui m’inquiète le plus, c’est le fait que l’on n’a pas encore finalisé le cycle habituel de l’investisseur. Ce fameux cycle qui passe par les états d’espoir – ce moment où l’on commence à croire que le recovery est possible, puis à l’état d’optimisme – quand on pense que le rallye, c’est pour de vrai. Juste avant de passer au stade « d’y croire » – c’est à cet instant que l’on est 100% certain qu’il faut être investi à « full power », parce que ça n’arrêtera jamais de monter.

Puis ensuite, il y a le stade du frisson, de l’excitation – ce moment où l’on est prêt à emprunter pour investir, tellement on est certain que l’on a tout compris. C’est juste avant de passer au stade où l’on est convaincu d’être un génie de l’investissement. C’est le stade de l’EUPHORIE. Et ça commence à baisser. C’est alors que l’on entame l’autre face de la montagne. La descente. Tout d’abord il y a la complaisance. On se dit que c’est « juste un repli », « juste une opportunité d’achat ». Mais comme ça baisse encore, l’anxiété se fait sentir ; on ne comprend pas pourquoi ça commence à coûter si cher… Et puis, l’instant suivant nous entrons dans un état de déni. Un bref instant où l’on se convainc que nos investissements sont solides, que les compagnies que l’on a sélectionnées sont de grande qualité et que ça va remonter. On relit donc les théories de Warren Buffet et jamais on ne s’est senti si près de lui.

Ça devient pire

L’instant d’après, on oublie Buffet et on panique. Tout le monde vend, c’est l’hallali et on se dit qu’il faut sortir, tout sortir. TOUT vendre. Mais il y a encore un truc qui nous retient de tout liquider, parce qu’on ne sait jamais, ça serait quand même dommage de vendre ce qui pourrait quand même remonter un jour. Cette phase-là existe simplement pour préparer le terrain à la suivante : La CAPITULATION. Ce besoin irrépressible de tout vendre et de jurer que plus jamais on ne nous y reprendra, que la bourse : c’est fini. C’est juste de la manipulation où c’est toujours les mêmes qui gagnent. C’est en général à ce moment que l’on s’en prend à l’incompétence des gouvernements, que l’on ne comprend pas comment et pourquoi CELA a pu se produire. C’est la phase de la colère.

Le fond est proche.

Ensuite, il y a la dépression. Ce moment où l’on se dit que l’on ne s’en sortira jamais et que l’on ne prendra jamais notre retraite et que c’est horrible et que l’on n’arrive pas à admettre que l’on ait pu se faire « avoir » à ce point. C’est à ce moment que le marché commence à remonter. En général, il fait son bottom entre les phases de colère et de dépression. Arrive ensuite le fait que l’on ne veuille pas croire au rallye. Puis l’espoir. Et tout recommence.

Tout ça pour dire que j’ai peine à croire que nous soyons dans une phase de colère juste avant la dépression, alors que l’on entend encore tellement de gens et d’investisseurs se dire qu’il faut être « patient » et que les jours meilleurs vont arriver. Nous sommes dans une zone étrange où l’on ne sait pas si le problème de l’inflation est terminé et que la croissance n’a à peine été impactée ou si nous n’avons pas encore pris toute la mesure des dégâts qui ont été causé à l’économie ces deux dernières années et la dernière vague du tsunami de vendeurs n’est pas encore arrivée. On peut donc espérer que l’on y verra plus clair durant les semaines à venir, mais il n’est pas simple de croire que tout est réglé et que l’on n’a plus rien à craindre.

L’emploi toujours aussi fort, comme les économistes

D’ailleurs, lorsque l’on voit la réaction aux chiffres de l’emploi de vendredi dernier, on peut quand même se demander ce que l’on attend réellement et pourquoi le marché ne réagit pas plus mal à un chiffre aussi fort. Les économistes attendaient entre 250 et 270’000 emplois créés en juin. Ça sort à 372’000 – soit quand même 100’000 jobs de plus que l’on n’a même pas vu venir et tout le monde se dit que c’est un bon signe parce que l’économie va bien et que, comme les matières premières se font massacrer, l’inflation va baisser et les gens vont continuer à consommer comme des fous, mais raisonnablement. Visiblement les problèmes de chaînes d’approvisionnement sont réglés, le shortage d’à peu près tout est réglé aussi, la guerre en Ukraine est terminée, mais on ne le sait pas encore et pourtant la voiture que j’ai commandé il y a bientôt une année n’a pas encore réussi à être mise sur la chaîne de montage pour environ 212 raisons différentes – qui sont toutes des bonnes excuses et qui montrent que l’économie et le système fonctionne tellement bien.

Bref, tout ça pour dire que l’on va devoir bosser pour savoir quelle direction nous voulons prendre et surtout se motiver à essayer de garder cette direction pendant un peu plus de 48 heures. Techniquement, les indices commencent à être dans des zones de surachat. Certains d’entre-deux, comme le Nasdaq, se rapprochent de la zone de la moyenne des 50 jours qui pourrait être la première zone clé du moment. Mais pour passer l’épaule et commencer à se dire que l’on repart dans une « vraie tendance haussière », va falloir débroussailler les choses et avoir l’impression que la FED est vraiment notre amie et que les chiffres du trimestre ne sont visiblement pas si mauvais que ça. Sauf que quand on a vu comment on a réagi sur les annonces de Nike ou de Walgreen, on peut craindre le pire en cas de déception. Même une petite déception pourrait être amenée à faire de gros dégâts. Sauf si TOUT EST DANS LES PRIX comme certains experts aiment à le dire. Reste à savoir ce que l’on entend par : TOUT EST DANS LES PRIX.

Exit Musk

La nouvelle du jour qui occupe les passionnés de finance et d’Elon Musk, c’est le fait que le take-over de Twitter est donc officiellement tombé à l’eau. Pour être franc, personne ne croyait vraiment que ça allait se faire à voir la tronche du titre depuis des semaines. En plus on était tous convaincus que 54$, c’était trop cher et qu’il y avait trop de problèmes pour que Musk se lance là-dedans. Du coup, après la tentative de take-over de Musk sur Twitter PENDANT le procès entre Johnny Depp et Amber Heard, maintenant nous allons avoir la période APRÈS Le take-over AVEC le procès entre Musk et Twitter. Twitter est censé toucher un milliard de la part de Musk, mais ils veulent plus, alors que Musk a engagé les meilleurs avocats pour – si possible – ne rien payer. On n’a pas fini de voir des cours de justice à la télé et pendant ce temps, personne ne se demandera comment Twitter va faire du fric dans les deux prochaines années.

Pour le reste, ce matin la plupart des marchés asiatiques sont sous l’eau à l’aube de cette semaine « compliquée » qui commence. Le Japon est en hausse, mais vit sa propre vie depuis l’assassinat de l’ancien Premier Ministre. Pour le reste, Hong Kong perd près de 3%, alors que la Chine recule de 1.5%. Il faut dire que le gouvernement chinois vient de coller des amendes à plusieurs entreprises dont Alibaba et Tencent, parce qu’ils n’ont pas fait les bonnes déclarations anti-trust sur certains deal MNA du passé. Les amendes sont de 75’000$ et il n’y a pas de quoi se rouler par terre, mais c’est surtout le fait que l’on avait cru – pendant un instant que le gouvernement chinois avait décidé de lâcher la bride aux sociétés technologiques et d’arrêter de les persécuter. Mais en fait non.

La semaine commence comme ça

Pendant que Xi-Jinping règle ses comptes, le pétrole est à 104.05$, l’or est à 1739$ et le Bitcoin à 20’000$. Il n’y aura pratiquement pas de chiffres économiques importants ce lundi et du côté des chiffres du trimestre, ça commencera demain avec Pepsi et ça montera en puissance en direction de la fin de la semaine. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.6% et on va sûrement se poser plein de questions jusqu’à mercredi sans vraiment avoir de réponses concrètes. Reste à voir comment le monde merveilleux de la finance va gérer la chose. Ça et la nouvelle enquête journalistique qui s’appelle UBER FILES et qui reproche à peu près tout à UBER, sauf d’avoir déclenché la guerre en Ukraine. On y apprend qu’ils ont été violents, magouilleurs, qu’ils ont mis la pression sur leurs chauffeurs et sur les gouvernements du monde entier. Ils auraient même trouvé un accord avec un certain Emmanuel Macron alors qu’il n’était encore qu’un Ministre de l’économie.

Mais bon, rien de grave pour Macron. Le gars peut se faire réélire alors que tout le monde sait qu’il a arrosé ses potes chez McKinsey, alors un accord sous la table de plus ou de moins, c’est pas grave. Et puis lorsque l’on regarde ce que les Wikileaks ou les Panama Papers ont changé à la face du monde, on peut se dire que les UBER FILES vont finir à la corbeille à papier, comme le reste.

En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une très belle journée, un bon début de semaine et on se retrouve demain depuis là où vous êtes en vacances. Profitez bien et oubliez un peu la finance, de toutes façons, à la fin, ça finit toujours par remonter.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The only limit to our realization of tomorrow will be our doubts of today. » -Franklin D. Roosevelt