Comme prévu, la FED a monté les taux de 75 BP. Comme prévu, la FED a déclaré que, normalement, si tout va bien et si leur plan se déroule sans accroc ; l’inflation DEVRAIT baisser. Bien que l’on sente qu’ils ne sont pas complètement certains que ça va fonctionner. Comme prévu la FED a laissé entendre que les prochaines hausses de taux DEVRAIENT être moins importantes, pour autant que leur plan qui DEVRAIT se dérouler sans accroc, se déroule VRAIMENT sans accroc. Et comme prévu, la FED pense que l’économie va TRÈS bien et que même s’ils doivent encore monter les taux, le risque de récession est INEXISTANT. Reste à espérer qu’ils soient moins faux que lorsque l’inflation était transitoire.

L’Audio du 28 juillet 2022

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Prévisible

Voilà. La FED a fait et a dit exactement ce que l’on attendait qu’elle dise. Cette fois le marché, les analystes, les experts en finance, les économistes et les Dieux de Wall Street ne se sont pas trompés. Powell a fait exactement ce que l’on voulait.

1) Il a montré son intention de casser les pattes arrières de l’inflation
2) Il a dit que l’économie allait bien et que le risque de récession n’était qu’une vue théorique de l’esprit et que ça rigolait dans le monde merveilleux de l’emploi et du business
3) Il a même donné un su-sucre aux investisseurs en disant que « si tout se passait comme prévu », il monterait moins les taux dorénavant. Les EXPERTS pensent déjà que la prochaine hausse ne sera « que de 0.5% ».

Autant dire qu’hier soir ça n’était que du bonheur. On a carrément oublié le fait que la crise du gaz va précipiter l’Europe entière dans la récession, que la dette italienne va nous péter à la gueule à la première occasion et sûrement au moment où l’on s’y attendra le moins et qu’une crise immobilière est en train de se préparer aux USA – selon les experts du camp d’en face. Tout comme on a refusé d’entendre ou de se souvenir que la plupart des sociétés qui publient leurs chiffres, en profitent pour dire que « ça va, mais que les résultats actuels, les revenus actuels et le business actuel, laissent à penser que l’avenir sera compliqué, pas simple et que ça pourrait faire mal quand même ».

Toutes ces considérations réelles et officielles posées par les sociétés ont été effacées, ignorées, rejetées et pulvérisées par les paroles et les promesses au conditionnel de Jerome Powell et de ses amis. La réalité de l’économie a été mise de côté et on lui a nettement préféré le discours d’une institution qui n’en sait pas plus que nous, qui utilise la conjonction « SI » dans à peu près toutes les phrases de son discours d’hier et qui nous a déjà prouvé que sa maîtrise du sujet de l’inflation est à revoir. Dois-je rappeler au passage qu’il y a 9 mois de cela, on nous avait promis que l’inflation était transitoire et sous contrôle. Et que ceux qui en doutaient se faisaient moquer et ridiculiser par la FED qui savait.

On nous a dit ce qu’on voulait entendre

Mais peu importe. Loin de moi l’envie de gâcher la fête. Les marchés ont visiblement décidé que Powell savait, qu’il disait la vérité et que nous sommes dans une situation où il est temps d’acheter comme des malades, parce que pour l’instant, c’est la merde, mais quand on se rendra compte que Jerome Powell est un visionnaire qui ne se trompe jamais (enfin, sauf l’automne dernier, mais il avait sûrement le COVID et il ne le savait pas, donc ça compte pas). Quand on se rendra compte que Jerome Powell est le Messie et qu’il peut multiplier les pains et transformer l’eau en Romanée-Conti de 1945, le Nasdaq franchira les 25’000 points et la correction des six premiers mois de cette année ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

On nous a dit exactement ce que l’on voulait entendre hier. On a même parfois l’impression que les gars de la FED ont bossé plus sur le discours que sur la décision qu’ils ont prise. Il fallait trouver les mots justes et laisser entendre qu’ils en savaient plus que nous, alors qu’en fait ils sont totalement dans le potage. Je dois dire que j’ai presqu’envie que lors de la prochaine publication du CPI, on passe les 10% d’inflation, juste pour voir ce que ça fait dans l’esprit de ceux qui « savent » que l’on a atteint le pic d’inflation le mois dernier et que l’on veut juste voir la confirmation officielle. Enfin, bref. On ne va pas se plaindre, hier soir c’était la fête du slip à New York et je ne me souviens plus très bien quand est-ce que nous avons terminé en hausse de 4% sur le Nasdaq, mais ça fait hyper-longtemps.

La tech en folie, l’avenir est rose et les oiseaux chantent (à moins que soit un disque)

Il faut dire qu’en plus des douces paroles qui ont bercé nos instincts bullishs hier soir, les chiffres du trimestre ont été absolument fantastiques, puisqu’il est important de signaler que les chiffres de Microsoft et de Google n’étaient pas bons, mais qu’ils étaient « moins pire » et que certains des membres du management des deux monstres de la « tech » se sont montrés moins pessimistes pour l’avenir que l’on pouvait le craindre. Microsoft explosait de 6.7% et Google de 7.7%, en entrainant avec eux le reste du Nasdaq. Apple et Amazon qui vont tous deux publier leurs chiffres ce soir après la clôture, ont déjà anticipé le fait que leurs chiffres seront sûrement non seulement, moins pires, mais presque sûrement moins moins pire que moins pire. Apple avançait de 3% en plus des 20% déjà gagnés depuis le 17 juin. Heureusement que ça va être vraiment canon ce soir, sinon on pourrait craindre une déception. On pourrait seulement, parce que j’ai quand même le sentiment que depuis quelques jours, à moins de publier des chiffres vraiment merdiques et d’annoncer que la publicité digitale est en train de MASSIVEMENT ralentir, on ne parvient plus à faire baisser un titre

Publicité digitale, qui, je le rappelle, est un excellent indicateur des fluctuations du PIB – mais ça on s’en fout momentanément, parce que la FED a dit que l’inflation était sous contrôle et que ça n’était qu’une question de temps et de quelques hausses de taux bien senties dans la gueule pour qu’elle revienne à 2%. Nous ne pouvons donc que nous frotter les mains et nous satisfaire des mots apaisants de Monsieur Powell en attendant sereinement la suite des publication économiques qui vont nous tomber dessus dans les 8 prochaines semaines, puisque l’on sait que dorénavant TOUT EST SOUS CONTRÔLE…

En Asie et à Disneyland

Ce matin l’Asie est soulagée de ce que Powell a fait, mais méfiante quand même. Il y a même Hong Kong qui trouve le moyen de baisser. Ce qui est scandaleux au vu de ce que la FED fait pour que ça monte. Le Japon est en hausse de 0.2% – de la folie – la Chine monte de 0.56% – du délire – et Hong Kong recule de 0.57%. Le Bitcoin s’envole parce que la techno s’envole et que le Bitcoin c’est un peu de la techo aussi, quand au pétrole, il remonte à 98$ et des poussières – oui, parce que forcément, si y a pas de récession, y a pas de destruction de la demande et comme le coût de l’électricité est en train de prendre l’ascenseur, tout le monde va acheter des V8 qui consomment plein d’essence et le prix va remonter. Suis pas loin de penser qu’on ne devrait pas tarder à avoir un génie des prévisions pétrolières qui va nous dire que ça va à 180$ – c’est sûr.

Non, parce que je veux bien que le pétrole baisse parce que récession il va y avoir. Mais si on part du principe (comme cela semble être le cas actuellement) que Jerome Powell a TOUJOURS raison, récession y aura pas. Donc, pas de baisse de la demande en pétrole et zou, retour sur la théorie des 180$ à coup sûr. On vous l’avait dit. Autrement, je ne sais pas quoi vous dire au sujet de l’or, si ce n’est que ça reste un grand mystère pour moi et qu’il vaut 1734$.

Les nouvelles du jour, du moment, de l’instant présent

Dans les nouvelles du jour, on notera que la Chine est à la recherche de 148 milliards pour sauver les fesses du monde de l’immobilier. Chez eux. Oui, parce qu’il fût un temps, alors que l’inflation était sous contrôle et uniquement transitoire, on craignait qu’un développeur immobilier qui avait pour mission de construire des villes fantômes en Chine, puisse partir en cacahuètes et mettre le monde entier dans une merde noire. Aujourd’hui, merci à l’inflation, tout le monde s’en fout. Sauf les Chinois qui essaient de pas laisser le château de cartes s’effondrer trop vite, parce que sinon, ça va se voir. Pendant que la Chine compte ses billets, le Crédit Suisse joue aux chaises musicales et met un nouveau boss en place pour couper dans les excédents. Apparemment, c’est la banque d’affaire qui va cotiser le plus. C’est quand même pas juste, avec tout ce qu’ils ont fait pour faire du profit. Ulrich Körner devient donc CEO et comme le FT l’appelle « Ueli the knife », je n’ose même pas penser à ses méthodes de management.

Ailleurs on ne parle que des chiffres du trimestre et hier soir on parlait de la Zuckerberg Company qui a globalement raté à peu près tout au niveau des attentes. C’est le second trimestre consécutif où les ventes sont en baisse. Les revenus sont également en baisse et en-dessous des attentes. C’est aussi la première fois que Facebook/Meta annonce une baisse dans ses revenus trimestriels. La guidance est pourrie et ils insistent sur le fait que la publicité digitale est en baisse. Ce qui est profondément injuste, quand on voit tout ce que fait la FED pour l’économie. Le titre à Zuckerberg se traitait en baisse de 5% after close. C’est moche, mais c’est pas aussi moche que Teladoc qui a complètement foiré son trimestre – probablement à cause de la crise en Ukraine – et qui plongeait de 24% after close. Ce qui doit d’ailleurs faire hyper-plaisir à Cathie Wood.

Autrement on notera encore que Chipolte a sorti des chiffres pourris, mais comme selon les commentaires du management, les clients peu fortunés ne viennent plus dans leurs restaurants, les marges ont augmenté et le titre prenait 14% – j’avoue que sur ce coup-là, je ne comprends pas tout. On notera aussi que le merger entre Spirit et Frontier est annulé, mais que ça cause déjà avec JetBlue, que Cathie Wood (encore elle) en a marre de Coinbase qui sont EN PLUS impliqués dans une histoire de fraude avec la SEC et elle balance sa participation au mieux et presque au plus bas de tous les temps. Et puis Ford a fait un carton sur ses chiffres – je ne sais pas si c’est à cause de la nouvelle Mustang électrique, mais j’espère pas – et puis du côté politique le Sénateur Manchin a fait un revirement spectaculaire en faveur des énergies vertes et de la lutte contre le changement climatique, provoquant une hausse générale de tout ce qui touche de près ou de loin aux énergies « vertes ». Pour terminer, le FMI a mis en garde contre la hausse de la dette dans les régions asiatiques, estimant que cela pourrait avoir des conséquences graves pour l’économie. En revanche, pas un mot sur le fait que la dette italienne parte en vrille – il est vrai que si jamais, ils pourront toujours aller taper dans les caisses du Vatican pour boucher les trous.

Côté chiffres

Pour ce qui est des chiffres économiques, il y a quantité de chiffres en Europe, dont le climat du business – qui doit être génial au vu des perspectives liées au gaz – puis il y aura aussi la confiance du consommateur qui doit aussi être au top. Aux USA, nous aurons les Jobless Claims, comme tous les jeudis et puis le GDP. Mais rien à craindre, Powell a dit que tout allait bien. D’ailleurs, Madame Yellen parlera aussi aujourd’hui, histoire de dire que la récession, c’est que du vent !!!

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.26% à cause des chiffres de Zuckerberg et pour le reste, tout va bien, nous sommes dans un gigantesque Disneyland pour investisseurs sauf qu’il n’y a pas de musique ni de gaufres à 15 balles. Et que, bien sûr, personne ne porte des oreilles de Mickey. Seulement des cravates. Pour ceux qui y croient encore.

Passez une excellente journée et je vous retrouve demain pour parler des chiffres moins pires d’Amazon et d’Apple. Mais aussi ceux de Pfizer – qui se réjouissent que le COVID reparte – ainsi qu’Intel, Roku ou encore MasterCard.

À demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« Life is trying things to see if they work. » -Ray Bradbury