Je vais être très franc et très cru, mais je crois que l’on nous prend un tout petit peu pour des cons. Les chiffres des non-farm payrolls de vendredi ont été clairement le seul et unique évènement de la séance et on peut se poser une montagne de questions sur ces chiffres qui ont complètement pris le marché à contrepied. Tout d’abord on se demandera pourquoi et comment les experts en finance ont fait pour se rater à ce point, mais sur ce coup-là, je crois que ça ne surprend plus personne. Malheureusement. Ensuite, on peut se demander comment il est possible d’arriver à de tels chiffres alors qu’il ne se passe pas une journée sans qu’on nous annonce des licenciements.

L’Audio du 8 août 2022

Télécharger le podcast

Manipulation

On ne va donc pas se mentir, cette publication était clownesque, douteuse et plus que probablement biaisée par des facteurs saisonniers que l’on s’est bien privé de mettre en avant lors de l’annonce des chiffres de vendredi. Surtout que tout ce cirque met clairement en avant « l’excellente politique des démocrates » qui parviennent à maintenir l’emploi en croissance alors que les taux sont en train d’exploser pour essayer de contenir l’inflation qui est totalement hors de contrôle depuis bientôt un an. La récession n’est donc plus qu’un mauvais souvenir, qu’une peur incohérente qui aura été balayée d’un revers de la main par des chiffres miraculeux qui ont dû être fabriqués par l’école d’Harry Potter comme exercice de fin d’année.

Mais bon, on ne va pas dire du mal, puisque tout le monde sait que lorsque le gouvernement dit quelque chose, c’est forcément la vérité vraie. On ne va pas non plus se rappeler le nombre de fois que les chiffres ont été corrigés les mois suivants, mais que tout le monde s’en fout, puisque lesdits chiffres en question auront suffi à justifier et à soutenir les agissements de la FED. On nous a fait le coup plusieurs fois depuis 20 ans, mais ça ne choque personne visiblement. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que c’est de la manipulation, mais il y quand des choses bizarres dans l’écart entre la réalité des chiffres et les prévisions des analystes. Je veux bien admettre que les gars sont mauvais et qu’ils ont joué leurs prévisions en lisant dans de la panse de brebis farcie ou dans des capsules de Nespresso déjà utilisée, mais pour rater 270’000 créations d’emploi sur toute la planète USA, c’est qu’ils étaient à la plage depuis le début du mois de juin à se bourrer la gueule au Moscow Mule, même si c’est plus à la mode, parce que c’est politiquement incorrect de boire des cocktails qui portent un nom russe dedans.

Ou alors, si ça n’est pas à cause de l’alcool, c’est qu’ils sont complétement nuls ou que les chiffres sont bidonnés comme les données des faux comptes de chez Twitter. On se réjouit de voir ce que ces chiffres « excellement » compilés par les génies du département du commerce vont donner quand, à la fin du mois d’août, tous les barmans de plages et les guides touristiques saisonniers retourneront au chômage ou pire, à l’Université pour devenir économistes et faire des prévisions sur les chiffres de l’emploi.

Du coup, on fait quoi ?

Donc les États-Unis de Magic Biden ont créé 528’000 jobs contre les 258’000 attendus par les Dieux de la Finance de Wall Street. Le taux horaires des salaires a été revu à la hausse – donc il y a plus d’argent distribué au consommateur – et le taux de chômage est de 3.5%. Il y a moins de chômage qu’en février 2020, juste avant que le COVID et le pangolin s’invitent dans nos cuisines et fassent fleurir une tripotée d’experts qui ont un avis sur tout et surtout un avis. On est donc proche du miracle économique. Il y a encore 10 jours, on se demandait s’il ne fallait réviser la définition même de la récession pour éviter que nous tombions justement dedans et tout d’un coup, une semaine après, comme par magie : POUF ! 528’000 créations d’emplois dans tous les secteurs !!! La recette de Merlin l’enchanteur pour régler le problème des craintes inflationnistes et nous faire comprendre que nous vivons dans un monde magique et merveilleux où il pleut des dollars et où les Américains ont un talent fou pour s’en sortir à tous les coups.

Avant on disait toujours : « …et à la fin c’est les Allemands qui gagnent », mais là il va falloir visiblement revoir la citation. Les Américains sont définitivement trop forts et ils transforment en or absolument tout ce qu’ils touchent. Ils ont même réussi à aller provoquer les Chinois directement sur leurs plates-bandes et s’en sortent sans conséquences pendant que les médias financiers américains érigent Nancy Pelosi au rang de Jeanne d’Arc nationale en espérant simplement qu’elle ne finisse pas– comme la pucelle d’Orléans – au barbecue à la fin de l’été. Bref, lorsque l’on voit les chiffres de l’emploi de vendredi, on presque l’impression que nous sommes dans un film hollywoodien et qu’à la fin c’est les gentils gagnent après avoir frisé une mort certaine environ 212 fois dans les 90 minutes qui précédaient. D’ailleurs, j’en arrive à me demander si Biden ne s’est pas entouré d’anciens scénaristes de Netflix qui se sont fait virer lors du dernier trimestre.

Et ça monte même pas

Si l’on se base sur les Non-Farm Payrolls, nous sommes dans le monde merveilleux de Walt Disney et c’est Mickey et Minnie qui nous gouvernent. On aurait donc pu s’attendre à une ovation un peu plus convaincante de la part du monde merveilleux de l’investissement de Wall Street et d’ailleurs. Pourtant, à l’annonce de ces chiffres tout droit sortis d’une pochette surprise, les marchés se sont pété la figure – avant de se reprendre en clôture, soit, mais terminant quand même en baisse. Il est donc assez facile de s’interroger sur le fait de la NON-hausse des indices mondiaux alors que l’on vient juste de nous dire que la première économie mondiale est en train de mettre la pâtée au reste de la planète et que même dans la pire des pires situations économique que l’on peut imaginer, le Made in USA continue et continuera de cartonner envers et contre tout. Pendant que l’économie européenne est en train de s’écrouler sur ses fondations après avoir sanctionné la Russie dans tous les sens, sur recommandation du grabataire de la Maison Blanche.

Oui, malgré un tour de piste parfait de la part des gentils américains qui sont, je le rappelle : le gendre idéal, les indices terminaient légèrement dans le rouge alors qu’une nouvelle question insistante arrivait sur le bout de nos lèvres :

Jusqu’où la FED va-t-elle monter les taux ???

Évidemment, parce que si l’économie cartonne, que l’emploi cartonne et que l’on s’allume des feux de joie avec des billets de 100 dollars, on ne peut pas s’empêcher de se dire que l’inflation va nous péter à la gueule et que la FED pourrait même envisager de monter les taux à coup de 1% à chaque meeting. Heureusement qu’ils sont en vacances tout le mois d’août, sinon on serait déjà en train de lire la prochaine hausse des taux dans la même panse de brebis farcie que l’on a utilisé pour lire les chiffres de l’emploi. C’est donc la nouvelle crainte qui va nous animer cette semaine ; l’inflation va-t-elle tout de même faire son pic ce mois ? Ou est-ce qu’il va falloir passer par un 12% d’inflation et une hausse de 2% des taux d’intérêt par FOMC Meeting pour que ça se calme ?

Visiblement les paris sont ouverts, faites vos jeux et rien ne va plus depuis bien longtemps dans ce monde. Toujours est-il que mercredi après-midi le CPI – les prix à la consommation sont attendus à 8.7% par les MÊMES ANALYSTES qui avaient prévu 258’000 créations d’emploi en juillet. Si l’on en croit le récent track-record, l’inflation devrait sortir à 5%, démontrer que la FED, c’est les meilleurs du monde, puisqu’ils arrivent à contrôler l’inflation en montant les taux tout en boostant la dynamique économique et en créant des emplois pendant que les entreprises annoncent une baisse dans les embauches et des licenciements.

Non moi je vous le dis, quand on voit le scénario écrit et réalisé par l’économie américaine, je commence à me dire que même des scénarios tirés par les cheveux comme « Indépendance Day » ou « John Wick » commencent à devenir assez plausible. Après tout, une attaque d’extra-terrestres mis à mal par deux gars, une soucoupe volante et deux cigares, ou un mec qui détruit la mafia russe à lui tout seul à mains nues, sont des scénarios largement plus plausibles que ce que la Maison Blanche est en train de nous vendre. Mais bon, tant que les gens paient pour aller voir le film, ils auraient tort de s’en priver.

En conclusion

Nous sommes donc lundi matin 8 août 2022. Et tout va bien dans le monde des Bisounours de l’économie mondiale. Le suspense va être insoutenable jusqu’à mercredi, histoire de savoir si la FED est : géniale, un peu, beaucoup ou à la folie. Et en attendant on va surfer la vague de la spéculation. Apparemment, l’inflation ne peut que se casser la gueule parce que le baril de pétrole est sous les 90$ et que même si les gens gagnent plein d’argent en plus aux USA, ils ne font plus le plein d’essence parce qu’ils achètent tous des Tesla. Je vous le dis, tout va tellement bien que si ça se trouve, dans deux semaines, les USA vont nous annoncer que depuis qu’ils ont signé leur nouveau budget en faveur des énergies alternatives, le réchauffement climatique va beaucoup mieux.

Et puis comme tout va bien, les Chinois s’entraînent à envahir Taïwan, tout le monde se fout de la guerre en Ukraine comme si tout était devenu normal. La Banque Centrale Européenne injecte des milliards dans les économies en difficulté comme l’Italie ou l’Espagne. L’Italie n’a toujours pas de gouvernement et sa dette ne veut plus rien dire et on ne sait pas avec quoi on va se chauffer cet hiver, mais une chose est sûre, Poutine n’aura pas besoin d’aller couper du bois en forêt.. lui…

Les chiffres du jour

Il n’y aura pas de chiffres économiques en ce lundi matin, mais par contre on va bien se prendre la tête avec les « attentes du CPI américain » et puis les publications du trimestre seront sous le signe du COVID, puisque BiONTech et Novavax vont publier, tout comme Palantir. Pour l’instant, les futures sont en baisse de 0.2%, mais ne vous inquiétez pas, on sait tous qu’à la fin, c’est les gentils qui gagnent !!!

Je vous souhaite un excellent début de semaine dans le monde merveilleux dans lequel nous vivons, bien que celui de la finance soit nettement au-dessus du lot, grâce à la FED et au département du commerce américain ! On se revoit demain au même endroit !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Believe you can and you’re halfway there.”

– Theodore Roosevelt