La séance d’hier n’aura pas été des plus passionnante. En dehors du fait que l’on se retrouve dans une situation de « déjà-vu » en termes de spéculation, le reste des indices étaient en mode « digestion des Minutes du FOMC Meeting ». L’ensemble du marché est donc arrivé à la conclusion – après au moins 12 heures de réflexion – que les Minutes ne nous ont rien appris que l’on ne savait déjà. Ceci en plus du fait qu’elles ont été rédigées à une époque où l’inflation n’avait pas encore fait son pic. La seule chose qui nous intéresse donc dorénavant, c’est de savoir si la FED va maintenir le rythme de 75 points de base par Meeting.

L’Audio du 19 août 2022

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Tous d’accord mais pas tout à fait

Alors que les indices mondiaux ne faisaient rien et nous offraient une journée d’été des plus ennuyante (sauf si vous faites du YOLO trading et que vous ne traitez que « meme stocks »), les banquiers centraux prenaient d’assaut les médias avec des discours tous plus subtiles les uns que les autres. Tout ça pour en arriver à la conclusion que la question n’est pas de savoir s’ils veulent encore monter les taux, mais plutôt de savoir à quel rythme et quelle fréquence. Et c’est là où les avis divergent.

Alors que Powell semble toujours en vacances dans une région du monde où les réseaux ne passent pas et où le Wi-Fi tourne à la vitesse d’un escargot de bourgogne au galop, pas mal de ses collègues ont visiblement préféré partir en vacances en juillet pour être disponible en août et occuper le devant de la scène. Hier nous avons donc eu Monsieur Bullard, le patron de la FED de Saint-Louis, également connu comme le faucon le plus convaincu de la FED. Bullard vit avec la hausse des taux chevillée au corps et tous les matins il fait des incantations pour encourager les autres membres de la FED à penser comme lui. Penser comme lui revient à vouloir monter les taux violemment, régulièrement et jusqu’à que l’inflation soit à 1.9%. Il l’a encore répété et insisté sur le fait qu’en septembre, il faudra encore se coltiner une hausse supplémentaire. Il n’a rien mentionné au sujet d’octobre, mais on sentait dans son regard d’oiseau de proie que ça le démangeait.

Deux salles, deux ambiances

Cependant, afin de garder un peu de « jus » pour la saison des krachs, Bullard s’est contenté d’exprimer son intention de ne pas relâcher la pression en septembre. Deux de ses collègues, Mesdames George et Daly ont été un peu plus timorées. Pour faire simple, le message est : « la hausse des taux oui, mais faudra voir combien et pendant combien de temps ». Devise qui, vous en conviendrez, ne nous apporte pas grand-chose comme information pour l’avenir. Si ce n’est que la baisse des taux ; c’est pas pour cette année.

Quoi qu’il en soit, il est assez intéressant de voir que malgré ces commentaires plus « hawkishs » que « dovishs », les marchés s’en foutent complètement. On a presque envie de citer Emmanuel Macron à propos du fait d’en toucher une sans faire bouger l’autre, lorsque l’on voit le désintérêt total du marché pour les commentaires des hommes et des femmes de Powell. Je crois qu’hier nous étions en mode « optimiste » et qu’aucune « mauvaise nouvelle » ne peut nous toucher. Je crois que même si Powell intervient pendant le week-end et annonce qu’il monte les taux de 4% d’un coup pour mettre l’inflation à zéro dès la semaine prochaine, les intervenants trouveront ça super, parce que ça montre la volonté de la FED à vouloir ramener l’économie à la réalité et à lui faire croire que la phase COVID n’a jamais existé.

Peur de rater le train ou peur de se le prendre

Je crois que jamais le monde merveilleux de l’investissement a été aussi tranché. Ça se ressent clairement dans les médias financiers. Il y a deux camps :

– Le camp de ceux qui pensent que le pire est derrière nous et qui ne veulent surtout pas rater le train – on reparle d’ailleurs de plus en plus d’une situation de FOMO – cette peur absolue de rater le nouveau Bull Market qui démarre et qui va tous nous rendre très, très, très riches et très, très vite.
– Et puis il y a le camp de ceux qui pensent que le pire est à venir en relisant tous les jours la longue liste de ce qui ne va pas dans ce monde. Sans compter que dans moins de deux semaines c’est la saison des krachs qui commence et que les indices n’arrivent toujours pas à casser la résistance mise en place par la moyenne mobile des 200 jours, sans compter la Chine qui ralentit et les USA qui pourraient – techniquement et selon la définition utilisée ; entrer en récession.

La liste du camp des « LE PIRE EST À VENIR est longue et pas exhaustive, mais il faudra bien reconnaître que tout le monde s’en fout et que l’optimisme est radicalement de mise et semble carrément indestructible. Pour l’instant.

Le retour des ULTRAS

Si l’on a encore le moindre doute sur le fait que l’on est optimiste et que les marchés ne veulent plus arrêter de monter et ce, en faisant abstraction de JP Morgan qui nous explique pourquoi on ne va plus jamais s’arrêter de monter – après nous avoir expliqué il y a un mois que la fin du monde était proche et que l’on allait s’en prendre une de derrière les fagots. En faisant également abstraction de ce que pensent les autres stratégistes qui sont de sortie depuis deux jours pour nous annoncer l’explosion d’un nouveau bull market dans une économie au top de sa forme avec une Réserve Fédérale qui fait EXACTEMENT CE QU’ELLE DOIT FAIRE et qui le fait parfaitement bien.

Si l’on doute encore du fait que tout va bien, on peut simplement se plonger dans toutes ces histoires de « MEMES STOCKS ». Depuis une semaine on ne parle plus de GameStop ou d’AMC ; puisque ces derniers ont été remplacé par Bed, Bath and Beyond et les Barbecues Weber. Au sujet de Bed, Bath and Beyond, on a eu droit à un short squeeze massif qui aura mis en valeur les performances de Ryan Cohen, investisseur activiste qui vient de vendre sa participation dans la société avec un profit éclair de 58 millions. Et cette histoire aura aussi mis en valeur un étudiant de 20 ans qui a monté son fonds d’investissement perso et qui a fait all-in sur Bed, Bath and Beyond, ressortant avec un profit de 110 millions en deux semaines. Bed Bath and Beyond est en baisse de 44% after close et après l’annonce de Ryan Cohen. Le titre valait 30$ il y a deux jours et il se traite à 10$.

Autant vous dire que soudainement, tous les YOLO et autres Wallstreetbets sont de retour. D’ailleurs, Jake Freeman, cette nouvelle star de la finance n’a pas fini de faire parler de lui, puisque l’on s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’il aurait pris – lui et son oncle – une participation dans une boîte qui se nomme Mind Medicine. Et comme il ne se trompe jamais, le titre a déjà pris 30% en une séance. Et puis il y a Weber. Le fabricant de barbecues qui a annoncé une perte surprise au dernier trimestre, qui vire du personnel, coupe ses coûts et supprime son dividende. Le titre prenait 30% pour fêter le fait que « selon les rumeurs, le niveau de shorts sur Weber est bien plus important que les chiffres officiels »… Si vous avez besoin de plus de preuves que le marché est en train de passer du côté débile de la force, n’hésitez pas à me contacter pour plus d’informations….

C’est reparti pour le casino

Pendant que l’on remet une couche dans le nouveau casino de la finance mondiale, on notera au passage que ce matin l’Asie ne fait rien, que Kohls a complètement raté son trimestre par opposition à Walmart et Home Depot. Comme quoi il y a consommateur et consommateur. Et puis le pétrole est de retour au-dessus des 90$, puisque ce dernier a explosé hier parce que, je cite : « il y a des craintes comme quoi les sanctions européennes à venir contre la Russie pourrait entrainer une baisse de l’offre ». La nouvelle ne date absolument pas d’hier et fait partie des préoccupations des experts en pétrole depuis un moment, mais là tout de suite, on a trouvé que c’était sympa d’en parler. On voit vraiment que l’on est vraiment sain d’esprit et clairs dans nos têtes.

Ah oui, et puis si vous voulez une autre nouvelle sympa dont on se fout totalement, il faut retenir que le prix du gaz est 10 fois supérieur à son prix habituel à la même saison… Du coup, les importations européennes de DIESEL sont en forte hausse pour compenser le gaz qui est devenu trop cher. Et nous faut vraiment qu’on fasse attention de ne pas allumer la lumière trop longtemps pour pas gaspiller. Le pétrole est à 90.14$, l’or est à 1766$ et le Bitcoin se traite sous les 23’000$.

Côté chiffres, il y aura le PPI en Allemagne et ça sera encore super-calme aux USA. Vivement la fin des vacances et vivement que l’on rapatrie Powell de son île. Pour le moment les futures sont légèrement en baisse, mais ça ne veut strictement rien dire et selon les derniers articles concernant l’inflation europénne qui a été confirmée à 8.9%, les experts en la matière sont « contents » parce que c’est pas pire…

Je vous souhaite un excellent week-end dans ce monde qui ne cesse de m’émerveiller par sa perfection et le fait que tout fonctionne si bien.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“It is never too late to be what you might have been.”

– George Eliot