Je ne sais pas ce qui s’est exactement passé dans la tête des intervenants la semaine dernière, mais j’ai comme le sentiment que nous sommes passés de « plus jamais faibles » à « est-ce que l’on n’aurait pas été trop vite, trop haut, sans avoir de vraies raisons ??? ». En tous les cas, autant en milieu de semaine dernière plus personne n’avait de doute sur le fait que l’inflation avait été vaincue par la FED et qu’il n’y aurait jamais de récession aux États-Unis. Autant ce matin en allumant mon PC, j’ai l’impression que l’on a tourné la veste comme on sait si bien le faire : en restant droits dans nos bottes avec la conviction que L’ON SAIT et que l’on joue avec un coup d’avance.

L’Audio du 22 août 2022

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Que cela soit bien clair entre vous et moi : il n’y a rien de changé par rapport à la semaine dernière. On sait que l’inflation aurait fait son pic en juillet – et ce, pour autant que le pétrole ne remonte pas à 135$ dans trois semaines – on sait aussi que la FED n’a pas forcément finit de monter les taux, puisque la plupart des membres de la banque centrale américaine qui ont pris le micro la semaine dernière ont clairement exprimé le fait qu’ils avaient gagné une bataille, mais pas la guerre et qu’il fallait absolument battre l’inflation à plates coutures avant d’envisager quoi que ce soit d’autre.

Et à partir de là, on a commencé à se demander d’où pourrait provenir l’énergie nécessaire pour aller casser les résistances qui s’offrent à nous sur les principaux indices. Aux USA on a commencé à faire une obsession avec la moyenne mobile des 200 jours et comme par hasard, soudainement il n’y a plus de jus. On a le sentiment qu’il y a toujours plus de Bulls que de Bears là dehors, mais on recommence à nous parler de la théorie du « risk-on/risk-off » – en gros, du fait que les gens sont en train de ressortir leurs paris risqués et de revenir à en mode « défense », en attendant d’y voir plus clair. Un des arguments massue c’est le fait qu’après une bonne série, l’ensemble des cryptos se sont faites déglinguer, ce qui signifierait que, là tout de suite, l’appétit au risque du monde merveilleux de l’investissement est redevenu proche de zéro. Et comme les raisons de se faire peur sont tout de même nombreuses, il n’est pas compliqué de trouver des excuses pour tout vendre.

Là-haut sur la montagne

La première raison qui fait peur, c’est le fait que la plupart des banquiers centraux du monde vont partir à la montagne pour faire de la randonnée. En effet, comme chaque année, à la fin du mois d’août, la FED invite ses collègues du monde entier à aller pique-niquer autour d’un feu de camp et de faire griller des marshmallows au bout d’un baguette en bois, tout en devisant sur les éventuelles hausses des taux d’intérêts. Et si l’on se réfère au comportement du 10 ans américains en fin de semaine, on va dire que les experts en tout ça, ne sont pas en train de parier sur le fait de voir arriver Jerome Powell déguisé en colombe lors de son traditionnel discours de Jackson Hole. Ils sont plutôt en train de se dire qu’il devrait encore enfoncer le clou sur le fait qu’il veut tuer l’inflation et ne lui laisser aucune chance. Il ne fera pas de prisonnier.

Le problème, c’est que l’on est en train de se dire que s’il continue à taper sur le clou et sur l’inflation trop longtemps ; ça va mal se finir. Et mal se finir, en finance made in 2022, ça serait une entrée fracassante en récession. D’ailleurs, dans la presse dominicale, on est en train de se demander si Powell n’aurait pas fait son choix. Et qu’entre tuer l’inflation ou éviter la récession, il choisira l’extermination de la première, sans hésiter. Et peu importe les conséquences. Alors oui, bien sûr, Monsieur Powell ne va pas monter à Jackson Hole avec l’intention de nous annoncer qu’il est prêt à mettre l’économie US en récession si c’est le prix à payer pour avoir la peau de l’inflation. Mais disons qu’avec notre immense capacité à lire entre les lignes d’un discours officiel de la FED, nous sommes largement capables de nous convaincre que c’est ce qu’il a voulu dire.

Du coup, on ne sait plus

Du coup, ce matin, on ne sait plus si nous sommes des bulls qui doivent serrer les fesses en attendant que ça passe ou si nous sommes des bears qui étions au bord de l’asphyxie après ce rebond de 17% et que nous commençons à y croire de nouveau. Je dois vous dire que personnellement je ne sais plus qui je suis. Fondamentalement, je suis bullish devant l’éternel et les marchés déprimants me dépriment profondément, mais je dois dire que lorsque je regarde ce qui se passe sur cette planète. Que ce soit politiquement, économiquement, géopolitiquement et macro-économiquement parlant, j’ai quand même de la peine à porter le maillot des bulls et me faire tatouer des taureaux partout pour le moment. Surtout que c’est déjà fait depuis longtemps.

Et puis quand on fait le tour des médias du matin, que l’on voit que les Hedge Funds ont pris des paris monstrueux à la baisse et que l’on n’a jamais vu une telle exposition à la baisse. Que l’on entend partout que tout le monde est en mode « on va se la prendre et vaut mieux réduire les risques » et qu’en plus il va y avoir Jackdon Hole qui va nous convaincre que les banques centrales du monde entier sont hawkish comme des malades, il n’y pas trop de raisons de vendre les bijoux de la grand-mère et les croquettes du chien pour acheter le marché.

La tendance de la semaine est rouge (pour le moment)

Sans compter que lorsque l’on voit les futures qui sont déjà en baisse de 0.3% ce matin, que le Japon est en baisse de 0.4% – que, bon d’accord la Chine est en hausse de 0.5%, mais comme ils ont encore baissé les taux, ça se comprend – que le Bitcoin est à 21’400$, lui qui était à 25’000, il y a une semaine et que durant les 5 prochains jours on ne va parler que de « hausse des taux » et des publications de Nvidia qui devraient être toutes pourries, compte tenu des annonces faites il y a quelques semaines. On se dit que ça ne va pas être simple.

À l’heure actuelle, le baril est à 89.20$, l’or est à 1758$ et on a attaché nos ceintures. Du côté nouvelles, c’est plutôt calme et tout le monde est prêt à en découdre pour la suite de la semaine. En tous les cas, pour ce qui est de la géopolitique, la guerre en Ukraine n’est pas près de s’arrêter, c’est un haut diplomate russe qui le dit. Les Américains qui n’ont pas encore assez foutu le bordel en Asie vont se lancer dans des grandes manœuvres conjointes avec la Corée du Sud, histoire de montrer au Nord qui a les plus gros bras. On a vraiment l’impression que Biden est en train de vriller dans sa tête et qu’il tient absolument à démarrer sa guerre quelque part dans le monde, si ce n’est pas sur toute la planète en même temps. Au moins ça cachera le fait qu’il rentre dans la saison des élections de mi-mandat et qu’il est assez mal barré avec des sondages qui sont proches de zéro. Alors autant faire diversion…

Pour le moment, les futures sont donc dans le rouge, Jackson Hole ça sera du 25 au 27 et d’ici-là, tout le monde aura un avis dessus et on va nous le faire à toute les sauces. Par contre quand on regarde les graphiques et les expositions à la baisse, on a deux choix qui se présentent à nous :

– Pile : on choisit le camp de l’évidence et on parie sur le fait que l’on va s’en prendre une dans les semaines qui viennent. Sans compter que « la saison des krachs » commence dans 9 jours.
– Face : on choisit le camp des contrariants et on se dit que c’est trop évident que ça va baisser, donc ça va monter. C’est pas très structuré comme théorie, mais ça fonctionne souvent.

En ce qui me concerne je n’ai pas de pièce de maonnaie sur moi, je ne peux donc pas prendre de décision, alors je vais encore profiter de la plage quelques jours. Passez une très belle journée et on se voit demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The secret of business is to know something that nobody else knows.”

– Aristotle Onassis