Il y a des semaines où il vaut mieux ne pas venir. Ça tombe bien, techniquement j’étais pas là. Ceci dit, on s’est baladé entre ne rien faire et pas grand-chose à dire. Il faut dire qu’à l’aube de Jackson Hole, il fallait être vraiment courageux pour prendre des risques avant le discours de Powell. À moins bien sûr de vivre avec lui 24 heures sur 24 ou d’avoir posé des micro-espions dans son bureau pour savoir ce qu’il a à nous dire demain soir. Mais comme nous ne sommes pas James Bond ou même Jason Bourne, on va devoir se contenter de jouer le début de la semaine à venir à pile ou face. En même temps, statistiquement, c’est ce qui fonctionne le mieux parfois.

L’Audio du 26 août 2022

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Petit journée, petite chronique

Le plus simple, dans cette chronique d’un vendredi à suspense, c’est de vous recommander de relire les chroniques des AUTRES JOURS de la semaine, parce que vous y trouverez un petit peu de tout ce que vous devez savoir pour aujourd’hui. Et pour ce week-end. Non, parce que soyons sincères, Powell va parler ce soir à 16 heures, heure de Porrentruy. Ce qui fait qu’il va nous rester environ 1h30 en Europe pour :

– Ecouter Powell
– Analyser ce que Powell a dit
– Interpréter ce qu’il faut en faire
– Imaginer les conséquences que cela aura sur les 4 derniers mois de la fabuleuse année 2022

Autant dire que si j’étais vous, je partirais en week-end à 15h00 et j’attendrais patiemment de lire tout ce que les « experts » vont en tirer comme conclusion pendant que vous serez en train de faire du paddle ou du wakeboard pour profiter des derniers rayons de soleil du mois d’août. De toutes façons, il ne faut pas se leurrer, quoi que puisse bien vouloir nous dire Jerome Powell ce soir ; nous n’allons pas résoudre tous nos problèmes en 5 minutes et je peux vous garantir que l’on sera encore en train de se demander quoi faire à 4 jours du FOMC Meeting du mois de septembre qui aura lieu du 20 au 21 septembre.

Comme hier mais plus

En gros, si vous voulez vraiment vous concentrer sur le sujet, il faudra juste savoir si Powell est hawkish ou dovish. On en a déjà parlé et il n’est nul besoin de recommencer encore et encore à tergiverser sur le sujet. Ce qu’il faut retenir, c’est que si Powell se montre extrêmement concentré sur l’inflation et qu’il explique clairement son intention de monter les taux jusqu’à qu’elle se calme, on est très mal. On va s’en prendre une de derrière les fagots et tout le monde va se souvenir que l’on a buté sur la moyenne mobile des 200 jours la semaine dernière et que l’on n’a jamais capitulé.

Par contre, si l’ami Jay se montre plus délicat quant à la hausse des taux, nous expliquant gentiment qu’il va y aller tranquillement pour ne pas froisser la récession, le Président et la Secrétaire du Trésor, du coup, ça pourrait être bullish. Un peu. Il faut dire que l’économie US va bien. Même très bien. Si, je vous assure. Hier les USA ont publié leur PIB et c’était moins pire que le dernier. C’est toujours en négatif, mais on s’en fout parce que depuis quelques temps, on sait tous que la définition de la récession n’est plus la même que l’on utilise depuis plus la naissance de Joe Biden. Et puis c’est dire, même en Allemagne, c’est le carton plein.

En effet, la dernière révision du produit intérieur brut du deuxième trimestre a montré que l’économie allemande a progressé de 0,1 %, ce qui est supérieur aux attentes des économistes. Dans le même temps, aux États-Unis, le même type de révision a montré que l’économie s’est contractée de seulement 0,6 %, ce qui est mieux que la contraction de 0,9 % de la lecture initiale prévoyait. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais en gros nous vivons quand même une époque formidable :

– C’est la guerre en Ukraine, le génial Président Macron nous annonce que l’abondance est finie, on est en rupture de pratiquement tout parce qu’absolument tout est fabriqué en Ukraine, produit en Ukraine et géré en Ukraine. Les semiconducteurs ne se fabriquent plus comme avant, Taïwan est sous la menace d’une guerre avec la Chine et les USA mettent de l’essence sur le feu pour faire bon poids bonne mesure. La plupart des sociétés annoncent que le reste de l’année sera super-compliqué et que les marges vont s’effondrer s’ils ne reportent pas l’augmentation des coûts sur les consommateurs et pour couronner le tout, le prix de l’énergie explose et cet hiver on va avoir de l’électricité au bon vouloir de nos politiques qui viennent à peine de sortir de la gestion de la crise du COVID qu’on nous annonce de retour pour cet hiver parce que les vaccins fonctionnent presque aussi bien que de l’eau sucrée.

– Et malgré cette ambiance de fin du monde dans laquelle je suis même en train de me demander quand est-ce que l’on va apprendre qu’une bande de dinosaures trafiqués avec de l’ADN bricolé dans un labo se sont échappés en ville et que leur chef, le T-Rex, n’est pas super-content, qu’il a faim et qu’il résiste aux missiles sol-sol de l’armée suisse. Malgré cette ambiance toute pourrie, l’économie américaine ne s’effondre pas et est moins pire que prévu et l’économie allemande est toujours en croissance, même si le prix de l’électricité a pris l’ascenseur et qu’au mois de décembre, ils vont devoir se chauffer en brûlant de Mercedes et des BMW directement dans leurs salons. Et ça sera pire dans le reste de l’Europe.

– Mais malgré tout ça, les économies vont bien, les hausses de taux ne font de mal à personne (économiquement parlant) et si ça se trouve Powell va se montrer dovish tout à l’heure et on pourra dire que même Alice aux pays des merveilles, ça n’est rien par rapport à ce que l’on vit dans le monde merveilleux de la finance.

Tout ça pour vous dire

Tout ça pour vous dire que le marché est en train de pricer que TOUT VA BIEN et si Powell nous confirme que c’est le cas en disant qu’il a trouvé la formule magique pour faire baisser l’inflation et empêcher la récession de se pointer, je ne vois pas pourquoi le Nasdaq ne serait pas à 100’000 à la fin de l’année. Comme le Bitcoin. En résumé, nous aurons passé notre semaine assis sur nos mains à attendre un discours qui ne nous apportera rien de concret, puisque je rappelle tout de même que la FED a complètement raté le virage de l’inflation il y a neuf mois et que là tout de suite, je ne vois pas pourquoi, tout d’un coup, ils auraient tout compris.

Peut-être que je suis un peu trop négatif et que je devrais repartir en vacances. Mais bon, comme je reviens à l’instant, ça serait un peu gonflé. Alors vous savez ce que l’on va faire ? On va se dire que tout va bien jusqu’au discours de ce soir et si Powell est « dovish », on se dira qu’on a eu bien raison et si – en revanche – il est hawkish, on se souviendra que la crise que nous traversons actuellement n’est pas des plus simple et que le pétrole semble mûr pour remonter au-dessus des 100$. Enfin, pour autant qu’il arrive à casser sa moyenne mobile des 200 jours sur laquelle il a quand même buté hier. Après tout, ça a tellement bien fonctionné avec le S&P…

Pour le reste, on se voit lundi matin pour disséquer le discours de Powell en fines lamelles et voir ce qu’il va changer à nos vies. Je vous souhaite un excellent week-end et que votre vendredi paddle au bord du lac vous soit doux.

À lundi !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“When you’re backed against the wall, break the goddamn thing down.”

– Harvey Specter