Après que le marché se soit fait massacrer pendant des mois et que 13'000 milliards de capitalisation boursière ait été effacée de la surface du Wall Street Journal, nous avions ENFIN une journée qui semblait être destinée au rebond. Les futures étaient au top hier matin et l’intérêt semblait revenir du côté de « ceux qui cherchaient le rebond ». Clairement il n’y avait rien qui avait changé dans la photo globale de l’économie. Mais hier matin on a eu l’impression qu’on y croyait de nouveau et « qu’il y avait un truc à jouer ». En fait non. La joie et l’optimisme se sont rapidement fait remettre en place et la déprime est revenue, même si ce que l’on nous a dit hier n’était que du réchauffé.

L’Audio du 28 septembre 2022

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Même joueur, joue encore

Du côté des problèmes, rien n’avait donc bougé hier matin. L’inflation était toujours là, on nous expliquait à la télé qu’il allait falloir porter des pulls à la maison pendant l’hiver, voir même des cols roulés selon le Ministre de l’économie français et Poutine jouait toujours avec ses bombes nucléaires. On se posait toujours des questions sur l’Italie et les rendements de la dette anglaise se rapprochait dangereusement des niveaux que l’on avait connu durant la crise de 2011, quant à la Livre Sterling, elle était toujours au fond du bac. Mais on avait senti un vent d’optimisme.

Que l’on se rassure dans le camp des Bears, ça n’a pas vraiment duré très longtemps. Non, parce que l’on aurait pu croire que les chiffres de la confiance du consommateur qui montraient une forme resplendissante aurait motivé les investisseurs, mais c’était sans compter qu’en ce moment on n’est pas très chaud au sujet des bonnes nouvelles, puisque bonne nouvelle veut aussi dire : plus de hausses de taux à venir. On notera quand même que le chiffre est sorti à 108, contre moins de 104 le mois dernier. J’avoue que l’on peine à croire que l’on a trouvé des gens qui sont PLUS OPTIMISTES en septembre qu’ils ne l’étaient en août. Non, parce que je peine quand même à voir ce qui va mieux depuis 4 semaines. Je veux bien y mettre tout mon optimisme et ma « bullish attitude », mais dans le meilleur des cas c’est pas pire… Peu importe, si c’est les chiffres qui le disent, c’est que c’est vrai. Donc, du coup, cette nouvelle pourrait faire craindre de nouvelles hausses de taux.. Et ça tombait bien, parce que Bullard et ses amis de la FED devaient parler hier.

C’est le plombier !

Cependant, avant l’intervention des membres de la FED qui étaient éparpillés un peu partout aux USA, nous avons eu comme un problème de fuite. Comme vous l’avez tous vu, le pipeline Nordstream Deux a commencé à fuiter au large du Danemark. Ce qui ne tombe pas super-bien à l’aube de l’hiver et des cols roulés annoncés par Bruno Le Maire. Peu importe les raisons de la fuite et peu importe les opinions des stratèges militaires qui pensent déjà que c’est plus proche du sabotage que de l’incident technique. Ce qu’il faudra surtout retenir c’est qu’il faudra apprendre à se passer du gaz russe cet hiver. À moins bien sûr que quelqu’un connaisse un plombier qui peut intervenir en moins de trois mois et à plus de 100 mètres de profondeur.

Les contrats futures ont pris 20% sur la nouvelle et on espère que les soldats qui ont été saboter le pipeline au fond d’une mer glacée avaient pris le temps d’acheter des calls pour assurer leur retraite. Peu importe la couleur de leurs uniformes. Toujours est-il que la coupure de gaz et le souvenir que la canicule était plutôt derrière nous que devant, n’a pas fait plaisir aux marchés qui se sont massivement dégonflés, effaçant en quelques secondes tout l’optimisme affiché hier matin. On entendait dire que même les gens sondés pour le « consumer confidence » voulait revoir leur vote pour passer de : « je me sens très optmiste pour l’avenir » à : « filez-moi du Xanax et une fourrure polaire ».

Et puis il y avait la FED

Ça aurait pu s’arrêter là. Ça aurait pu mais en ce moment, on aime bien boire le calice jusqu’à la lie, puis manger la lie et ensuite avaler le gobelet au risque de s’étouffer. Pour mettre tout le monde d’accord et renvoyer les derniers bulls à l’écurie, on nous a sorti l’arme fatale de la FED, l’arme anti-colombe, celle qui nous fait comprendre que l’ère des taux bas et de la banque centrale qui est notre amie est terminée. Cette arme fatale a un nom :

BULLARD

Pour ceux qui ne le connaissent pas ou pour ceux qui ont oublié qui c’était, Jim Bullard est le patron de la Fed Saint-Louis et il fait partie des types qui votent tous les mois pour monter les taux de 75 bp. C’est aussi le membre de la FED le plus HAWKISH actuellement. Et il ne s’est pas gêné de le répéter hier. Au cas où nous n’étions pas au courant, il a expliqué que l’inflation constituait un risque sérieux auquel la FED se devait de répondre «de façon appropriée» au risque de perdre sa crédibilité – oui parce que la FED a une ENORME crédibilité surtout depuis qu’elle a annoncé que l’inflation était sous contrôle et transitoire – Selon Bullard, le cycle de hausse de taux va se poursuivre, et les taux resteront plus élevés « pendant quelques temps ». Il voit les FED FUNDS à 4.5%, même si le risque de récession n’est pas négligeable ; on nous l’a déjà dit et répété : la récession, la Fed s’en tamponne.

Je crois que c’est clair

Alors pour être parfaitement clair et franc avec vous, lorsque l’on reprend les déclarations de Bullard, il n’y a ABSOLUMENT rien de nouveau par rapport à ce que Powell nous a martelé depuis des semaines. Absolument rien de neuf ! Pas la moindre virgule, même les chiffres sont les mêmes ! Il n’a pas dit que les taux allaient monter à 9% et il n’a pas dit qu’il allait voter pour une hausse mensuelle de 2%. Non. Il a simplement répété ce que Powell a dit à Jackson Hole, a redit après Jackson Hole et a précisé lors du dernier FOMC Meeting. Hier Bullard n’a pas été plus HAWKISH que Powell lui-même.

Pourtant, le marché n’a pas aimé qu’on lui répète encore une fois ce qui lui fait mal depuis un mois. Résultat : l’Europe terminait au plus mal, 10ème séance de baisse sur 11 sur les marchés européens, le rendement du 10 ans italien qui est à 4.75% et le 10 ans anglais qui tapait les 4.5% – à noter qu’il était à 1.75% au mois d’août. La Reine Elisabeth est à peine enterrée et c’est déjà le bordel. Aux USA on terminait au plus bas depuis 2 ans sur le S&P500 et ceux qui croyaient au « double bottom » sont en train de vérifier la définition de « double bottom » avant de rendre les armes. Et puis, si l’on veut continuer à se faire du mal, on notera aussi que le marché immobilier est en train de ralentir aux Etats-Unis, alors que les taux hypothécaires à 30 ans s’approchent dangereusement des 7%, dans la foulée le Lumber, le bois est en train de casser à la baisse et l’indicateur économique que l’on connait sous le nom de « Docteur Copper » – autrement dit : le cuivre – est au bord de casser ses plus bas du mois de juillet.

En Asie

Je ne sais pas trop comment vous dire que ce qui se passe continue d’être très très moche et que l’on ne sait toujours pas à quoi se raccrocher. Plus personne ne veut de la tech, plus personne ne croit en l’avenir, Cathie Wood parle de déflation à peu près toutes les cinq minutes en disant que la FED a tout faux, la plupart des gourous estiment que Powell et ses amis sont en train de planter l’économie et qu’ils vont devoir faire machine arrière avec les taux très prochainement et augmenter encore la volatilité. Et pour couronner le tout, le pétrole ne monte plus parce que tout le monde « craint la récession ». Et on le sait tous, en cas de récession, on ne fait plus le plein, les avions ne volent plus et les bateaux ne naviguent plus. Ah non, ça c’était le COVID, mais c’est pas grave, vous avez compris le concept…

Bref, tout ça pour dire que le pétrole ne peut plus monter à cause de la récession et que Goldman Sachs a révisé ses targets de fin d’année à la baisse. À la vitesse où ils modifient les objectifs sur le pétrole, c’est plus de la prévision, mais les tirages des numéros de l’Euromillions. Ce matin le baril est à 77.50$. L’or est à 1632$. Quant au Bitcoin, il continue à jouer à la boule de flipper entre 18’500$ et 20’000$. À l’instant on est plus près des 18’500$ que des 20’000$. Il faut dire qu’hier Powell a parlé pour dire qu’il fallait réglementer les cryptos. Ceci expliquant peut-être cela, même si ça fait longtemps que j’ai arrêté d’essayer de comprendre. En Asie c’est le bain de sang, il semblerait que les intervenants n’aient pas aimé le virage à 180 effectué par Wall Street hier. Tokyo est en baisse 2.2%, Hong Kong recule de 2.3% et la Chine abandonne 0.8%.

Les nouvelles neuves

Du côté des nouvelles du matin, mis à part le fait qu’en Suisse on s’est encore fait arnaquer au sujet des primes d’assurances maladie et que l’on est entré dans la saison de : « ces saloperies d’assurances maladie sont vraiment des enfoirés, c’est un scandale » – et que le 15 décembre on ouvrira la saison du « oh, faut que je change mon ordre permanent pour ne pas déranger mon gentil assureur maladie »… Et on n’y pensera plus jusqu’à l’année prochaine, parce qu’à la fin, Berset et les assureurs ont toujours raison et nous, on la fermera toujours parce qu’on est bien sage. Mis à part le fait qu’on s’est encore fait avoir cette année et que ça continuera l’année prochaine, on notera aussi que le FMI encourage l’Angleterre à revoir son budget pour essayer de limiter la casse sur les marchés internationaux. Si le FMI s’en mêle, c’est que c’est grave. Autrement on a aussi Evans, un autre membre de la FED qui exprime ses craintes « d’aller trop loin sur les taux »….

Il y a aussi les rumeurs qui tournent autour du Pipeline qui fuit qui devrait largement donner de quoi écrire les scénarios des 4 prochains James Bond, sans compter que la Russie exprime son « droit de recourir aux armes nucléaires ». On voit tout de suite que l’on a est fond dans les VRAIES bonnes nouvelles ce matin. On peut aussi revenir sur le fait que Cathie Wood, en plus de parier sur la déflation qui vient, est en train de monter un fond de Venture Capital qui permettra aux petits investisseurs de rentrer dans le secteur pour 500$. Je ne sais pas si c’est une vraie bonne nouvelle ou si c’est juste qu’elle cherche à couvrir ses arrières avec des investissements captifs à long terme.

Chiffres du jour

Du côté des chiffres du jour et des discours du jour, nous aurions le ZEW en Suisse, la confiance du consommateur en France, les chiffres des demandes d’hypothèques aux USA et puis une tripotée de membres de la FED qui parleront. À voir le nombre d’interventions prévues de la part de Powell, Bostic, Evans, Daly et ENCORE Bullard, ils doivent vraiment s’emmerder à la maison pour venir toutes les 14 heures donner leurs avis sur les taux, l’économie, les cryptos, la guerre en Ukraine et les cols roulés de Bruno Le Maire.

Pour l’instant les futures sont en baisse de 0.6% – reste à voir ce qui pourrait nous faire encore changer de direction. Rappelons-nous tout de même qu’après 5 jours de clôture au-dessus des 30%, la volatilité pourrait nous donner un signal d’achat. On va attendre jeudi soir alors… Surtout qu’en plus il pleut. Passez une excellente journée et on se voit demain à la même heure pour prendre la température…

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

Nobody looks like they did when they were 20, so why not take advantage of the fact that you’re changing, emotionally as well as physically?

Clint Eastwood