Journée placée sous le signe des banques centrales hier, puisque la BCE a fait ce que l’on attendait d’elle, c’est-à-dire faire comme la FED et tenir exactement le même discours à tel point que l’on arrive presque à se demander si Lagarde n’a pas copié son discours sur celui de son camarade de Washington. Et puis, pendant que les Européens emboîtaient le pas aux Américains avec 6 mois de retard, Powell est venu répéter ce qu’il avait dit à Jackson Hole. Mais pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, le marché a réagi à l’opposé de ce qu’il nous avait fait vivre à la fin du mois d’août. Si l’on avait encore un doute sur le fait que les marchés sont bipolaires, le doute est levé.
L’Audio du 9 septembre 2022
Heureusement, on savait
On dit souvent que l’on comprend vite, mais qu’il faut nous expliquer longtemps. La séance d’hier était cependant un peu différente, puisque l’on nous avait déjà expliqué plusieurs fois et que ça n’avait pas vraiment fait plaisir, en revanche durant la journée de jeudi, après moultes hésitations, les indices boursiers ont trouvé quand même plutôt cool que leurs banquiers centraux privilégient la lutte contre l’inflation que la lutte contre la récession. Sans compter que l’on n’est même pas certain que l’on va finir en récession, vu que tout se passe TELLEMENT bien économiquement parlant. Et politiquement parlant aussi d’ailleurs. Tout comme nous sommes au paradis au niveau géopolitique et que les coûts de l’énergie ne sont qu’un micro-détail dans un monde qui est au top de sa forme.
Aux Etats-Unis Powell a donc parlé. Il a parlé pour dire plus ou moins la même chose qu’il avait dit dans le Wyoming ; l’inflation elle est méchante et sa plus grosse crainte résiderait dans le fait que cet andouille consommateur se rue dans les magasins pour acheter tout ce qui lui passe sous la main avant que ça soit trop cher – spoiler alerte – si vous allez dans certains magasins comme je l’ai fait hier, il semblerait quand même que l’andouille de consommateur ait déjà commencé à le faire sur certains produits. Ce qui est d’ailleurs assez rassurant sur la condition humaine : on avait été largement assez cons pour se ruer dans les magasins de peur de manquer de papier hygiénique et à peine 2 ans plus tard, on recommence le même type de comportement débile. Si on compte sur l’être humain pour se sauver lui-même, je crois qu’on est sacrément mal barré. Et pas qu’un peu.
Même paroles mais résultat différent
Donc le patron de la banque centrale américaine a répété les mêmes mots et propose la même solution qui avait fait plonger le marché de 4% parce que le même marché avait fait ses devoirs et avait anticipé un ralentissement dans le comportement hawkish de la FED, puisque le CPI avait montré des faiblesses dans le l’articulation du genou droit. Mais hier c’était différent. C’était différent parce que c’était pas pareil. Pas pareil dans le sens où nous le sachions déjà et que du coup, Powell nous a juste confirmé qu’il ne fallait pas se faire d’illusion et que les hausses de taux resteraient un bon moment au programme des prochains FOMC Meetings. Celui du 21 septembre, déjà, mais aussi ceux d’après, puisque le combat contre l’inflation à l’air de vouloir durer un peu à l’image de chaque guerre dans laquelle les Américains se sont enlisés ces 60 dernières années. On espère simplement que Powell ne montera pas les taux aussi longtemps que les GI’s sont restés en Afghanistan à se faire tirer dessus comme des lapins de garenne.
Ce qu’il faudra donc retenir de la séance de ce jeudi, c’est que les mêmes paroles que Powell avait prononcées en août auront eu un résultat différent sur les indices qui terminaient en hausse. Une hausse modérée, soit, mais une hausse quand même. Il faut dire que c’est tout de même impressionnant de voir des réactions diamétralement opposées avec les mêmes mots en l’espace de trois semaines. On va mettre ça sur le fait que l’on n’aime visiblement pas être pris au dépourvu dans le monde merveilleux de la finance. En revanche, si on nous répète encore et encore des trucs que l’on n’a pas envie d’entendre, on finit quand même par trouver ça bien.
Lagarde dans le sillage
En tous les cas si Powell marche dans la rue, il doit se sentir suivit. Hier la BCE a fait exactement ce que l’on avait prévu qu’elle fasse. À la limite on se demande si Lagarde a un peu de libre arbitre ou si elle se contente de donner au marché ce qu’il veut. Hier la patronne de la Banque Centrale Européenne aura donc annoncé la plus GROSSE hausse de taux de la courte histoire de la BCE. 75 points de base qui ne sont pas près d’être battus et cela même si la BCE continue d’exister pendant des siècles. Surtout que rien n’est moins sûr, à la vitesse à laquelle l’Europe ne ressemble plus à rien. Mais trêve de plaisanteries malsaines, la BCE a donc monté les taux et annoncé que l’inflation était son combat principal et qu’il fallait s’attendre à de nouvelles hausses tant que l’inflation ne montre pas des signes de faiblesse.
À ce stade-là, vous devez normalement vous dire que je me répète et que je viens de dire 15 fois la même chose avec des mots différents, mais en fait pas du tout. C’est pas moi qui ai commencé, c’est Lagarde. En résumé, la BCE aurait pu gagner du temps en se contentant de publier un lien sur son site internet. Un lien qui aurait renvoyé le lecteur aux 12 derniers discours de Powell, parce que grosso-modo, la tirade de la patronne de la banque centrale à la bannière étoilée n’est que du régurgitage de ce que la FED a déjà commencé à faire au début de l’année. Il y a encore quelques mois, on avait presque cru que la BCE avait sa propre vie, parce qu’elle refusait de monter les taux au même rythme que la FED. Mais en fait, Christine Lagarde s’est simplement contentée de rester en retrait pour pouvoir copier les discours de Powell, ce qui lui aura fait gagner un temps considérable.
Donc si l’on résume la séance d’hier ; l’ensemble des marchés ont terminé légèrement en hausse parce que monter les taux, c’est bien. Mais aussi ; être hawkish, c’est bien aussi. Si l’on avait eu le même état d’esprit que nous avions il y a trois semaines, le titre de cette chronique aurait été : « bain de sang à Wall Street et Lagarde en a plein les mains », mais comme depuis quelques jours, nous avons changé de point de vue, la journée aura été calmement haussière pour saluer le comportement viril des banques centrales. Et puis il faut dire qu’entre le Jeûne Genevois et le décès de la Reine d’Angleterre, personne n’avait envie de faire quoi que ce soit d’autre.
En Asie
Ce matin en Asie, la Chine vient d’annoncer un CPI au plus bas depuis 19 mois – 2.5% contre 2.8% attendu. Le chiffre est merdique mais justifié par la politique sanitaire des Chinois, mais de toutes façons, les marchés s’en foutent, ils sont en train de saluer les bonnes nouvelles en provenance des banques centrales et de publier deux cents articles à la minutes pour expliquer comment et à quelle vitesse la succession de la Reine Elisabeth va s’organiser, sans parler du couronnement du Roi le moins crédible de toute l’histoire de la couronne.
Pour le moment le Nikkei est hausse de 0.6%, la Chine de 0.7% et Hong Kong bondit de 2.5%. Le pétrole va toujours plus bas, à 83$ et des poussières, parce que la Chine ne consomme plus et l’or est à 1730$ pendant que plus personne ou presque, ne parle du Bitcoin.
Des nouvelles ? Non, pas de nouvelle…
Ce matin il n’y a quasiment pas de nouvelles neuves et c’est tant mieux parce que les médias ne parlent que d’une chose : le décès de la Reine Elisabeth. Le FT a même réussi à changer sa couleur rose pour du noir et la plupart des sites internet de finance ne parlent que de ça, même les commentaires de Cathie Woods qui hurle contre la FED lui reprochant de nous emmener vers la déflation n’intéressent personne alors que tout le monde se demande si « sérieusement » Charles va vraiment devenir Roi.
Les futures sont légèrement en hausse et on a presque le sentiment que c’est déjà le week-end et que plus personne n’a envie de travailler ce matin, ou alors c’est juste moi. En tous les cas, nous allons continuer à évaluer les commentaires de Powell et voir si l’on peut en tirer des conclusions hâtives qui nous donneraient une idée de l’agenda pour le début de la baisse des taux une fois que l’inflation aura été pourfendue.
Je crois qu’il me reste à vous souhaiter une excellente journée et un très bon week-end ! Moi je vous retrouve lundi avec un plaisir non dissimulé !
Thomas Veillet
Investir.ch
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-Harvey Specter.