Un peu à l’image de mardi matin où nous avons commencé la journée en hausse pour finir en baisse, la journée de mercredi aura été l’exact opposé. Nous avons commencé la séance avec l’impression qu’une nouvelle interprétation du terme « bain de sang » se préparait sur les marchés financiers alors que l’on flippait au sujet de l’inflation, de la récession, des perspectives économiques et du scénario de James Bond qui se jouait au large du Danemark dans le secteur des pipelines. Et puis en fait non. En fait nous nous sommes simplement souvenus que lorsque les banques centrales interviennent, on n’a plus qu’à s’asseoir et à les regarder faire. Et que c’est quand même plus facile comme ça.
L’Audio du 29 septembre 2022
Manipulation ou intervention
Après, il y a deux façons de voir les choses. La première c’est que c’est quand même vachement chouette quand les banques centrales interviennent et ne laissent pas les marchés s’effondrer sur eux-mêmes. Que ça nous a quand même rappelé la crise des subprimes quand les banques centrales nous ont pris par la main en nous tapotant sur la tête en disant : « t’inquiète pas, ça va bien se passer », méthode qui aura quand même duré jusqu’à que Powell se rende compte que l’inflation n’était ni transitoire, ni sous contrôle en janvier cette année.
La seconde façon de voir les choses, c’est le côté obscur de la force, qui nous fait dire que « quand même, si on ne doit compter que sur les banques centrales pour soutenir les marchés et que les marchés en question ne peuvent pas s’en sortir naturellement, c’est tout de même inquiétant ». C’est inquiétant dans le sens où les banques centrales ont arrêté de donner un coup de main à l’économie il y a à peine six mois et qu’à la moindre alerte c’est la bérézina. Hier la Banque d’Angleterre n’a pas eu d’autre choix que nous faire une « Draghi », un « Whatever it takes » de derrière les fagots, car en l’absence d’une telle intervention, l’on risquait de voir un « credit crunch » apparaître au UK. Chose qui aurait correspondu à une version body-buildée d’une récession bien pourrie et bien vicieuse. En conclusion, l’intervention de la Banque d’Angleterre aura soulagé les marchés mondiaux et c’est bien, mais ça montre aussi que les marchés sont aujourd’hui incapables de se suffire à eux-mêmes si les Banques Centrales ne sont pas là. Ça aura été le cas en Angleterre hier, mais ça aurait été la même chose aux USA en cas de besoin.
Les Banques Centrales ne sont plus nos amies, parce qu’elles luttent contre l’inflation en priorité, mais en même temps, hier elles ont montré qu’elles avaient bien l’intention de nous laisser nous démerder tous seuls avec une éventuelle récession, mais qu’il fallait pas déconner quand même.
Rebond jusqu’à quand ?
En résumé, et pour faire simple ; alors qu’hier nous étions au bord du gouffre et qu’un sell-off bien moche et tout pourri semblait se pointer à l’horizon, la Bank of England a annoncé qu’elle allait racheter des obligations long terme afin de mettre fin au massacre auquel on assistait depuis l’annonce du nouveau budget du gouvernement de la nouvelle Dame de Fer qui a plus l’air d’être en plastique qu’en métal pour le moment. Dans un premier temps le Ministre des Finances britannique, Monsieur Kwasi Kwarteng, avait demandé aux gros fonds d’investissement « de ne pas massacrer le marché obligataire » et au vu de la réponse de ces derniers qui correspondait plus ou moins à la version polie de « va te faire foutre », la Banque d’Angleterre n’a pas eu d’autre choix que de sortir le chéquier pour annoncer qu’elle allait se positionner en tant qu’acheteur à chaque fois que quelqu’un voudrait vendre une obligation quelconque. Je ne sais pas d’où ils sortent le pognon pour mettre en place cette stratégie, mais compte tenu du fait que ça fait des mois qu’ils nous promettent de réduire leur bilan, je ne suis pas sûr que racheter à peu près tout ce qui passe dans le marché va aller dans ce sens.
En fait j’en suis même carrément certain, puisque la Banque Centrale a d’ailleurs annoncé que finalement, et pour le moment, elle ne comptait plus réduire son bilan, mais au contraire, l’augmenter pour sauver le cul des fonds de pension en priorité et du marché ensuite. Cet interventionnisme a donc massivement rassuré les marchés dans le monde entier et assuré un rebond au moins pour la séance d’hier. Il y a pas mal de choses qui sont intéressantes dans l’annonce d’hier. Tout d’abord il y a le fait que l’on a pris conscience que même si les banques centrales ne sont plus nos amies depuis des mois, en cas de catastrophe, elles seront quand même là pour nous sauver le cul en signant des chèques en blanc. Ensuite, il y a aussi le fait que le nouveau budget post-Boris Johnson n’a pas été très bien digéré dans le monde merveilleux de la finance, puisque l’on n’a pas trop aimé le fait qu’un gouvernement signe des chèques en blanc pour prendre en charge les factures d’électricité de Monsieur Tout Le Monde. Et pour terminer, on pourra aussi noter qu’à force de vouloir jouer les gros bras face à la Russie, les conséquences sont sans limite. Et encore, on n’est qu’en septembre.
Intervention violente, résultats impressionnants
Sans parler de géopolitique, de politique ou même d’économie, le résultat sur les marchés aura été tout bonnement spectaculaire. C’est surtout sur le marché obligataire que l’on aura constaté les swings les plus impressionnants. En Angleterre, le rendement du 10 ans est passé de 4.58% à 3.99%, aux USA sur la même durée on est passé de 4.02% à 3.69%. Même l’Italie qui frisait les 5% est retombée à 4.55%. Même si la décision de la Banque d’Angleterre n’a rien à voir avec le reste du monde, les traders ont eu vite fait de faire le parallèle et de comprendre très rapidement que si les Anglais avait le pouvoir de faire sortir leurs banquiers centraux de leur retraite en massacrant simplement le marché obligataire et en défonçant leur monnaie, ça voulait aussi dire que Powell ou Lagarde étaient largement capable de faire de même en cas de besoin.
C’est surtout de là que le soulagement est venu. Reste à voir combien de temps cela va durer et si nous serons capables d’y croire pour que le mouvement haussier puisse durer. Cet après-midi il y aura le GDP aux USA et il suffirait que ce dernier se montre un peu trop mou du genou et que l’on recommence à parler de récession dans les gros titres des médias financiers, chose qui aurait le pouvoir de faire rapidement oublier l’interventionnisme d’hier, jusqu’à que la FED fasse de même. En tous les cas, ce qu’il faudra retenir d’hier c’est que l’on pensait que l’on ne pouvait plus compter sur nos banques centrales, mais qu’en fait, pour le moment elles ne font que bluffer et qu’à la moindre alerte, elles signeront un chèque en blanc pour nous sauver les fesses. En tous cas tant qu’elles pourront imprimer de la monnaie à tout va… L’autre chose que l’on aura pu constater hier, c’est que sans les banques centrales, ce marché est voué à l’autodestruction. Si on en doutait encore.
L’Asie
Ce matin on tente de surfer sur la vague. Les futures sont dans le vert – un vert clair – et les marchés asiatiques sont tous en hausse, le Japon de 0.7%, Hong Kong de 1.25% et la Chine avance de pas grand-chose, mais comme tout le monde se fout de la Chine depuis une moment, ça n’est pas très important. Le pétrole a rebondi massivement avec les marchés, actuellement il est de retour sur les 82$, mais pas encore assez haut pour que l’on fasse le lien avec les risques inflationnistes. Sans compter que nous sommes incapables de penser à deux choses à la fois. L’or est à 1662$ et le Bitcoin a rebondi une énième fois sur les 18’500$, c’est même plus drôle à la fin.
Dans les nouvelles qu’il faudra retenir et se souvenir, Biogen a eu des résultats cliniques satisfaisant sur son médicament contre Alzheimer. Les dernières données montrent que le traitement permet de ralentir la progression de la maladie. Le titre prenait 40% hier soir. Chez Apple on rigole moins parce qu’il paraît que les iPhones se vendent, ok, mais que ça pourrait être mieux. Les gens se ruent apparemment sur la version Pro Max, mais pas assez pour nécessiter une hausse de la production. Autrement on notera que Porsche arrivera sur les marchés aujourd’hui et que son IPO a été pricée au top du range à 82.50 Euros, reste plus qu’à faire la course avec Ferrari. Reste aussi à voir si c’est encore la bonne saison pour faire des IPO’s. Autrement, tout le monde parle et spécule sur le responsable du sabotage du pipeline. Pendant que les Américains hurlent à la mort et pointent du doigts les méchants Russes qui n’auraient eu qu’à fermer le robinet, d’autres voix s’élèvent pour dire que c’est sûrement les Américains qui sont derrière ça. Même si tout le narratif derrière ça ressemble plus à la théorie du complot qu’autre chose.
À propos d’Alzheimer
Pendant ce temps, Biden parle aux morts, puisque dans son discours d’hier il s’est adressé à une parlementaire qui est décédée depuis deux mois. On pouvait d’ailleurs très bien voir que le Président Américain est dans un état de décrépitude avancé et que même la Reine Elisabeth a l’air en meilleure forme actuellement. Chose qui est d’ailleurs super-rassurante quand on voit où le monde se trouve aujourd’hui. Côté chiffres du jour, nous aurons une avalanche de données.
On commencera par le CPI en Allemagne – chiffre qui promet d’être très très rigolo, surtout à voir la tronche des futures sur le gaz depuis deux jours – puis ensuite aux USA, il y aura le PCE, chiffre que la FED observera attentivement et sur lequels les stratèges financiers en tireront plein de conclusion durant toute la journée, puis il y aura le GDP qui devrait donner des idées sur la récession à venir, ainsi que les Jobless Claims qui feront pareil.
Pour l’instant les futures sont très très, mais alors très légèrement dans le vert, mais comme depuis deux jours le niveau des futures à 7 heures du matin fait effet d’indicateur contrariant, je ne sais plus quoi en tirer comme conclusion. On verra ça demain ! D’ici-là, passez une excellente journée dans un monde qui reste quand même à l’écoute de la voix de son maître – le maître étant les banques centrales du monde entier.
À demain, si vous le voulez bien !
Thomas Veillet
Investir.ch
“I don’t take meetings, I set them…and my respect is not demanded it is earned.”
Harvey Specter