Le répit n’aura pas été de très longue durée. Alors que mercredi, pendant un bref instant nous avons cru que les Banques Centrales ne nous laisserait pas tomber, les espoirs se sont immédiatement envolés quelques heures plus tard alors que l’on oubliait instantanément les décisions de la Banque d’Angleterre pour se reconcentrer sur ce qui nous obsède depuis le dernier meeting de la FED ; la Récession. Entre les membres de la FED qui ne cachent pas qu’ils ne sont pas prêts à changer de stratégie, les chiffres de l’inflation en Allemagne et le fait que les USA sont « techniquement » en récession, il n’en fallait pas plus pour que l’on finisse au plus mal hier soir.

L’Audio du 30 septembre 2022

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Ça n’aura pas duré

Le PIB américain s’est contracté de 0,6 % au deuxième trimestre, selon les chiffres publiés jeudi soir. Cette contraction fait suite à une contraction de 1,6 % au premier trimestre, indiquant que l’économie américaine est entrée en récession technique. Récession souvent mesurée par deux trimestres consécutifs de baisse de la production économique. On sait que Biden et Yellen ne sont pas d’accord avec cette définition qui est pourtant bien connue. Toujours est-il qu’hier ce que pensaient les deux dinosaures de la Maison Blanche importait peu aux bourses mondiales.

Entre le GDP qui baissait encore une fois, le CPI en Allemagne qui tapait les « presque 11% » – il n’en fallait pas plus pour effacer les belles intentions de la Banque d’Angleterre. Sans compter que la Dame de FER 2.0 a répété encore une fois que le budget mis en place et la baisse de la fiscalité qui va avec est LA solution pour son peuple. Et ce, même si la plupart des économistes qui comptent sur cette planète lui hurlent dessus en lui disant (à demi-mot) que c’est complètement débile. L’ambiance n’était donc pas terrible du tout et la plupart des indices mondiaux ont donc terminé au plus bas de l’année. Les plus optimistes diront que les « PLUS BAS DE JUIN » n’ont pas encore cédé, mais plus pessimistes diront que ça n’est qu’une question de temps.

Fine tuning

Il est vrai que lorsque l’on regarde un graphique – les fondamentaux ne faisant plus de sens depuis que la FED monte les taux et ne se concentre QUE sur l’inflation – on est obligé de zoomer sur les mouvements de ces derniers jours pour y voir plus clair. Hier soir le S&P500 a terminé en baisse de plus 2% à 3640. C’est la clôture la plus basse depuis fin 2020. La dernière fois que l’on avait été aussi faible, c’était en juin avec une clôture extrême à 3677. Comme vous le voyez on est en train de pinailler pour trouver des raisons de ne pas paniquer et de ne pas craquer complètement. Les points bas intraday les plus au Sud que nous ayons vu récemment se situent au niveau des 3598 – de là où nous sommes repartis mercredi matin lorsque la Bank of England est intervenue.

Mais cette avalanche de chiffres n’est qu’un écran de fumée qui veut essayer de nous donner encore un peu d’espoir. Au milieu de tout cela, la vérité c’est aussi que l’investisseur de base est en train de craquer. D’en avoir ras-le-bol. Ras-le-bol d’entendre parler de récession et ras-le-bol de voir les derniers remparts de résistance craquer à la baisse. Et hier, il y a avait de quoi commencer à déprimer avec un méchant downgrade sur Apple de la part de Bank of America qui agrémentait tout cela de commentaires bien encourageants du type : « Apple n’est plus la compagnie sécurisante qu’elle a été ces dernières années et fait face à des challenges compliqués dans les années à venir » – on ne s’attardera pas trop sur le détail des challenges en question, sachant que l’on a une mémoire de poisson rouge et que ce qui nous intéressait c’était le prix de la séance d’hier. Le prix aura été élevé pour Apple qui perdait plus de 4% et qui – de par son poids dans l’indice – entrainait de toutes façons tout le reste. Hier le Nasdaq a perdu près de 3%, le DAX n’avait plus fini aussi bas depuis novembre 2020. Et ce, malgré la bonne IPO de Porsche qui terminait en hausse de 2%. Bon, de l’autre côté, il faut dire que Volkswagen s’est fait démonter de plus de 6%, pendant que la Holding de la maison mère chutait de près de 11%. Et puis il y avait le SMI qui parvenait encore à tenir le niveau des 10’000 – mais pour combien de temps ?

Pas bon, pas bon

Les mots récession et panique étaient partout, la Banque d’Angleterre et les stratégies du gouvernement britannique font peur à tout le monde et bien que ce « dernier problème » ne soit que le « dernier de nos problèmes en date », on aurait pu largement s’en passer. Mais tout est lié. L’ambiance globale est pourrie, l’inflation nous pète à la figure et cela commence à se ressentir un peu partout dans la vraie vie réelle de tous les jours et pas seulement sur les chiffres du CPI allemand. Les intervenants qui sont rentrés tard dans la hausse du COVID – hausse causée artificiellement par la planche à billets des banques centrales – sont en train de craquer moralement et pendant ce temps-là, c’est toujours le bordel entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe qui continue de sanctionner à tout va et de se prendre des claques deux fois plus fortes dans la gueule en retour.

Si en plus, maintenant des titres « défensifs » comme Apple nous pètent dans les mains, la suite pourrait ne pas être très rigolote. Et puis en dehors d’Apple il faut tout de même dire que ce n’est pas la seule à s’être faite allumer durant la séance. On notera aussi que Carmax s’est faite démolir de 25% après avoir annoncé des chiffres en-dessous des attentes de ces Messieurs/Dames les analystes. Et puis comme Carmax vend des voitures, tout le secteur s’est également fait défoncer. On notera que GM et Ford frisaient la correctionnelle en baissant de plus de 5% et Tesla – qui est généralement assez immunisée contre ce genre de nouvelle, parce que Tesla c’est trop cool, c’est différent et c’est mieux, ça fait toujours le bruit d’un sèche-cheveux, mais c’est mieux – donc Tesla s’est également écroulée de 6.8%. Terminant juste SUR le support qu’il ne faudrait pas lâcher.

Les supports qui ne tiennent qu’à un fil

Ces supports sont d’ailleurs la seule chose qui nous donne l’impression que l’on peut y croire encore. La question reste cependant de savoir combien de temps ils pourront tenir. Car si Tesla est au bord du gouffre et menace de faire un grand pas en avant, c’est aussi le cas du reste. Le S&P500, le Nasdaq, le Dow Jones, le SMI – tous menacent de sauter le pas – tout ça sans compter que l’un des indicateurs avancés du marché, le SOX, l’a déjà fait depuis un moment et continue de clôturer de plus en plus bas chaque soir.

Sans oublier qu’hier soir APRÈS LA CLÔTURE, Micron a publié des chiffres qui laissent à penser que le ralentissement dans le secteur des semi-conducteurs n’est pas que temporaire et qu’il se pourrait que nous n’ayons pas encore vu le pire. Manquerait plus que ça. Le titre limitait la casse hier soir, mais l’angoisse et la peur étaient palpables. Et puis ça n’est pas tout. Ça n’est pas tout, parce que si Apple – un des chouchous du marché était sous les feux des critiques de Bank of America hier soir – un autre des chouchous du marché et baromètre de la santé du consommateur a fait des déclarations qui faisaient froid dans le dos.

Just do it

L’ancien sponsor de Federer, Nike, vient d’annoncer que le reste de l’année serait moche et compliqué et qu’ils ne savent plus trop quoi faire de leurs stocks et menacent d’inonder le marché de baskets bon marché pour essayer de limiter la casse. Le titre s’est fait exploser de 10% après la clôture et démontrait bien – par capillarité – que la santé du consommateur, c’était plus ce que c’était ! L’ambiance ce matin est juste détestable et même si les futures semblent tenir le coup, on se demande bien quelle sera la prochaine merde qui va nous tomber dessus. Et de côté, il est vrai que l’on ne manque pas de suspects… Entre Poutine qui est dans les cordes, les pipelines Nordstream qui fuient dans tous les coins, les uns qui rejettent la faute sur les autres, l’Allemagne qui débloque des fonds d’on ne sait où pour « bloquer la hausse des factures d’électricité » – stratégie qui ressemble fort à ce que l’Angleterre vient de faire – finalement on a l’impression qu’il n’y a que la France et le gouvernement du Roi Macron qui s’en sort en venant en conférence de presse vêtus de fourrures polaires ou suggérant de porter le col roulé à la place de la cravate – d’ailleurs on se demande qui est le débile mental du département marketing qui propose des stratégies pareilles aux Ministres Grand-Guignolesques du petit criseux qui leur sert de Président.

Mais je m’égare, je m’égare, tout ça pour vous dire que l’on ne manque pas de bombes à retardement qui pourraient nous exploser au visage. Ce matin l’Asie est dans le rouge, ça se maintient en Chine et à Hong Kong – alors que le gouvernement chinois continue d’écoper pour sauver son économie – bien que les deux indices soient en baisse, c’est très léger. En revanche, le Japon recule de 1.7%. Pour ce qui est du pétrole on tient bon la barre, le brut est à 81.10$ et subit moins la pression vendeuse que le reste. Pour le moment. L’or est à 1670$ et le Bitcoin est au milieu de son range à 19’400$ – c’est un peu le dernier truc qui tient le coup… Faudrait pas qu’il casse le rempart des 18’500$ – même si l’on sait tous que c’est pratiquement impossible.

Nouvelles ? Quelles nouvelles ?

Dans les nouvelles du jour, on notera que le pipeline de la Mer Baltique sera probablement impossible à réparer. Ça devrait bien arranger l’Europe cet hiver. C’est d’ailleurs la question que se pose le FT ce matin : les cols roulés et les fourrures polaires suffiront-elles pour passer l’hiver ou faudra-t-il aller dormir dans la voiture avec le moteur allumé (enfin, si ça n’est pas une voiture électrique). Les paris sont ouverts. Il y aussi Poutine qui devrait annoncer l’annexation de quatre régions ukrainiennes à la Russie – chose qui devrait bien calmer le jeu, on s’en doute – et puis on parle aussi de la Première Ministre Britannique qui en prend déjà plein la figure politiquement parlant.

On notera aussi que les chiffres des Jobless Claims publiés hier étaient au plus bas depuis 5 mois. Et ce, malgré les efforts de la FED pour freiner le marché de l’emploi – encore un exemple de ce qui aurait pu être considéré comme une bonne nouvelle qui devient en fait, une mauvaise nouvelle.

Les chiffres du jour

Du côté des chiffres du jour, on attendra les ventes de détail en Allemagne et en Suisse. Le CPI magouillé en France et plein de chiffres en provenance de la Banque d’Angleterre, des chiffres que l’on ne regarde jamais habituellement – mais qui, au vu de l’ambiance actuelle, pourraient drainer un peu d’intérêt. Aux USA nous aurons les chiffres du PCE, de la consommation personnelle, le Chicago PMI et la confiance du consommateur version Université du Michigan. Et puis, pour ne pas que l’on s’ennuie, il y aura aussi plein de membres de la FED qui vont parler – dont Madame Brainard, numéro deux de Powell. Il lui suffirait de relire n’importe lequel des discours que Powell a fait depuis deux mois pour envoyer le marché au tapis pour le compte. Et en plus on est Friday – comme dans « BLACK FRIDAY ».

Avant de devenir trop déprimant, je m’en vais vous laisser vaquer à vos occupations, vous souhaiter un excellente week-end et je vous retrouve lundi matin dans cette même colonne ou tout à l’heure en vidéo sur la chaîne YouTube de Swissquote (en français)… Très belle journée, très bon week-end et à lundi !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“97% of people who gave up are employed by the 3% who never gave up.”

-Harvey Specter.