Il y a des matins, des matins comme celui-ci, où j’ai envie d’écrire trois mots et de retourner me coucher. Je trouve que je n’ai rien à dire parce qu’on a déjà tout dit et que l’on se réchauffe les mêmes sujets encore et encore. Aujourd’hui, le truc à la mode, c’est que l’on est « rassuré » quand il y a des mauvaises nouvelles. Oui, bien sûr, car si ça va mal, la FED va arrêter de monter les taux, imprimer du pognon et le distribuer par hélicoptère au-dessus des banlieues américaines défavorisées. Et justement, aujourd’hui, tout va mal, puisque même les boîtes qui nous sauvent les fesses chaque trimestre depuis 15 ans, sont en train de partir en sucette.

L’Audio du 27 octobre 2022

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Mais comment on va faire alors ?

Du coup, Microsoft sort des chiffres pourris et se fait planter. Google sort des chiffres moyens-moyens et refusent de couper les coûts comme Wall Street-je-sais-tout-et-j’ai-tout-le-temps-raison, voudrait et se fait démonter hier. Meta se fait démonter hier soir after close parce que ses chiffres sont minables, que les dépenses dans le Métaverse sont trop monstrueuses et que Zuckerberg refuse de les réduire et en plus, il fait un gigantesque doigt d’honneur à Wall Street-je-sais-tout-et-j’ai-tout-le-temps-raison en lui expliquant gentiment que c’était lui le patron et que l’avis de l’analyste de chez JP Morgan, de chez Crédit Suisse ou de chez Goldman Sachs, il n’en a strictement rien à foutre – d’ailleurs on pourrait aussi noter que l’analyste moyen à Wall Street n’a jamais rien entrepris de sa vie, n’a jamais géré une société, n’a jamais fait de l’innovation et n’a jamais salarié le moindre personnel. Non, parce que mis à part faire des spreadsheets excel pour essayer de prévoir un truc à trois mois qui est faux une fois sur deux, il n’a pas fait grand-chose de sa vie, l’analyste.

Mais peu importe, là n’es pas le sujet. Le sujet c’est que Meta-Facebook a déçu massivement hier soir – ça perdait 20% after close – que les autres « big names » ont déçu avant-hier et que l’on voit mal comment les deux qui restent vont nous sauver les fesses. Amazon a sûrement les mêmes problèmes que Microsoft avec le cloud et Apple va sûrement décevoir avec ses ventes d’iPhone parce que les gens sont en train se serrer la ceinture avec le marché de l’immobilier qui baisse, la confiance du consommateur qui s’effondre et les taux des cartes de crédit qui prennent l’ascenseur à la vitesse des taux hypothécaires à 30 ans.

Du coup, c’est bon ou pas

Pourtant, alors qu’il semble presque trop évident que les deux derniers GAFAM vont se faire démonter ce soir pour une raison qui sera sûrement considérée comme valable à « Wall Street-je-sais-tout-et-j’ai-tout-le-temps-raison », les intervenants semblent étonnement rassurés, confiants et sereins pour l’avenir. Et ça, tout simplement sur le fait que si tout est en train de ralentir ; la FED n’aura absolument pas d’autre choix que d’affiner sa position mercredi prochain et de se montrer plus souple pour la suite de sa stratégie « lutte contre l’inflation ». Peut-être que Powell pourrait annoncer qu’il ne va plus monter les taux, mais se contenter de demander à l’inflation si elle ne serait pas d’accord de se calmer un peu. En demandant poliment et en disant « s’il vous plaît » à la fin, on ne sait jamais, ça pourrait marcher.

Mais par contre, j’ai peine à imaginer que le marché va reprendre 25% d’ici la fin de l’année si les 5 plus grosses capitalisations boursières américaines se font défoncer parce qu’elles sont « has been » et que les CEO’s de ces cinq boîtes continuent de dire au monde merveilleux de la finance qu’ils n’en n’ont rien à foutre de ce qu’ils pensent. Alors bon, moi je ne suis personne et je n’ai pas fait d’études, mais j’ai toujours de la peine à imaginer que l’on puisse aller dans la même direction quand on est sûr une barque et que la moitié rame en avant et l’autre en arrière. Dans le meilleur des cas on va tourner en rond pendant des semaines en attendant que ça se décante. Ou, dans le pire des cas, la FED va nous dire qu’elle se fiche pas mal du fait que ça ralentisse et que tant que l’inflation n’est pas à zéro, elle ne lâchera pas le concept de la hausse des taux. Auquel cas, il serait bon de savoir sauter en parachute. Mais qu’en revanche, il n’y aura pas de parachutes pour tout le monde.

Et puis y a la récession

Si l’on résume la situation : les sociétés sortent des chiffres plus ou moins bons, plutôt bons que moins bons, mais les Big Techs sont à la rue et ne sont pas « compliance avec Wall Street » dans leurs visions du futur et de la gestion d’entreprise. Et ne pas être « COMPLIANCE » dans le monde de la finance, c’est mal. C’est très mal. Cependant, les marchés tiennent quand même (même si hier c’était plus compliqué et moins bullish sur le Nasdaq, pour les raisons que l’on imagine), les marchés tiennent parce que la FED va nous sortir de l’ornière dès mercredi prochain en se détendant du côté du serrage de ceinture.

Mais au milieu de tout cela, il y a encore une chose qui nous interpelle et qui nous interroge, c’est la RÉCESSION. Alors oui, je sais, c’est mal et c’est pas COMPLIANCE non plus de parler récession alors que l’on n’a pas encore réglé le cas de l’inflation, toujours est-il qu’il faut quand même signaler que c’est quand même le prochain « step » de la crise économique dans laquelle nous sommes. Je veux bien admettre que Biden pense que l’on va y échapper, mais comme tous les matins il ne sait plus comment il s’appelle, ni quelle année nous sommes, je ne suis pas certain que ça soit une base de référence sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour faire des prévisions économiques et boursières. Donc, en dehors des prévisions et du sentiment de Joe Biden, il faudra tout de même noter qu’hier le rendement du 10 ans et celui du trois mois se sont brièvement croisés.

L’inversion de la courbe, le retour de la vengeance du serpent de mer

OUUUUUIIIIII.. Vous connaissez le principe de l’inversement de la courbe ? Mais siiiiiiiii, on en parle tous les trois mois pour nous expliquer que, statistiquement dès que le rendement du dix ans devient inférieur à n’importe quelle durée plus courte, c’est un signal de récession imminent, un peu imminent, pratiquement imminent, voir limite immédiat. Au début on joue à se faire peur avec la courbe du 2 ans et du 10 ans. Puis on oublie et on se concentre sur autre chose. Autre chose comme la performance des cryptomonnaies ou la nouvelle stratégie du Crédit Suisse. Voir même mieux : le combat contre l’inflation à mains nues entre Jerome Powell et Nouriel Roubini dans une cage de MMA.

Et puis, soudainement on y revient, à l’inversion de la courbe des taux. Mais comme ça n’a pas bien fonctionné avec le 2 ans et le 10 ans, on revient sur autre chose et cette fois c’est le 10 ans et le 3 MOIS !!! Mais attention, cette fois c’est plus de la théorie fumeuse qui marche une fois sur deux et qui signale une récession à 60% dans une fourchette de temps comprise entre 3 mois et 287 mois. Non, là c’est du presque « coup sûr » qui fonctionne pratiquement une fois sur deux. Trêve de plaisanteries, cette nouvelle incursion – très brève – du rendement du trois mois au-dessus du rendement du 10 ans, aura eu le mérite de rappeler au monde merveilleux de la finance que l’on se rapproche à toute vitesse du MUR de la récession et que nous sommes dans une Tesla qui roule à 180 et que l’autopilote qui ne fonctionne pas très bien, refuse de nous rendre les commandes. Et sur ce coup-là, je ne suis pas certain que lorsque la triplette magique composée de Yellen, Powell et Biden viendront nous annoncer qu’en fait l’économie US est QUAND MÊME en récession, finalement, je ne suis pas certain que ça soit hyper bien pris pas les gars de Wall Street-je-sais-tout-et-j’ai-tout-le-temps-raison.

L’Asie et le reste

Ce matin l’Asie est partagée entre Hong Kong qui ne veut plus s’arrêter de monter. Bon, en même temps avec ce qu’ils se sont pris dans la gueule depuis le début de l’année, même si ça remonte de 30%, on le verra à peine sur le chart. Et le reste est légèrement en baisse. C’est vrai que c’est pas simple de prendre une décision là tout de suite. D’abord, d’un côté t’as Meta qui se fait déglinguer au hors bourse, mais t’as le future américain qui est en hausse de 0.5% parce qu’on se dit que, forcément, la FED va se détendre. Mais en même temps, ça craint parce que ce soir y Amazon et Apple qui publient et que s’ils se vautrent, ça va faire bizarre, même si tout commence déjà à être dans les prix. En plus, tout à l’heure il y a la Banque Centrale d’Ursula Von Der Leyen qui va parler et selon ce qu’ils disent ou ce qu’ils font, il pourrait y a voir du sport en Europe. Non, moi je serai en Asie en ce moment, je prendrai mes tongs, mon maillot de bain et j’irai faire du snorkeling en attendant la semaine prochaine.

Sans compter que pendant que nous passons notre temps à prendre des paris sur l’inflation et à parier sur la couleur de la cravate que portera Powell mercredi prochain, le pétrole est en train de repartir gentiment à la hausse sans que personne ne dise rien. Je rappelle pour information que plus le pétrole monte, plus l’essence est chère et plus on a envie d’acheter une voiture électrique, mais quand on se rend compte que charger la voiture électrique sur les bornes payantes ça coûte plus cher que le plein, on se dit que c’est encore plus inflationniste, alors en bon citoyen, on ne fait pas le plein et on retourne se mettre en PLS sur le sol du salon en attendant et on arrête de consommer. Bref, le pétrole est à 88.14$, l’or est à 1668$ et le Bitcoin s’envole discrètement au-dessus des 20’500$, ça sent le rallye de fin d’année, sans compter que l’Ether est repassé au-dessus des 1500$ et que les gens commencent à regarder à nouveau « d’autres monnaies qui pourraient avoir du potentiel ».

Nouvelles neuves

Du côté des nouvelles du jour, on notera que Ford a sorti des chiffres que l’on qualifiera de « bof » et le titre était légèrement en baisse hier soir after close. Mais une baisse qui n’a rien à voir avec celle de Facebook Meta Plateform sur Instagram. Par contre, on notera un truc intéressant : Ford a fait un « writedown » pour sa division autopilote. En fait je ne suis pas un expert sur le sujet, mais si tu fais un « writedown » sur un truc, c’est que tu n’y crois plus vraiment. En 2009, les banques, quand elles faisaient ce genre de choses sur des prêts immobiliers, c’est pas parce qu’elles comptaient revoir l’argent rapidement. J’ai donc tendance à croire que Ford n’y croit plus trop, à ce concept. Reste à l’expliquer à Musk. Musk qui a d’ailleurs annoncé que finalement, il ne voulait plus virer 75% du staff de Twitter et qui est rentré dans les locaux de la société hier, avec un lavabo dans les mains. Perso, j’ai même plus envie de chercher à savoir pourquoi. Notez que si vous vous connectez sur un lavabo, ça marche peut-être mieux que son Starlink à cinquante balles.

Il faudra aussi graver dans le marbre les publications trimestrielles de Boeing. Le fabricant d’avions a annoncé qu’ils avaient pris des charges énormes sur la fabrication du nouveau Air Force One et que du coup, ils ont complètement raté les chiffres du trimestre, mais qu’ils restent confiants pour l’avenir. Pour marquer cette confiance, le titre a tout de même perdu 8%. Et puis, visiblement, ça marche mieux sur terre que dans le ciel, puisque Harley Davidson a battu les attentes du marché et le titre explosait de près de 13%. Dans les autres bonnes nouvelles, on retiendra que la Russie a fait des tests grandeur nature avec ses missiles balistiques nucléaires, mais que tout le monde s’en fout parce qu’il y a la FED la semaine prochaine et la BCE tout à l’heure. Ah oui, et puis Poutine a aussi dit que le risque d’une guerre mondiale était « très » élevé. Mais bon, la FED, la BCE, l’inflation tout ça. Et pour terminer avec ces formidables nouvelles du jour, le CEO de Goldman Sachs pense que nous sommes aux portes de la récession et que les taux vont monter à 4.5%. Et les futures sont en hausse parce qu’on est content que tout ralentisse…

Les chiffres du jour

Côté publications du jour, la plus importante, mis à part Apple et Amazon, ça sera les publications des chiffres et de la nouvelle stratégie du Crédit Suisse, la seule chose que l’on sait – en plus du fait qu’ils cherchent à vendre à peu près tout ce qu’ils ont, c’est que le thème et le discours qu’ils vont faire, devrait parfaitement être en phase avec Halloween. Il y aura aussi McDo, Caterpillar, MasterCard, Shopify et Intel qui vont publier aujourd’hui. Côté macro, c’est donc le jour de la BCE, Lagarde devrait monter les taux de 0.75%, dire que tout est sous contrôle et que la BCE va donner 1’000 milliards par mois à l’Ukraine. Pour le reste, il y aura le chiffre préféré de la FED pour mesurer l’inflation : le Core PCE, puis il y aura aussi les Jobless Claims, le climat de consommation en Allemagne et le GDP US qui devrait permettre de mesurer l’ampleur des dégâts et l’éventualité d’une récession (peu probable) à venir.

Les futures sont donc en pleine forme et tout se passe pour le mieux. La FED est bientôt notre amie, la BCE aussi et Ursula Von der Leyen devrait être nommée à la BCE à la place de Lagarde, parce qu’elle est trop cool. Moi je vais me recoucher et je vous dis à demain pour voir si le Crédit Suisse s’est lancé dans le e-commerce ou les voitures électriques.

Bonne journée à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The future belongs to those who believe in the beauty of their dreams. » -Eleanor Roosevelt