Après la fin de semaine délirante que nous avons vécu, il était temps de remettre l’église au milieu du village, l’analyste au fond du bureau et l’économiste sur un plateau télé. Hier aura donc été une journée de Ré-Évaluation comme on pouvait le lire un peu partout dans les résumés de la séance de ce lundi. Il faut dire que durant le week-end, les mots du patron de la FED de Saint-Louis ont mis un léger frein à l’enthousiasme général. Les déclarations de la numéro deux de la FED, Madame Brainard, n’ont pas suffi à effacer les mises en gardes de son collègue. Suite à l’euphorie de la semaine dernière, on a quand même pris le temps de réaliser que l’inflation était encore là pour un moment.

L’Audio du 15 novembre 2022

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Ne pas confondre pic et pic

La séance en Europe aura été timide et légèrement haussière. Nous étions en phase de digestion. Ce qui est assez normal après une hausse de près de 10% pour une baisse de l’inflation de 0.4%. On se demandait quand même si les investisseurs avaient vraiment changé de stratégie et si ceux qui juraient il y a encore 5 jours qu’ils resteraient cash jusqu’au printemps 2023 avaient réellement tourné la veste pour une micro-baisse des 0.4% du CPI. Pour être honnête, à l’heure actuelle on n’en sait foutrement rien et nous nous contentons de jeter des questions en l’air en souhaitant éventuellement peut-être obtenir une réponse à peu près claire et fiable.

Mais c’est du côté des huiles des banques centrales que l’on a cherché des réponses. L’intervention de Monsieur Waller dimanche avait tout de même marqué les esprits, puisqu’il avait remis en doutes les capacités intellectuelles du marché en expliquant calmement qu’il ne fallait pas confondre « pic de l’inflation » et « pic dans le cycle de hausse des taux ». Il n’a pas caché qu’avec les chiffres de jeudi dernier, la FED allait FORCÉMENT devoir réévaluer sa méthodologie dans le cycle de hausse des taux et qu’ils allaient devoir envisager des hausses qui feraient un plus figure de « frappe chirurgicale » que des hausses qui se font avec des machines de chantier empruntées chez Caterpillar. Mais « in-fine », des hausses restent des hausses et le Monsieur de la FED a expliqué clairement qu’il se pourrait éventuellement peut-être que la FED commence à MOINS monter les taux. S’il est question de « moins » monter les taux, il n’est pas question de ne PLUS LES MONTER. Et encore moins de les baisser.

Je réévalue, tu réévalues

C’est ce genre de positionnement que le marché va devoir interpréter toute la semaine. Hier il y a également eu les déclarations de Madame Brainard, la numéro deux de Powell, qui a dit que la Fed devrait bientôt commencer à réduire le rythme de ses hausses de taux. RÉDUIRE LE RYTHME DE SES HAUSSES DE TAUX. On est bien d’accord que ça ne veut pas dire « arrêter de monter les taux et commencer à les baisser ». ça veut dire « continuer à monter les taux MAIS MOINS ».

Du coup, les intervenants ont commencé à se demander s’ils n’avaient pas mis la charrue bien bien avant les bœufs et que la connexion entre ladite charrue et les bœufs n’était pas encore faite du tout ! Heureusement, ça n’a pas coûté trop cher aux indices, puisque la pire performance des trois compères américains se trouvait sur le Nasdaq qui perdait 1.1%. Ce qui est pratiquement une hausse si l’on tient compte de la performance stratosphérique des deux derniers jours de la semaine dernière. Nous avons donc principalement passé notre séance à nous demander si la hausse était justifiée et si – par hasard – on ne s’était pas un peu trop emballé. La clôture se sera faite sans trop avoir obtenu de vraie réponse et en se disant que l’inflation était quand même là pour rester et que la hausse des taux, même si elle pouvait se réduire en termes de violence, allait aussi probablement rester présente jusqu’au début du printemps 2023. C’est un peu l’objectif que le consensus des analystes financiers et autres experts en retour de l’être aimé sont en train de se fixer. Pour le moment, on se fait à l’idée que 7.7% d’inflation, c’est quand même pas cadeau, surtout quand on sait que la hausse moyenne du salaire américain se trouve quelque part autour des 4.5% – ça démontre quand même qu’il y a encore un bout de chemin à faire pour combler le trou.

L’amitié sino-américaine indestructible

Pendant que toute le monde passait le mot inflation au crible et se demandait où étaient les bœufs que l’on devait mettre devant la charrue, les deux leaders de deux plus grosses puissances économiques ont passé trois heures ensemble. En ressortant, Biden a déclaré que ça s’était bien passé, qu’ils avaient parlé de tout sans se mettre de barrières et de limites. Sur les sujets les plus importants, comme l’annexation de Taïwan, Biden estime que Xi n’a aucune intention belliqueuse, ils sont également d’accord sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de guerre nucléaire – reste à expliquer ça à Vlad l’empaleur et à son cousin de Corée du Nord – et puis autrement la Chine et les USA vont continuer à se faire concurrence « vigoureusement ». Bref, c’était super, ils se sont quittés en faisant des « high-fives » et dorénavant, ils sont amis sur Facebook.

Ce matin Biden a déjà oublié qui était Xi-Jinping, mais c’est pas grave les vidéos ont été enregistrées et apparemment le Président Américain ne s’est pas endormi pendant le meeting, ce qui est déjà un exploit. À côté de cela, la Chine a également décidé de faciliter l’accès au crédit immobilier à ses citoyens qui ne sont pas confinés et cela a rassuré un peu les marchés. Hier les valeurs chinoises à Wall Street étaient un peu mieux traitées que les autres. Pourvu que ça dure. En revanche, il y aussi un retour à la hausse des cas COVID en Chine, ce qui ne devrait pas être en faveur d’un retour à liberté absolue dans les rues de Pékin dans les prochaines semaines. Je ne sais pas si c’est à cause de ça que le pétrole s’est soudainement retrouvé avec des faiblesses dans les genoux, mais on peut assez facilement faire le parallèle.

Pour les marchés de là-bas

Ce matin les indices asiatiques sont tous dans le vert avec une mention spéciale pour Hong Kong qui prend encore 3.5%. Il faut dire qu’en plus des bonnes relations entre Biden et Xi, hier soir, Warren Buffet a annoncé qu’il avait pris une participation dans Taïwan Semis et le titre prenait 7% after close aux USA, déclenchant soudainement un intérêt massif en direction de cette partie du monde. Il faut dire que l’investisseur est un peu facile à convaincre en ce moment, tellement il a envie que ça monte. La Chine est en hausse de 1.5% et le Japon grimpe timidement de 0.26%.

C’est du côté du pétrole que ça bloque un peu. Encore une fois, les craintes de ralentissement de la Chine sont au centre des problèmees. Si les mesures zéro-COVID ne sont pas levées, les « experts » en or noir craignent que la demande chute et que plus personne n’achète d’essence. Il faut dire qu’en Europe, les prix repartent à la hausse de plus belle (alors que le baril n’est de loin pas aussi haut qu’il y a quelques mois – mais il faut comprendre, les gouvernements doivent se gaver de taxes et les pétroliers n’aiment pas trop renoncer à leurs marges) – au vu du prix qui repart sur l’essence, on peut imaginer que l’on va y penser à deux fois avant de faire le plein. En résumé, hier on avait peur que plus personne n’achète le baril. Sauf que….

Sauf que quoi ?

Oui, sauf qu’hier il y a eu successivement deux experts qui ont parlé et qui ont mis en garde le monde libre comme quoi le baril pourrait encore exploser à la hausse en début d’année et rester très haut pendant des mois. Ce qui va sûrement bien nous arranger, nous, pauvre idiot de consommateur. J’en suis presque à envisager l’achat d’une trottinette électrique, mais comme je préfère encore me péter les genoux à coup de marteau, je vais oublier l’idée. Donc ces deux experts nous ont calmement expliqué que lorsque les Européens vont mettre en place les nouvelles mesures de rétorsion contre la Russie – début décembre – le pétrole va exploser et pour revenir en arrière, une fois que la Russie aura redirigé la majeure partie de sa production en Inde et en Chine, qui eux s’en foutent complètement des mesures de rétorsion, le retour en arrière ne sera pas simple. En gros, ces deux experts pensent que l’on peut allégrement aller en direction des 115-120$. Ce qui est monstre rassurant pour l’inflation. Pour conclure, la bonne nouvelle c’est qu’un des deux analystes est celui de Goldman Sachs et comme le gars change d’opinion et de price target tous les trois jours, tout est espoir n’est pas perdu.

Ce matin le baril est à 85$, l’or est à 1774$ et le Bitcoin refuse de capituler vraiment et se traite autour des 17’000$. Pendant ce temps, on continue de démêler l’affaire FTX et la liste des victimes s’allonge, le fonds Ikigai d’un des anciens de Point 72 – le Hedge Fund de Steve Cohen est apparemment complétement coincé dedans, Sequoia aurait perdu 2 milliards dans l’histoire. Bref, les questions que tout le monde se pose sont :

1) Où est SBF et quand est-ce qu’il se retrouve au trou (si l’on prend exemple sur les clowns de Lehman Brothers à l’époque, on peut largement se dire qu’il n’ira jamais en taule, parce qu’il a trop de copains bien placés et qu’en plus, dans la finance on n’aime pas mettre les stars en prison. Les couillons des bas étages, oui, mais les empereurs de la finance qui ont filé 50 millions au parti Démocrate,non).
2) Qui est le prochain à passer la trappe. Les rumeurs sont légion et on est impatient de voir qui sera le suivant.

Les nouvelles du jour

Côté news du jour, Biden se balade en costard traditionnel balinais pour le G20, Macron estime qu’il faut tout faire pour que les Ukrainiens passent l’hiver au chaud – il n’a pas mentionné ce qu’il comptait faire avec les Français, mais visiblement il s’en tamponne à un pont inimaginable. Pendant ce temps, le CAC40 est devenue la plus grosse bourse d’Europe en termes de capitalisation boursière – passant devant Londres qui se noie dans les problèmes d’images et de gouvernement. Ça devrait faire plaisir à Bernard Arnaud et Vincent Bolloré. Et puis, au chapitre « hommes riches », on apprend que Bezos veut donner la plupart de sa fortune mais que « faire la charité », c’est pas facile. Le fondateur d’Amazon annonce également que la récession arrive et que ça va être très dur. Et puis dans la foulée, Amazon annonce 10’000 licenciements. Rien à voir avec la charité de tout à l’heure.

Pendant ce temps, Elon Musk déclare sur Twitter que le programme de rachat d’actions de Tesla est entre les mains du board de la société. C’est toujours assez rigolo comme on voit que quand t’es le mec le plus riche du monde, tu as le droit de donner des informations confidentielles sur Twitter, mais si toi, simple couillon de bas étage, tu fais un truc pareil, t’as le FBI à ta porte dans les douze secondes qui suivent. Et Musk est aussi au tribunal pour défendre son bonus de 56 milliards payé par Tesla, alors que ses opposants estiment qu’il s’est enrichit en ne faisant pas grand-chose. Et puis comme on s’ennuie, le G-20 vient de publier son premier communiqué de presse pour dire que « la guerre c’est mal et qu’ils doivent sauver le monde ». Donc on compte sur les 20 pays les plus riches et les plus industrialisés pour sauver le monde. Ben on n’est pas dehors.

Chiffres

Côté chiffres économiques, nous aurons l’emploi en France (et en Ukraine, Monsieur Macron), le CPI en France, le ZEW en Allemagne et en Europe. Puis le Trade balance, le chômage et le GDP en Europe. Il y aura ensuite le PPI et le NY Empire State Manufacturing aux States. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.44% parce que le G20 sont tous des gentils et que la Chine et les USA sont les meilleurs amis du monde. Même si la Chine est toujours sous COVID.

On n’oubliera pas non plus les publications du secteur du Retail cette après-midi et pour le reste, on verra demain. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on se voit demain au même endroit et à la même heure.

Excellente journée !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The only time success comes before work is in the dictionary.”

-Harvey Specter.