Début de semaine en fanfare, alors que l’on attend une avalanche de résultats pour le trimestre qui doivent arriver cette semaine. Mais peu importe, les marchés n’ont qu’un mot en tête : « the only way is up, baby ». Je ne sais pas si c’est une bonne chose et si l’on n’est pas en train de s’emporter un peu trop sans grandes raisons, mais hier nous avons remis l’ouvrage sur le métier et on a trouvé super-cool que Spotify ait viré 6% de son staff (soit 600 personnes), parce qu’encore une fois : un marché du travail qui ralentit, c’est bon pour calmer la FED. La FED qui a aussi dit : SI LE RALLYE EST TROP FORT, NOUS SERONT OBLIGÉS DE GARDER LA PRESSION SUR LES TAUX. Mais en fait on s’en fout.

L’Audio du 24 janvier 2023

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Hyper-motivation et assassinat de shorts

On s’en fout qu’ils aient dit que si les marchés montaient cela aiderait l’inflation et que la FED devrait continuer – si ce n’est à monter les taux – au moins les garder haut pour un bon moment. On s’en fout parce que nous ne sommes pas capables de penser à deux choses en même temps. Hier on était « optimistes » parce que les licenciements allaient forcément ralentir l’économie, calmer la FED et que l’on pouvait déjà penser à « quand est-ce qu’ils baisseront les taux ». D’ailleurs, hier les gars de la Deutsche Bank ont confirmé que 99% des « experts » s’attendaient à une hausse des taux de 0.25% le premier février et qu’ensuite, à la limite sur un coup de folie, on pourrait avoir encore une hausse de 0.25% quelque part avant l’été, mais qu’ensuite, ça serait fini et la FED aura gagné.

Il faudra quand même retenir que l’être humain expert en finance est quand même au-dessus du lot – intellectuellement parlant – puisqu’à chaque fois, il SAIT EXACTEMENT ce qui va se passer – même s’il a tendance à se gourer quand même 8 fois sur 10, mais que comme la mémoire est courte et les médias, condescendants, ça finit quand même bien à la fin. Les gars de la Deutsche Bank ont même commencé à fixer des dates pour les premières baisses de taux. C’est à la fin de 2023 et au début de 2024 que l’on va VRAIMENT commencer à rigoler, puisqu’il est déjà quasiment prévu et gravé dans le marbre, que les taux baisseront de 200 basis points nous ramener à 3% sur les FED Funds. Je dois vous avouer que j’admire cette précision et cette vision à long terme. Ça rassure énormément de savoir qu’il y a des gens qui « SAVENT » alors que nous on se pose des questions tout le reste de l’année en cherchant notre voie. Et puis ceux qui prévoient 200 basis points de baisse sur les taux en 2024, c’est quand même les mêmes qui avaient prévu – en octobre 2021 – que l’inflation était sous contrôle et uniquement transitoire. C’est dire qu’il n’y vraiment aucune raison de douter.

Encore quelques chiffres du trimestre et puis c’est bon

Donc hier, il ne s’est rien passé de fondamental. Il y a bien un gars de la BCE qui a dit que la banque centrale européenne s’apprêtait à monter les taux de 0.5% en février, mais le marché n’en a cure, puisqu’il avait les yeux rivés sur les licenciements de Spotify. Licenciements qui étaient définitivement une bonne nouvelle – si l’on ne bosse pas pour Spotify – et puis il y avait aussi l’article du Wall Street Journal. Le Wall Street Journal, vous vous souvenez ? C’est LE JOURNAL financier américain le plus célèbre, celui qui SAIT avant tout le monde et celui qui est mieux informé que Biden. Ce qui d’ailleurs, n’est pas très compliqué, puisque Biden ne sait même pas ce qu’il va dire dans les trois prochaines minutes si c’est pas écrit sur le papier devant lui.

À ce stade-là, je ne vais pas vous forcer à faire appel à votre mémoire, mais toujours est-il qu’il y a quelques mois, le Wall Street Journal nous avait habitué à publier des fake-news sur la Chine, des infos qu’ils avaient obtenues de la part de gens « proches des sujets », mais qui n’avaient pas trop le droit de parler parce qu’en fait leur job, c’était de la fermer. Et puis ces nouvelles avaient fait bouger les marchés parce que « FORCÉMENT », c’était quand même le Wall Street Journal. Et puis en fait c’était des conneries, mais comme c’était le Wall Street Journal, personne n’en a tenu rigueur. Bref, tout ça pour dire qu’hier le Wall Street Journal qui est « souvent bien informé » – (dixit la presse qui pense que le Wall Street Journal est bien informé) – a déclaré que selon des sources bien informées, la FED s’apprêterait à ne monter les taux « QUE » de 0.25% lors de son prochain meeting !!!!

C’est la fête au village pour un truc que tout le monde suppose depuis deux mois

Si vous remontez un peu plus haut dans cette chronique, vous verrez que j’ai écrit que : « 99% des « experts » s’attendaient à une hausse des taux de 0.25% le premier février et qu’ensuite, à la limite sur un coup de folie, on pourrait avoir encore une hausse de 0.25% quelque part avant l’été, mais qu’ensuite, ça serait fini et la FED aura gagné ». Mais là en fait, comme c’est le WALL STREET JOURNAL QUI L’A ÉCRIT, c’est quand même vachement mieux. Ensuite, à la suite de ce fabuleux article du Wall Street Journal qui ne manquera pas de ramasser le Pulitzer cette année, vous ajoutez l’excellente nouvelle des licenciements chez Spotify et vous aurez une tempête parfaite pour ceux qui s’amusaient à shorter la résistance des 4’000 sur le S&P500. Même si le journal américain a quand même enfoncé une toute grande porte ouverte.

Eh oui, vous l’aurez compris, nous avons TOTALEMENT oublié les mises en garde de la FED qui disait que si les marchés montaient trop vite, trop haut, ils se verraient obligés de continuer à nous en mettre plein la gueule au niveau des taux, parce que oui, lorsque les mecs font du pognon facile en bourse, ils se fichent pas mal de savoir que la douzaine d’œufs a pris 70% en 2022, ils achètent des œufs en cartons de 24 et rentrent à la maison pour se faire une omelette aux truffes tartinée de caviar. Mais pas du caviar russe, parce que c’est mal. On ne va donc pas gâcher notre plaisir et se contenter de surfer la vague des marchés qui montent, qui montent et qui montent encore. Et au passage, on va continuer de contempler les shorts qui se font massacrer sur les résistances.

Y a pas que les 4’000

Oui parce qu’il n’y a pas que les 4’000 sur le S&P qui sont en train de céder sous les coups de boutoirs des licenciements de chez Google et Spotify. Il y aussi le Nasdaq 100 qui s’envolait et cassait sa tendance descendante qui passait par les 11’750, le SOX qui reprenait près de 5% parce que comme la FED ne va bientôt plus monter les taux, la technologie redevient à la mode et comme la technologie est en train de virer des employés comme s’ils allaient tous être remplacés par de l’intelligence artificielle, ça fait baisser les coûts et c’est vraiment une trop belle opportunité pour les investisseurs.

Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

Bref, hier soir c’était génial. Génial de savoir que le Bear Market était fini, que les shorts et les bears allaient tous mourir dans d’atroces souffrances. Il y avait même un article dans le Barron’s qui calculait le prix moyen auquel les shorts allaient se faire défoncer sur Tesla. Ah oui, parce que vous n’êtes peut-être pas au courant, mais comme Musk a dit aux juges qu’il avait dit la vérité en déclarant qu’il voulait racheter sa société à 420$, cela a levé instantanément tous les doutes sur l’avenir de Tesla ; la concurrence, les voitures autonomes qui ne sont pas autonomes, les ventes en baisse, les soudaines baisses des prix et le fait que Musk s’occupe plus de Twitter que de Tesla. Tout est fini. On est reparti comme en quarante et le titre est déjà en hausse de 16%. On dirait presqu’il va faire de la concurrence à LVMH, mais comme ils ne vendent pas de sacs à main, ça ne risque rien.

En Asie

Vous l’aurez compris, ce matin nous sommes « au bonheur des Bulls » et tous les problèmes de 2022 se sont comme évaporés. Si ça se trouve, la Russie a fait la paix avec l’Ukraine sur les pistes de Courchevel et on ne le sait même pas encore. En Asie, Hong Kong et Shanghai sont fermés (toujours) pour cause de Nouvel An, mais les investisseurs se rabattent sur Tokyo qui est en train de s’envoler depuis que la BOJ n’a PAS MONTÉ les taux. L’indice est en hausse de plus de 6% depuis que la BOJ n’a rien fait et si les techs américaines et le Wall Street Journal continuent de booster le marché, ça va être de la folie à Tokyo. En tous les cas, ce qu’il faudra tout de même retenir, c’est que la plupart des objectifs de performance pour l’année 2023 seront bientôt atteint. Et tout ça, à la fin du mois de janvier.

Ensuite, de deux choses l’une. Soit on révise les objectifs à la hausse pour 2023, soit il va falloir trouver autre chose pour s’occuper jusqu’au 31 décembre, pas sûr que se faire la totalité des séries dispo sur Netflix suffise à meubler les 11 mois qui restent. Ce matin le pétrole est à 81.60$, l’or se traite à 1933$ et tout le monde se demande si le Bitcoin n’est pas en train de démarrer un nouveau Bull Market. J’ai peut-être un début d’élément de réponse : observez les commentaires des « grands » du monde de la finance : Roubini pense que le Bitcoin est une escroquerie, Dimon pense ça ne vaut pas la peine de s’y intéresser et que c’est de la daube et – encore cette nuit – Monsieur Krugman pense que le Bitcoin va disparaître parce que la réputation des cryptos a été détruite par les récentes affaires. Alors moi je dis que quand il y a autant de conviction de la part de ces gens-là, qui viennent nous étaler leur science alors qu’ils sont faux 9 fois sur 10, je dirais qu’il y a bien des chances que le Bitcoin prenne la direction inverse de leurs grandes prédictions… Je dis ça, je dis rien.

Nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on notera que Microsoft confirme son investissement de plusieurs milliards dans le nouveau site d’intelligence artificielle ChatGTP. Suis impatient de voir la version « skynet ». Et puis on parle des tanks allemands qui doivent être livrés à l’Ukraine, mais que ça traîne parce que les Allemands se font prier. Et puis il y a Apple qui devrait rediriger sa production d’iPhone en Inde – on devrait commencer par 25%. Mais pour être franc, il n’y a pas non plus des kilos de nouvelles à se mettre sous la dent et tout le monde se tape dans le dos parce que les taux ne vont plus monter. Enfin, qu’ils ne VONT BIENTÔT plus monter. Un jour.

Pour le reste, on va se concentrer sur les chiffres du trimestre encore et encore. Et il va commencer à y avoir du monde. GE, Johnson&Johson, Lockheed Martin, 3M, Raytheon, Halliburton, Verizon et Microsoft et Texas Instruments ce soir. Il y aura de quoi se chauffer. Et ensuite, on ne va pas relâcher la pression pendant deux semaines. Pour le moment, les futures ne font rien et coté chiffres économiques, nous aurons une avalanche de PMI’s et ENCORE UNE FOIS Madame Lagarde qui parlera. Je ne sais pas comment elle trouve toujours des nouveaux trucs à dire ou alors c’est juste pour se faire mousser en public.

En tous les cas, c’est tout pour aujourd’hui. Il faudra retenir que tout licenciement est une bonne nouvelle et que le Wall Street Journal dit toujours la vérité. Quand vous aurez intégré ça, plus rien ne peut vous arriver en finance. Passez une excellente journée et à demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

I find that the harder I work, the more luck I seem to have. -Thomas Jefferson