Les indices boursiers tiennent bien malgré le stress sur le système bancaire. Entre le 8 et le 15 mars, les clients des banques américaines ont retiré $100 milliards avec les faillites de Silicon Valley Bank et Signature Bank, rachetées par la suite.

Les autorités américaines et européennes affirment que le système bancaire est sain et résilient. Les grandes banques américaines confirment que les flux (dépôts) des banques régionales vers les grandes banques ralentissent. Les interventions des autorités et des grandes banques ($30 milliards de garanties pour First Republic Bank) fonctionnent.

Les indices américains sont dans une zone tampon entre le retour dans la tendance baissière de 2022 et le retour dans la tendance haussière (sortie du bear market).

2023.03.31.S&P 500
S&P 500

Les indices américains résistent grâce à la rotation sectorielle des secteurs cycliques et Value (banques) vers les Big Tech. Face au risque de récession et aux problèmes de liquidités, les investisseurs ont favorisé les Big Tech avec des modèles plus défensifs et surtout d’importantes liquidités dans leur bilan. Début janvier, nous recommandions d’acheter les Big Tech en raison de leur retard boursier par rapport au reste du marché. Aujourd’hui, leur solidité financière et leur caractéristique défensive nous incite à conserver ces valeurs, voire en racheter.

Deux positions s’affrontent : les stratégistes avec une vision bear, soutenue par la récession, des évaluations boursières excessives et une chute des profits plus forte qu’attendu, et celle des gérants de fonds, bull, soutenue par la fin de la hausse des taux d’intérêt, la décélération de l’inflation et la hausse des indices des surprises économiques. Nous adhérons à la deuxième position et restons sur notre pronostic d’une année 2023 positive.

Depuis le début de l’année, la surperformance des Big Tech est évidente. Pour le reste, la lecture est moins évidente: si le Value sous-performe le Croissance, le Cyclique surperforme le Défensif. Nous maintenons une allocation sectorielle entre les Big Tech et l’Industrie, liée à la réindustrialisation des pays occidentaux, la transition énergétique et la défense.

Le secteur pétrolier devient intéressant avec des positions futures spéculatives historiquement très basses; le niveau est celui de janvier 2016 lorsque le prix du Brent était à $26. Les prix ont reculé la semaine dernière avec les commentaires de la Secrétaire d’Etat américaine à l’énergie, Jennifer Granholm, signalant qu’il faudra des années pour reconstituer les réserves stratégiques américaines de pétrole, éloignant l’espoir des investisseurs d’une reconstitution prochaine. Il y a eu aussi les remarques d’un officiel du Parti communiste chinois disant que les fondations d’une reprise économique chinoise ne sont pas assez solides, que le risque de stagflation était réel et que les politiques monétaires restrictives des pays occidentaux mettaient à mal le système bancaire.

Le secteur Pharma pourrait être un gagnant de cet environnement, mais nous restons en Neutre. A partir de 2023, de nombreux brevets (en général d’une durée de 20 ans) de médicaments vont tomber dans le domaine public et voir arriver de nombreux produits biosimilaires. Ces prochaines années, les Big Pharma vont se voir amputer d’une (grande) partie de leurs revenus. En 2022, AbbVie a perdu le brevet de l’Humira, un médicament phare contre l’arthrite qui représentait $18 milliards de revenus par an ($200 milliards en 20 ans). L’expiration de brevets de certains médicaments blockbusters, 1 milliard de revenus et plus par an, va concerner Merck, Bristol Myers Squibb, Johnson & Johnson, Eli Lilly, Novartis ou Pfizer. Les observateurs du secteur appellent cette période des 6 prochaines années, «la falaise des brevets» avec une amputation de $180 milliards au cours de cette période. Aux Etats-Unis, la pression croît sur les Big Pharma. Eli Lilly a décidé de réduire de 70% le prix de ses insulines (diabète) dès l’automne 2023. Le Danois Novo Nordisk a suivi en annonçant une baisse du prix de ses insulines de 75% aux Etats-Unis dès janvier 2024. Depuis plusieurs années, le secteur est au centre d’un vif débat sur le coût des médicaments. Alors que le pays affiche les prix de vente parmi les plus élevés du monde, ce qui en fait le marché privilégié des «Big Pharma» dans leurs stratégies de croissance, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dénoncer une surenchère qui laisse des millions de citoyens dans l’incapacité de se soigner correctement. L’étau s’est brutalement resserré autour des laboratoires en août 2022, lors de la promulgation de la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act). Cette dernière a notamment doté le programme Medicare d’un pouvoir inédit de négociation des prix sur les médicaments sur ordonnance les plus coûteux. Une claque pour les industriels pharmaceutiques. Cette loi pour Medicare n’entrera en vigueur qu’en 2026 et concernera seulement dix médicaments (60 prévus en 2029) la première année. Elle ne profitera en outre qu’aux 64 millions d’inscrits à Medicare. Mais cela représente une perte de profits non négligeable pour les laboratoires. Surtout, elle constitue une première brèche pour imposer des baisses de prix dans la carapace d’un secteur réputé inexpugnable. Une autre disposition de la loi, effective dès 2023, obligera les laboratoires à reverser une partie de leurs profits en cas d’augmentations des prix des médicaments supérieures au taux d’inflation. Certains laboratoires ont menacé d’arrêter certains programmes à cause de la nouvelle loi.

 

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