« Si j’aurais su, j’aurais pas v’nu ». C’est ainsi que l’on pouvait résumer la séance d’hier. On ne va pas se mentir, ça n’était pas la journée des grandes manœuvres, puisque tout le monde attend de voir ce que Powell va dire dès cette après-midi lors de sa rencontre face au Congrès et si vous n’avez pas le temps de lire ou d’écouter cette chronique, je crois que vous savez déjà tout et que le reste ne sera que du remplissage. Néanmoins, remplissons…

L’Audio du 7 mars 2023

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Point de situation

Le rendement du 2 ans américain frise les 5%. Les chiffres économiques nous disent que l’économie va bien. Va trop bien même. Les licenciements se poursuivent et les chiffres des chômeurs de la tech donnent le tournis, mais n’ont, semble-t-il, aucun impact sur l’économie. C’est comme si les gens qui se faisaient licencier touchaient des packages tellement énormes que la première chose qu’ils font ; c’est claquer du pognon pour leurs loisirs. La FED se retrouve donc dans une situation fort désagréable qui doit les énerver un poil.

Oui, parce que si l’économie et l’emploi sont solides comme une étagère « kallax » de chez Ikea, il se trouve que l’inflation est pas mal non plus. Et ça sera donc l’enjeu de la semaine. Techniquement les marchés ont parfaitement négocié la semaine dernière et se sont arrêtés sur les supports qu’il fallait tenir et sont repartis à la hausse comme un seul homme. Le CAC40 a même touché les 7’400 – ce qui constitue un plus haut historique. Et ceci, pendant que leur clown de Président fait la fête en boîte de nuit en plein milieu de l’Afrique – oui, je sais, ça n’a rien à voir. Mais c’était pour le placer et pour dire que plus rien n’est faible, même si les chiffres de l’inflation de la semaine dernière auraient pu faire peur au « Bull » le plus obstiné en temps normal. Sauf que nous ne sommes pas en « temps normal ». Nous sommes en « temps pas normal ».

Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle

Donc, les marchés sont résilients. C’est le nouveau mot à la mode. Nous sommes dans un bull market au milieu d’un bear market – c’est pas moi qui le dit, c’est le stratège de chez Morgan Stanley – et les bourses mondiales sont résilientes, sauf le CAC40 qui est plus résilient que les autres. Selon le Larousse, résilient ça veut dire : « Capacité d’un individu à supporter psychiquement les épreuves de la vie. Capacité qui lui permet de rebondir, de prendre un nouveau départ après un traumatisme ».

Et en effet, lorsque l’on voit les claques que les bourses se sont prises par les chiffres que l’on qualifie d’inflationnistes, on peut dire qu’elles sont résilientes. En revanche, ce que le Larousse ne dit pas, c’est la durée pendant laquelle on peut être résilient. Non, parce que j’ai bien compris le concept de « lorsqu’on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche », mais une fois que tu as tendu la droite, puis la gauche. À la limite tu veux bien retendre encore une fois les deux joues afin de montrer ta capacité de résilience, mais au bout d’une moment, tout le monde va bien finir par craquer.

Donc, POWELL

Du coup, depuis hier matin, Jerome Powell est très attendu pour son témoignage devant le Congrès. Cela fait maintenant très exactement 28 jours que Powell n’est plus réapparu devant les médias. On ne sait pas exactement où il était passé, peut-être en Afrique avec Macron pour sauver les forêts gabonaises, mais en tous les cas personne ne l’a vu dans les rues de Washington. Powell c’est une peu comme un super-héros, on n’a jamais vu Peter Parker quand Spiderman est là et Clark Kent n’est jamais au même endroit que Superman, en ce qui concerne Powell, on ne sait pas qui est la personne qui est le type normal qui enfile le costume une fois par mois pour dire aux investisseurs ce qu’il va faire pour sauver le monde contre les forces du mal de la planète INFLATION.

Tout ça pour vous dire que tout à l’heure, le monde merveilleux de la finance tout entier sera assis devant leurs écrans pour attendre la bonne parole de Jerome Powell devant le Congrès. La question que tout le monde se pose, c’est de savoir s’il va être un peu hawkish – c’est-à-dire comme d’habitude, ou si son ton hawkish sera plus hawkish que le ton hawkish modéré lors de son dernier speech à propos de son combat contre l’inflation. Si le ton est un peu hawkish, comme la dernière fois, on pourra traduire ça par « encore trois hausse de taux et ensuite ça sera plateau, récession et baisse des taux pour dans un an », ce qui devrait nous permettre de monter encore, puisque c’est dans les prix. Ou alors, est-ce que le ton sera plus hawkish que le ton hawkish de Bostic la semaine dernière et alors là on va se dire que Powell va sortir son sabre laser anti-inflation et va tenter de pourfendre l’inflation à coup de hausse de taux de 0.5%. Et qu’il va commencer le 22 mars lors du prochain meeting.

En résumé

Pour faire simple, en fonction du ton de Powell, on saura si l’on peut espérer se détendre et continuer à surfer sur la douce houle d’un gentil Bull Market ou est-ce que soudainement tout sera remis en question et que les gourous de la finance de Wall Street qui passent leur temps sur CNBC pour annoncer la fin du rebond et la claque finale sur les indices boursiers et sur la techno en particulier, aurons finalement raison.

On ne va donc pas se mentir, hier on aurait fermé les places boursières en attendant le témoignage de Powell, ça n’aurait pas changé la face du monde. D’ailleurs je pense même qu’hier, j’aurais mieux fait de rester au lit. On verra si j’ai eu raison de me lever ce matin plus tard dans la journée. Encore une fois, c’est l’interprétation des mots et les tics de langage qui vont nous montrer le chemin et dessiner le contour des intentions de Powell. Actuellement, 69% des « experts » s’attendent à une hausse de 0.25% lors du prochain meeting et les 30% qui restent pensent que ça sera 0.5%. Le 1% c’est ceux qui ne savaient pas de quoi on parlait pendant le sondage. Je pense qu’à la place de brasser un peu plus d’air que je n’ai déjà brassé ce matin, nous allons attendre tout à l’heure pour en tirer des conclusions. Ou pas.

L’Asie en mode starting-block

Pour le moment l’Asie fait comme le reste du monde : elle attend. Le Hang Seng prend 0.9% et les autres indices ne font pas grand-chose. On sent qu’ils sont « prêts à y aller », mais en même temps ils viennent de se souvenir que quand Powell parlera, ils seront déjà en train de regarder les infos à la télé et que leurs marchés seront fermés. Il ne restera donc plus qu’à attendre demain pour agir.

En attendant, le baril continue de monter et personne n’en parle. Le WTI vient de passer par-dessus les 80$ et en cas d’accélération à la hausse, je me demande combien de temps il faudra pour que l’on prenne conscience qu’un baril à 89$, c’est moyennement cool comme moyen de lutte contre l’inflation. Et c’est pas parce que Tesla baisse les prix que ça va compenser. Du côté de l’or, on est à 1852$ et le Bitcoin se traite à 22’450$ et des poussières de crypto.

Nouvelles du jour

On notera que Goldman Sachs est chaud bouillant sur Apple depuis 2 jours et ils pensent que le titre va prendre 32% d’ici fin 2024. Ça laisse du temps pour y penser et d’ici-là le titre à temps de se mettre au yoga et passer par tous les états psychologiques. Crédit Suisse est méga-bull sur Microsoft à cause de ChatGPT qui va rapporter des milliards. Et on sait que quand le Crédit Suisse dit… c’est pas toujours certain que ça fonctionne. Autrement le stratège de Morgan Stanley qui pensait que l’on allait perdre 26% sur le S&P500 et que nous étions dans un rebond dans un Bear Market… Ben, il le pense toujours et que même si ça monte, il fera plus de fric à la baisse après. Il y a aussi Gene Munster – un vétéran de l’investissement dans la technologie – qui pense que le discours de Powell va déclencher un sell-off sur le secteur techno.

Et puis, pendant ce temps, Paul Krugman pense que l’on sous-estime la volonté de la FED à vouloir mettre l’inflation à terre et que les prochains mois pourraient être difficiles à digérer pour ceux qui restent convaincus que nous sommes dans un nouveau bull market. Pour terminer, selon Bloomberg, Meta serait sur le point d’annoncer une nouvelle vague de licenciements. Après avoir viré 11’000 personnes en novembre – soit 13% de ses employés – Zuckerberg serait sur le point d’en remettre une couche.

Côté chiffres

En ce qui concerne les chiffres du jour, il y aura le chômage en Suisse, les factory orders en Allemagne, le Redbook aux States et le discours de Thomas Jordan, patron de la BNS. Sauf que comme Powell va parler à 16h00, heure de la Chaux-de-Fonds, le discours de Jordan passera inaperçu, à moins qu’il remette le plancher euro-suisse en place.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.20% et on dirait que les traders parient sur le fait qu’il va être gentil monsieur Powell. En ce qui me concerne, je vais aller m’envoyer mon douzième café en attendant que les choses bougent un peu ! Passez une excellente journée et amusez-vous bien à trouver le mot caché dans le speech de Powell tout à l’heure !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Your worth consists in what you are and not in what you have.”

– Thomas Edison