Ça n’est probablement pas la première fois que je le dis, mais c’est absolument phénoménal, la capacité que nous avons à nous concentrer uniquement sur ce qui nous intéresse et à oublier TOTALEMENT ce qui se passe ailleurs. Surtout si ça n’est pas une bonne nouvelle. Si l’on devait résumer la séance d’hier, on pourrait dire que META aura été le moteur de la croissance des indices américains qui ont vécu leur MEILLEURE JOURNÉE depuis le début de l’année. Le jour où on t’annonce que le PIB du pays est en ralentissement et NETTEMENT en-dessous des attentes, on se concentre UNIQUEMENT sur la boîte sur laquelle tout le monde a passé son temps à vomir dessus depuis 12 mois.

L’Audio du 28 avril 2023

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Croissance, mais pas partout

On ne va donc pas revenir éternellement sur le sujet, mais les chiffres de META ont fait plaisir aux analystes, aux marchés, aux investisseurs et à tous ceux qui ont un compte Facebook. Le titre a explosé de près de 14%. Mark Zuckerberg est 11 milliards plus riche sur le papier et l’ensemble des marchés a trouvé la bonne excuse pour tout racheter, spécifiquement ce qui se rapprochait à la tech de près ou de loin. Il y a 36 heures on balisait comme de fous sur le sujet de First Republic et l’on agitait le fantôme d’un aftershock de la crise des banques et en l’espace de quelques heures nous auront été capables de faire exploser le Nasdaq de 2.43%, de faire remonter le S&P500 à quelques encablures du NOUVEAU BULL MARKET et le Dow Jones a pris plus de 500 points.

Tout ça parce que Zuckerberg a viré 25’000 personnes, réduit ses coûts et rendu l’ambiance de travail plus respirable chez Facebook. Selon lui. Pendant la journée, on nous a quand même publié le PIB américain, mais ça nous presque autant intéressé que les élections du Grand Conseil à Genève (surtout au lendemain du sacre du GSHC… qui peut penser à voter). Tout ça pour dire que le PIB US est sorti à 1.1% alors que les économistes tablaient sur du 1.9%. Sans compter que dans le package offert par le gouvernement, on s’est aussi rendu à l’évidence : les prix sont en train de monter. Vous avez donc une économie qui est clairement en train de ralentir, une inflation qui ne baisse plus vraiment et la FED qui doit trouver la formule magique la semaine prochaine. Trouver la formule pour continuer à monter les taux pour freiner l’inflation et le tout, sans ralentir l’économie plus qu’elle ne ralenti déjà. Mais nous, les investisseurs, les traders et les vils spéculateurs, on préfère TOUT METTRE sur le noir et s’extasier devant les chiffres de META, parce que les résultats ils sont vraiment trop trop solides et Zuckerberg il est beau et le business model est génial et en plus il va mettre de l’Intelligence Artificielle dedans.

Bref, hier on a explosé parce que le PIB de Mark Zuckerberg est bien plus important que le PIB des USA. Après tout, on passe plus de temps sur Facebook que dans la vraie vie.

Mort aux ours

Il est vrai que lorsque l’on regarde nos écrans en ce vendredi matin et en supposant qu’hier soir nous n’avions pas suivi la clôture en direct parce que nous avions mieux à faire. Il est relativement surprenant de voir la violence de la hausse après n’avoir rien foutu depuis des semaines. Au premier regard, on pourrait se dire : « il s’est passé un gros truc ». Je ne sais pas moi, Powell a laissé fuiter le fait qu’il allait pivoter. Mais même pas au contraire. On a même réussi à trouver une vieille vidéo de lui qui s’est fait piéger par des comiques russes qui se sont fait passer pour le Dieu Ukrainien, Volodymyr et qui ont réussi à lui faire dire que la croissance était molle et que les taux allaient monter encore. Bon, on ne sait pas d’où sort cette vidéo, ni de quand elle date et dans quel contexte Powell a trouvé nécessaire de donner son avis sur la stratégie de la banque centrale américaine à un mec qui a pour tout CV, d’avoir fait du stand-up.

Mais peu importe, hier les marchés ont explosé à cause que « la tech c’est super et META c’est trop génial ». Pas le moindre stress sur le PIB, pas le moindre doute quand on voit que le CDS des bons du trésor ne fait que monter verticalement et que l’on n’a jamais été aussi près de faire péter le plafond de la dette et de voir les Américains partir en défaut de paiement. Pas la moindre inquiétude non plus lorsque l’on voit que les dettes cumulées sur les cartes des crédit des Américains viennent de passer la barre des 1’000 milliards de dollars et que le taux moyen appliqué sur ce montant est de 24% – ça n’est visiblement qu’un détail pour le monde merveilleux de l’investissement qui est quand même bien plus préoccupé par la performance présente et future de META. Un analyste qui travaille pour la dernière grande banque suisse qu’il nous reste a même déclaré que META était dorénavant un « top pick » dans leur stratégie et que le potentiel de hausse était de 20% sur les 12 prochains mois. Ça tombe bien, le titre a déjà pris 14% hier soir. Si jamais, ça serait pas mal si le type pouvait publier ses analyses la veille. On gagnerait du temps.

Mono-produit

Tout ça pour dire que parfois je me demande comment on fait pour traiter avec des œillères pareilles… Nous sommes donc à 6 jours de l’annonce de la FED. La hausse de 25 bp est acquise, mais on ne sait absolument pas ce qu’ils vont nous sortir de plus. À voir comment ça traitait hier, on peut largement supposer que Powell va annoncer que dorénavant il se sent plus colombe que faucon et qu’il est à nouveau notre ami. Mais pour être franc, lorsque l’on voit les chiffres qui tombent régulièrement et la direction que prend l’économie, j’ai un peu l’impression que l’on a pris un peu trop de LSD et que nous ne sommes pas encore redescendus.

Il est vrai que, comme dans toute situation, il faut regarder les choses avec des points de vue différents. Certains vous diront que dans les chiffres du PIB publiés hier, il ne faut pas oublier de voir que la consommation reste forte et que même si ça ne fait pas baisser l’inflation, ça reste quand même une preuve que le consommateur est encore vivant et qu’il consomme de manière fort désordonnée. Avec 24% de taux débiteur sur sa carte de crédit, mais il consomme. Qu’est-ce qui pourrait bien aller de travers. Allez, je vais me faire un petit tour sur Facebook pour me remonter le moral.

En Asie

Ce matin les indices asiatiques saluent la performance de leurs cousins américains. Tokyo avance de 0.5% malgré des chiffres de l’inflation au plus haut depuis 40 ans – ce qui laisse supposer que la BOJ va devoir resserrer les boulons. Et puis, la Chine et Hong Kong avancent tous les deux de 0.7%.

Le pétrole est toujours en train de se balader sous les 75$, l’or est revenu sous les 2’000$ et le Bitcoin s’approche à nouveau des 30’000$, il traite à 29’350$.

Nouvelles du jour

Pour ce qui est des news du jour, il y avait pas mal de monde au balcon hier soir after close et il faut reconnaître que l’on ne s’est pas ennuyé une seconde. Tout d’abord il y a eu Intel qui a publié une perte moins énorme que prévu et dans ce sens-là, on va dire qu’ils ont battu les attentes. Le géant des semiconducteurs a tout de même précisé que le business n’était pas simple parce que les ventes de PC étaient en chute libre. Le titre parvenait néanmoins à grapiller quelques cents pour s’échanger en hausse de 5% tard dans la nuit. Et puis il y avait Amazon. Alors pour résumer ce qui s’est passé sur AMAZON hier soir, je vous suggère d’aller au casino de lancer les dés en l’air et de parier sur n’importe quoi, votre stratégie devrait être bien plus rationnelle que ce qui s’est passé sur le titre hier soir.

Je ne vais pas vous prendre la tête avec les chiffres de la société de Bezos, mais disons qu’Amazon a explosé dès la clôture du marché et après qu’ils aient annoncé leur plus grand bénéfice trimestriel depuis 2021. Génial, non ? Le titre a pris 10% sur la nouvelle et l’augmentation de capitalisation se montait à 120 milliards. Sauf que, dans la foulée, le CFO a déclaré que les revenus du CLOUD étaient actuellement en ralentissement. Ah. Moins génial alors. Le titre a donc reperdu tous ses gains pour terminer en baisse de 2% effaçant du même coup 140 milliards de capitalisation. Si vous arrivez à me dire que l’on ne vit pas dans au milieu d’un gigantesque cirque qui est en plein délire, je dois dire que vous êtes très forts. Et puis Amazon n’étaient pas les pires de la soirée, parce qu’hier c’est surtout après la clôture que l’on a commencé rire.

Nouveau filtre chez SNAP

Tout d’abord c’est avec SNAP que l’on a commencé à s’amuser. Après le grand-huit offert par AMAZON, nous avons eu droit à SNAP qui a publié un nouveau « filtre » sur son application. Celui-là ne vous fait pas ressembler à une influenceuse qui vit à Dubaï, ne vous fait pas pousser un nez cochon et des oreilles de lapin ou ne vous transforme pas en « Shrek ». Non, le dernier filtre en date de chez SNAP c’est un filtre que vous pouvez appliquer sur vos actions SNAP et le filtre fera disparaître toute la valeur de vos actions. Hier soir ils annoncé une chute de leurs revenus pour une obscure histoire de changement dans leur plateforme de publicité. Selon la société, les ventes au premier trimestre ont été « perturbée » par les changements que Snap a apportés à sa plateforme publicitaire afin d’augmenter le nombre de conversions par clic. Mais ils sont optimistes pour l’avenir. Sauf que tout le monde se fout pas mal de leurs promesses et le titre s’est fait massacrer de plus de 20%. Encore un joli trimestre pour Snap.

Et puis c’est pas tout, il y a Cloudflare qui a annoncé un ralentissement du business, le titre plongeait de 25% dans la foulée. Sans parler de Pinterest qui a publié de bons chiffres mais des perspectives merdiques. Ils ont plongé de 13% pour fêter les bons chiffres. Mais après cette soirée épique, que l’on se rassure. Mark Zuckerberg est plus riche de 11 milliards et META, C’EST TROP COOL COMME BOÎTE !!!

Chiffres du jour

Pour les chiffres du jour, nous aurons le PCE qui sera très regardé – enfin si on arrive à ne plus penser à META, puis il y aura aussi le Chicago PMI et la confiance du consommateur version Michigan. En Europe il y aura le PIB en Europe et en France, puis le CPI en France et en Allemagne. Du côté des chiffres trimestriels, vu que nous sommes vendredi, ça sera plus calme. Il y aura néanmoins Exxon et Chevron qui publieront avant l’ouverture.

À l’heure actuelle, les futures sont en baisse de 0.10% et tout semble aller pour le mieux alors que l’on aime se consacrer uniquement à ce qui va bien. Il me reste à vous souhaiter un très bon long week-end du premier mai. Et on se revoit mardi prochain pour parler FED et chiffres d’Apple.

Excellent week-end.

Thomas Veillet
Investir.ch

If you really look closely, most overnight successes took a long time. -Steve Jobs