Rarement, lors de ces 30 dernières années, j’ai trouvé que le marché était aussi près du règne animal. Les ours sont encore en hibernation et cherchent le moyen de revenir au premier plan, on sent que le camp des bulls est fatigué et que s’il ne se passe pas quelque chose de positif ces prochains temps, ça va se compliquer et maintenant on commence à parler d’un « cygne noir » qui pourrait décider de l’avenir des marchés. La particularité d’un « cygne noir », c’est que l’on ne sait pas vraiment ce que cela peut être, mais on sait que ça ne va pas plaire. Hier, les marchés étaient dans le rouge mais la conviction est faible, quant à la Volatilité, elle démontre l’absence totale de peur.

L’Audio du 21 avril 2023

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Le doute et les interrogations

Si l’on fait le tour de la séance d’hier, au-delà des informations de base – comme le fait que Telsa ait foiré son trimestre et que la pression sur les marges a contaminé tout le secteur automobile, que AT&T a déçu les analystes avec son pire « free-cash-flow » depuis bien longtemps, ce qui a entrainé une chute vertigineuse de 10%, une explosion du rendement du dividende, dividende dont on n’est pas certain de voir la couleur un jour, au-delà de ce genre de nouvelles – il est intéressant de voir que les questions deviennent légions et que pas mal d’intervenants sont en train de se demander ce que pourrait bien être la suite des évènements. On parle d’inflation qui colle au doigts, de résistances que l’on ne parvient pas à franchir, de cycle de hausse des taux qui est presque terminé, mais de cycle de baisse des taux qui est loin d’être enclenché.

On parle aussi d’une immense complaisance des investisseurs vis-à-vis des marchés lorsque l’on voit le niveau de la volatilité et du fait que s’il y a une mauvaise nouvelle qui nous tombe dessus par surprise, il n’y aura pas non plus 250 endroits pour aller se planquer, puisque tout semble suracheté. Ou alors il faut acheter du luxe puisque même après 210% de hausse depuis la crise du COVID, tout le monde pense que c’est le meilleur endroit pour aller se planquer. À moins que ce soit le dernier truc qui tombera le jour où la musique s’arrêtera.

Et ça n’est pas tout

Et puis ça n’est pas terminé, parce que le marché immobilier américain continue de montrer des signes de faiblesse. Les chiffres des « ventes de maisons existantes » ont chuté de 1%, ça peut paraître rien du tout, mais c’est le pire chiffre mensuel depuis près de 10 ans. Si vous ajoutez à cela, le nombre de repossession et le retour du terme « foreclosure » dans les chroniques économiques, je ne sais pas combien de temps il nous faudra encore pour prendre conscience qu’il y a truc de pourri et qu’à moins d’un miracle, il ne faut pas non plus s’attendre à un retournement de folie. Surtout avec des taux hypothécaires qui sont à plus de 6% sur 30 ans.

Oui, je sais ; on dirait que je suis bearish. Franchement, je n’en sais rien. Mais je cherche la bonne nouvelle au milieu de tout cela et c’est pas que c’est un job facile. Les seules bonnes nouvelles que l’on trouve actuellement, c’est dans les publications trimestrielles parce que soudainement – un chiffre ou deux est « moins pires » que les attentes – mais comme cela est principalement dû au fait que les attentes sont tellement basses, il n’y pas non plus de raison d’étaler du caviar sur le tapis du salon et de se rouler dedans juste pour le fun – mais autrement, vous avouerez que lorsque l’on regarde les nouvelles dans les médias ou pire ; le soir à la télé, ça ne donne pas envie de croire que l’on va soudainement avoir une super-surprise à la hausse. En revanche, là tout de suite, j’ai une bonne demi-douzaine de « cygnes noirs » qui pourraient facilement nous tomber sur la gueule d’une minute à l’autre.

La pensée positive

Mais passons. Passons au-dessus de toutes ces considérations négatives et concentrons-nous sur les faits. Hier l’ensemble des marchés ont terminé dans le rouge. Les raisons sont multiples et variées, cependant, si vous cherchez un peu, vous verrez que les « gens » se demandent encore si la prochaine hausse des taux agendée par la FED au mois de mai sera la dernière ou s’il faudra encore pousser un peu plus haut. Aux derniers sondages, plus de 85% des « experts » interrogés pensent que la FED va monter les taux de 0.25%. En revanche, hier les doutes se portaient sur : « et qu’est-ce qu’on fait APRÈS ??? ». La FED va-t-elle être très explicite sur la suite ? Va-t-elle nous annoncer un pivot pour de vrai ? Ou va-t-elle rester très mystérieuse pour ses projets du reste de l’années ? Et puis… je vous parle du plafond de la dette ou pas ??? Non, allez je ne dis rien ce matin, ça reviendra tout seul.

Pour être franc avec vous, on aimerait quand même bien que l’ordre de marche à suivre soit très clair. Toute indication foireuse ou mal exprimée pourrait avoir des conséquences sur le psyché des investisseurs. Hier, pendant que l’on se posait des questions sur l’avenir des taux pour la 987ème fois depuis le début du mois d’avril, les investisseurs se sont donc concentrés sur les chiffres de Tesla. La boîte à Musk étant tout de même la plus grosse capitalisation du secteur automobile, les mauvais chiffres annoncés hier, les baisses de marges et la baisse des prix annoncée par la marque, a poussé les gens à se dire :

« Mais si Tesla est vraiment une marque de voiture et qu’ils ont les marges qui baissent, ça n’augure rien de bon sur le secteur !!! »

À votre bon cœur M’sieur, Dames

Et tout le monde a vendu le secteur sans faire de prisonnier – avec une préférence pour les marques qui ont vraiment des voitures électriques dans leur gamme. Par exemple, Ferrari qui n’est pas encore passé au 100% électrique, n’a baissé que de 1.1%. En revanche, Porsche qui persiste à vouloir vendre sa Taycan qui passe plus de temps au garage que sur la route, eux ont perdu près de 3%. Bref, la réflexion était simple : « t’es une marque de voiture, tu vends des voitures électriques, Telsa baisse ses prix, tu vas devoir le faire aussi, Telsa voit ses marges se faire défoncer la tronche, tu vas voir les tiennes, ça va faire pareil ! »

Ce qui est tout de même assez drôle, c’est que depuis des années on nous explique que la survalorisation massive de Tesla par rapport aux autre marques de voitures réside dans le fait que Tesla N’EST PAS UN VRAI CONSTRUCTEUR AUTOMOBILE parce qu’ils font plein de trucs à côté (bon, des trucs à côté qui ne rapportent rien pour le moment, mais dans 25 ans ça va rigoler) – mais par contre, là tout d’un coup, depuis hier les analystes commencent à dire que Tesla c’est un vrai constructeur automobiles, donc si ça va mal, faut tirer sur tous les autres. Les autres qui ont des valorisations à peu 1’000% en-dessous de Tesla. Mais bon, c’est comme ça. Et en plus hier, Musk – entre deux fusées qui explosent au décollage – a encore eu le temps d’expliquer qu’il était prêt à vendre ses voitures à prix coûtant et qu’il fera du fric plus tard, avec les ventes de son software pour les voitures autonomes – oui, il persiste – donc du coup, si j’ai bien tout compris, Tesla c’est plus vraiment des voitures, c’est aussi une boîte de software ? Bon, bah dans le doute je vais vendre Volkswagen.

Le luxe de ne rien faire

Tout ça pour dire qu’hier le CAC40 a enfin terminé en baisse, mais que LVMH et Hermès sont quand même au plus haut de tous les temps. Hier aux USA, on vendait plus la techno que les valeurs défensives et quand je regarde l’indice des semiconducteurs, je me dis que si l’on part sur le principe que ce truc est un indicateur avancé, je commence à avoir un peu peur. Ça serait quand même bien qu’on tente un rebond. La transition est donc toute trouvée : hier Taïwan Semi’s a publié des chiffres meilleurs que les attentes, mais ça n’était quand même pas simple pour le secteur, puisqu’en même temps, on a eu droit à Madame Yellen qui a soutenu Biden dans son interdiction de collaborer avec la Chine sur certains produits du secteur. Ce qui a impacté des boîtes comme Nvidia et Intel. Comme quoi, même depuis l’EMS de la Maison Blanche, ils ont encore de l’impact sur les marchés.

Ce matin l’Asie est dans le rouge également : le Japon recule de 0.07%, Hong Kong abandonne 0.8% et la Chine baisse de 1.1%. Le pétrole continue de s’enfoncer alors qu’il n’était qu’un « coup sûr » qui devait aller à 100 il y a encore deux semaines, là tout de suite, il est à 77.30$. Pendant ce temps, l’or est à 2012$ et le Bitcoin est à 28’300$.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on commence avec Madame Yellen encore et encore. La Secrétaire du Trésor a prévenu que le découplage des États-Unis avec la Chine serait « désastreux » – s’il se produisait. Elle appelle à des relations économiques « constructives et équitables alors que Washington s’efforce de réparer des liens distendus ». Et aller chercher les Chinois en se baladant avec des navires de guerre entre la Chine et Taïwan, doit probablement faire partie du processus d’apaisement. Si ça se trouve, les USA se donnent 100 jours pour retrouver une relation normale avec la Chine. Comme le Roi de France.

Pour le reste, c’est assez mince. On a Biden qui devrait annoncer sa candidature aux élections présidentielles d’ici la semaine prochaine. À moins qu’il ne se décompose d’ici 2024. Il y a également El-Erian qui s’inquiète de la capacité de la FED à pouvoir vaincre l’inflation et Roubini qui pense que la guerre froide qui est en train de faire rage entre la Chine et les USA actuellement, pourrait ralentir l’économie. Alors lui, il est tellement désespéré comme BEAR qu’il est à la recherche de tout ce qui peut lui tomber sous la main pour déclencher un sell-off. Dans trois semaines il devrait annoncer que le nombre de canards né à Central Park ce printemps, n’est pas suffisant pour la continuité du Bull Market. On notera aussi que Madame Loretta Mester, de la FED de Cleveland, pense que les taux doivent aller au-dessus des 5% pour que l’inflation se calme et que les Jobless Claims d’hier étaient légèrement en-dessus des attentes – ce qui confirme un ralentissement économique – et le Philly Fed était plus faible également pour corroborer le tout.

Chiffres du jour

Côté chiffres économiques nous sommes vendredi. Pas le vendredi des Non Farm Payrolls, ni celui de la confiance du consommateur, il n’y aura donc que des PMI’s un peu partout et peu de publications trimestrielles. On observera Procter & Gamble ainsi que Freeport McMoran et ensuite, ça sera week-end !!!

Pour le moment, les futures sont en baisse de trois fois rien et on se pose toujours des montagnes de questions. Autant pour savoir si l’on doit acheter encore ou si tout est FINALEMENT aligné pour que ça baisse… Et la volatilité est toujours à 17. Pour le reste ; je vous souhaite une très belle journée et un excellent week-end !

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« I actually don’t like thinking. I think people think I like to think a lot. And I don’t. I do not like to think at all. »

Kanye West