Je ne sais pas si vous êtes venu au bureau hier. Moi j’ai renoncé à la mi-journée. Ce lundi 17 avril aura fait partie des journées qui ne servent à rien et qui donnent l’impression qu’on est venu bosser pour faire plaisir à tout le monde alors qu’en fait personne n’en a rien à faire de ce qui se passe dans les marchés, puisque là tout de suite, mis à part se poser les mêmes questions encore et encore, il faut dire que l’on a surtout passé notre temps à brasser de l’air en attendant des vrais chiffres et des vrais discours de la part des vrais mecs de la FED qui sont venus chauffer la salle avant le FOMC Meeting du mois de mai.

L’Audio du 18 avril 2023

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Pas beaucoup plus avancé hier soir qu’hier matin

En résumé, il y a toujours deux camps qui s’affrontent :

1) Ceux qui croient que chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus du sell-off final qui nous rapprochera un peu plus de la récession. Ce groupe est probablement majoritaire et déprimé, parce que faux depuis des mois.
2) Et le camp de ceux qui pensent que plus rien ne peut arrêter les marchés parce que l’inflation est vaincue et que les taux vont finir par baisser et qu’en plus la récession ; on s’en fout parce que statistiquement, on sait que dans l’histoire fabuleuse des marchés boursiers nous avons déjà vécu une période où les marchés sont montés malgré la récession. Bon, d’accord, ça ne s’est produit qu’une fois et c’était au lendemain de la guerre 39-45, mais on se raccroche à ce que l’on peut.

La journée d’hier se sera donc déroulée assez tranquillement puisque tout le monde est dans l’attente de la confirmation de leurs stratégies de base qui a été établie pour les 12 prochaines minutes. En Europe, les indices ont terminé la journée légèrement en baisse et aux USA, c’était légèrement en hausse. On a donc passé le plus clair de la journée à se regarder en chiens de faïence en se demandant ce qui pourrait bien rendre la séance intéressante, tout en se projetant déjà dans le futur avec prudence puisque la liste de tout ce qui est susceptible de nous tomber sur la tête dans les prochains jours est énorme.

Les chiffres du trimestre

Ce lundi aura donc été un immense brassage d’air, un peu à l’image de l’intervention du locataire de l’Élysée qui a pris soin d’exprimer son inutilité totale avec des mots soigneusement choisis par son community manager. Les intervenants ne se sont pas réellement concentrés sur l’instant présent – comme on leur avait pourtant bien expliqué dans les cours de méditation – mais ils auront au moins pris le temps de bien se préparer sur ce qui va arriver ce mardi et les jours suivants. Sur la séance d’hier, on retiendra que Charles Schwab a publié des chiffres qui étaient moins pires que prévus – bien que les retraits se soient montés à 11% des assets depuis le début de la crise. Le titre ne s’en sortait finalement pas si mal sur la séance d’hier. En revanche, chez State Street, ça n’a pas plu du tout aux intervenants qui ont déclenché un sell-off de plus de 11%.

On a aussi pris le temps de réfléchir aux chiffres qui sont déjà sortis depuis quelques jours, à savoir : les banques. Le bilan est donc clair et concis : les épargnants ont eu la trouille de leur vie avec l’effondrement de SVB, de Signature et du Crédit Suisse et tout le monde s’est rué sur les GROSSES BANQUES bien systémiques à souhait, histoire d’y retrouver un sentiment de sécurité. On en reparlera dans 10 ans, mais passons. Donc la séance d’hier n’aura fait que confirmer ce que l’on savait déjà. Mais du coup, on a quand même pris le temps d’extrapoler sur la suite. Non, parce que même si j’ai rapidement classé cette journée dans le dossier : « journées inutiles », je suis quand même tombé sur un article absolument mythique qui décortiquait déjà la saison des résultats en expliquant par A+B que ça pourrait bien être la MEILLEURE SAISON des trimestriels depuis 2012 parce que jusqu’à aujourd’hui 90% des sociétés qui ont publiés leurs chiffres ont fait mieux que les attentes et que ça, c’est VRAIMENT un super signe comme quoi tout va mieux et que tout va bien se passer.

Plus mieux bien parce que moins pire que plus pire

Il faut reconnaître que c’est tout de même intéressant d’entamer une analyse sur le sujet. Je serais psychologue, je dois admettre que je me plongerais bien dans le sujet. Mais je ne le suis pas. On ne va donc pas perdre plus de temps que nécessaire, puisque baser une stratégie saisonnière avec des élucubrations pareilles, me paraît tout de même un peu tendancieux. Néanmoins, si l’on fait abstraction des pourcentages qui ne veulent absolument rien à ce stade des publications – sachant qu’il y a à tout casser 20 sociétés qui ont publié à ce jour – on peut aussi se demander si cette saison des trimestriels ne sera pas complètement biaisée par le fait que tout le monde a le trouillomètre à zéro et que l’on n’ose même pas attendre une bonne nouvelle, compte tenu de la situation.

Je m’explique : on sait que la situation économique n’est pas des plus roses, surtout si l’on tient compte du fait que les taux ont pris l’ascenseur à une vitesse assez élevée. Depuis le début du cycle de hausse des taux, l’ensemble les analystes ont été soigneusement coachés par les sociétés pour ne pas qu’ils s’attendent à des miracles. Tout spécialement ce premier trimestre 2023. On s’est donc fixé des objectifs qui sont tellement bas que même le Crédit Suisse pourrait battre les attentes. Enfin, s’ils n’avaient pas été vendus de force à l’UBS par les génies bernois de la finance. Du coup, lorsque vous avez des attentes de résultats trimestriels qui sont tellement basses, ça ne va pas être simple de décevoir.

CQFD

Ce qui fait que, finalement, cette saison des résultats pourrait ne pas être aussi mauvaise que ça ! En relatif, bien sûr. Puisque tout est une question d’attentes et de compétition. Imaginez que le record du monde du 100m est à 59 secondes et 2 dixièmes, cela ouvre tout de même de sacré perspectives. Eh bien les chiffres du premier trimestre 2023, c’est pareil ; on attend tellement de la merde que la surprise pourrait finalement être bonne. Ça ne veut pas dire qu’en comparaison du premier trimestre 2022, ça n’est pas minable. Mais nous, visiblement, on se contentera de battre les attentes de 2023 et de faire comme si on n’avait pas vu que sur 12 mois, c’est en chute libre.

Tout ça pour vous dire qu’hier on a brassé de l’air en attendant d’avoir un peu plus de trucs à se mettre sous la dent. Et on ne va pas être déçu dans les prochaines heures, puisqu’il y aura pléthore d’informations bien croustillantes à interpréter, à commencer par tout discours qui pourrait provenir d’un banquier central, un peu à l’image du directeur de la Fed de Richmond, Thomas Barkin, qui a déclaré hier qu’il souhaitait voir davantage de preuves que l’inflation se rapprochait de l’objectif de 2 % fixé par ses copains de la FED. On ne sait pas trop de quelles preuves il parle, mais c’est le genre de speech que l’on va surveiller. Et puis, aujourd’hui il y aura du lourd côté chiffres, puisque dès la fin de la matinée, nous aurons Johnson & Johnson, Bank of America, Goldman Sachs et Lockheed Martin. Puis after close, il y aura Netflix. Et Netflix, on adore parce qu’à chaque publication ils nous font un triple lutz avec salto arrière et on ne sait jamais comment ça se finit.

En Asie…

Selon les chiffres qui viennent de sortir ce matin, l’économie chinoise a progressé à un rythme plus rapide que prévu au premier trimestre, même si certains vents contraires liés au ralentissement mondial, laissent tout de même présager d’un avenir mouvementé. Le PIB chinois est donc en hausse de 4,5 % pour le premier trimestre ce qui est nettement plus fort que le trimestre précédent qui était à 2,9 %. Mais surtout, NETTEMENT au-dessus des attentes des analystes qui tablaient sur un 4%. L’impact est tout simplement phénoménal sur les bourses chinoises, puisque l’indice de référence local ne fait strictement RIEN et que Hong Kong est en baisse de 0.86%. Le Japon monte de 0.56%.

Du côté du baril, ça se calme un peu et le brut a buté sur les résistances offertes par la moyenne mobile des 200 jours. Le baril vaut 81.11$ et l’or est à 2011$. Du côté du Bitcoin, ça se traite à 29’480$.

Nouvelles du jour

Du côté des nouvelles du jour, on notera tout d’abord Google qui a tout de même perdu 55 milliards de capitalisation boursière en une séance, tout ça parce que Samsung va remplacer Google par Bing comme navigateur par défaut dans ses téléphones. Pas complètement certain que cela fasse dérailler Google, mais disons que certains experts ont déjà calculé la chose et que ça pourrait coûter 3 milliards de revenus par année. En plus, se faire remplacer par BING, c’est la honte, non ? Pourquoi pas Yahoo !??? Autrement, il y a Apple qui lance un compte épargne, si vous laissez du cash sur votre carte de crédit Apple, ils vous rémunèreront du 4.15%. Bon, par contre si vous utilisez votre crédit, vous risquez de le regretter. Puisque l’on parle de crédit, l’analyste de Morgan Stanley pense que l’on sous-estime le coût du crédit et du ralentissement que cela pourrait induire. Il parle de « credit crunch » et du fait que l’on pourrait bien rentrer dans une période où les banques vont tout faire pour ne plus prêter d’argent à qui que ce soit, tellement elles ont les jetons. Ça me rappelle la bonne vieille citation désuète sur les banques qui disait : « une banque, elle te prête un parapluie quand il fait beau et te le reprend quand il pleut ». Hhhmmm, pas si désuète que ça après tout.

Mis à part ça, au chapitre Elon Musk ; le lancement de son vaisseau spatial a été repoussé jusqu’à nouvel ordre. Une histoire de valve qui est gelée et qui ne veut pas s’ouvrir. Ça devrait largement occuper le terrain jusqu’aux chiffres de Tesla mercredi soir. Et puis, si ça ne suffit pas, Musk a déclaré que « son intelligence artificielle a lui sera plus intelligente que ChatGPT et qu’elle aura de la considération pour l’humanité et comme ça, elle ne voudra pas la détruire ». En fait, si j’ai bien compris, ChatGPT c’est Arnold Schwarzenegger dans Terminator et le ChatGPT de Musk, c’est Arnold Schwarzenegger dans Terminator, mais dans celui où il revient pour sauver John Connor et Sarah Connor et qu’il se bat contre le méchant t-1000 en métal liquide… Bref, heureusement qu’il y a Musk pour animer le début de la semaine.

Chiffres du jour

En plus des publications trimestrielles, en ce mardi nous aurons le ZEW en Allemagne et en Europe. Puis le trade balance en Europe, ainsi que le Redbook aux USA. Il y aura aussi deux banquiers centraux qui parleront. Je ne vous dirais pas leur nom, on en reparlera demain, histoire de voir si ça valait la peine de les écouter.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.05% et on attend que ça s’excite un peu. Je ne serais pas contre un peu d’action, sans compter que la volatilité est en train de s’effondrer tellement on s’ennuie à tergiverser entre inflation et récession. C’était quand même vachement plus drôle quand les banques tombaient comme des mouches. Et puis moi, il me manque le patron du Crédit Suisse qui s’excuse en boucle en commandant la dernière Bentley avec l’autre main…

Passez une excellente journée et à demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“The market is often stupid, but you can’t focus on that. Focus on the underlying value of dividends and earnings.”

John C. Bogle