La semaine se termine et j’ai presque envie de dire que l’on a « survécu » à la semaine de tous les dangers. Il fallait survivre à la FED. On l’a fait sans aucun problème bien que l’on ne sache pas encore « officiellement » si c’était une bonne nouvelle ou pas. Il fallait survivre aux chiffres d’Apple qui avaient encore le pouvoir de nous faire douter et nous avons survécu au 22ème épisode de la « crise des banques ». Crise des banques qui attend toujours de savoir s’il y aura une saison deux ou pas. À voir comme c’est parti, on peut déjà préparer le pop-corn, mais c’est pas encore certain. Finalement, reste plus que les NFP de ce soir à mettre derrière nous. Pourtant, j’ai comme un doute.

L’Audio du 5 mai 2023

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Le doute m’assaille

Hier soir j’ai « donné » une conférence dans la salle du board de Swissquote. Ça fait toujours un peu pompeux de dire « j’ai donné », mais en même temps j’ai pas trouvé de synonyme et puis c’est trop tôt le matin pour chercher. Toujours est-il que j’avais pris soin d’identifier 8 sujets qui étaient – à mon sens – les préoccupations du moment et que c’était peut-être dans l’un de ces huit sujets que l’on trouverait le déclencheur pour le prochain « move », la prochaine jambe du marché. Non, parce qu’on ne va pas se mentir ; en ce moment, les ranges de 50 points intraday avec des « selll off » de 0.12%, on commence gentiment à en avoir marre.

Du coup, en listant ces « huit cavaliers de l’Apocalypse » (si, si, ils étaient huit si l’on compte la version manga), j’ai commencé à m’angoisser moi-même. D’abord parce que j’ai été capable de trouver 8 vrais sujets de préoccupation et que ça fait beaucoup, sachant qu’à chaque correction massive, en général, un seul sujet suffit. Et ensuite, parce que moi qui suis toujours, et généralement bullish, je me suis soudainement retrouvé en train d’envisager de prendre des cours de premiers secours. À la fin de la présentation, j’étais à deux doigts de me coucher sur la moquette de la salle de conférence et de me mettre en PLS.

Le doute m’assaille encore

Du coup, ce matin en observant le comportement des marchés durant la séance d’hier, je me suis pris à me dire que c’était quand même beaucoup rouge un peu partout et que la dernière tentative de cassure haussière sur les indices avait été non seulement été très faible et commençait à dater un peu. Même si les indices n’ont pas vraiment bougé depuis 10 jours, ils se sont surtout lentement déplacés à la baisse avec des volumes en chute libre comme si plus personne n’avait envie de rien. Mis à part peut-être l’envie de partir se poser trois semaines au soleil et d’attendre le début des vacances.

À l’heure où je vous parle, ce qui me frappe surtout, c’est que sur mes 8 cavaliers de l’Apocalypse, j’en retrouve plusieurs dans les « news » du jour ou dans les préoccupations du moment. Moi j’avais listé l’inflation, la récession, le ralentissement économique, la géopolitique, la crise des banques, les résultats du trimestre, le plafond de la dette et la tronche de certains graphiques. J’aurais même pu rajouter « le fait que personne n’a plus peur de la baisse et que plus personne n’envisage le krach », mais ça faisait un peu trop ésotérique à mon goût.

Du rouge et du rouge

Toujours est-il que ce matin, si je dois faire la liste de ce qui « freine » la hausse des marchés, on peut retrouver les choses suivantes :

1. Il y a le S&P500 qui n’a pas réussi à casser la résistance des 4’200 pour la 15ème fois consécutive. À ce stade-là, c’est autre chose qu’un coach en motivation qu’il nous faudra pour y arriver. Je pense que le dopage devient la solution évidente. Il y a d’ailleurs de plus en plus d’articles sur le sujet qui laissent à penser que vu que l’on ne veut pas monter, c’est peut-être que l’on veut descendre. Et puis si l’on veut chercher la petite bête : regardez le CAC, il a cassé son plus haut de tous les temps est monté un peu et vient de retomber pour casser « l’ancienne-résistance-devenue-support » à la baisse. Pas franchement monstre motivant comme figure.

2. Un autre sujet de préoccupation, c’est le plafond de la dette. Le CDS sur les bons du Trésor est en train de donner le vertige. En janvier, il se traitait à 19 points de base. Fin janvier il était à 60 points de base. Entre février et le 18 avril, il est monté progressivement à 80 points de base et ce matin, nous sommes au-delà des 150. On n’avait pas vu ça depuis 10 ans. La peur est réelle. Biden a convoqué les parties pour un meeting le 9 mai, mais les gars ne se parlent même pas et il faut leur mettre un flingue sur la tempe pour qu’ils commencent à proposer des idées. Ça fait peur.

3. Et puis il y a les chiffres du trimestre ! Alors oui, il y a du bon. Comme Apple qui a fait mieux que les attentes sur les ventes d’iPhones et qui rend du pognon aux actionnaires. Suffisamment de bonnes nouvelles pour faire oublier le fait qu’ils craignent un ralentissement dans les prochains trimestres. Suffisamment de bonnes nouvelles pour faire monter le titre de 2% after close. Il y a aussi eu Shopify qui a surpris en bien avec un bénéfice inattendu, surpris en bien en vendant une division et surpris en bien en coupant les coûts. Le titre explosait de plus de 20% dans la foulée. En revanche, il faudra aussi noter ceux qui déçoivent et là, la sanction est terrible et la liste est longue. On ne pardonne plus l’erreur et ça n’est pas simple de faire 100% de bonnes réponses à un QCM de 600 questions dans une langue étrangère avec un flingue sur la tempe aussi.

4. Et puis que serait une journée de trading, sans que l’on ne parle de la crise des banques. À ce sujet, je ne vais pas vous faire un dessin. PacWest ne trouve pas d’acheteur la banque est au plus mal. Dans la foulée l’indice des banques régionales se prenait 7% dans les gencives et pour couronner le tout, il y a quelqu’un quelque part qui a réussi à nous sortir un sondage qui dit que « PLUS DE 50% des Américains, n’ont plus confiance en leur banque ». Dans ces 50%, il y en a qui n’ont plus du tout confiance et d’autre qui « commencent à avoir des doutes ». Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’avec ce qui se passe, le système bancaire dans sa plus grande majorité est en train de passer pour un immense clown avec un gros nez rouge et dès que le moindre CEO bancaire du présent ou du passé, a l’outrecuidance de donner son avis, on a immédiatement l’impression de se retrouver au Jamel Comedy Club. Le mec il a RIEN vu venir depuis 6 mois (même pas la hausse des taux), mais il vient quand même donner son avis et recommande de ne pas céder à la panique. Bref, c’est comme dans les manifs en France ; on a l’avis des syndicats et celui de la police. Dans le cas présent on a ceux qui pensent que la crise des banques est finie et qui sont eux-mêmes dans la banque ou dans la politique et on a les autres qui pensent qu’on nous a pris pour des cons et qui veulent acheter des Bitcoins à la place du compte épargne du petit dernier. Ça devient quand même tendu et comme on nous dit tous les deux jours que « cette fois » c’est fini et qu’à la fin, ça s’en va et ça revient.. On a soudainement assez envie d’aller changer une ampoule dans son bain pour compenser.

5. Et puis c’est pas tout, on nous sort encore du Roubini qui vient se poser des question sur le géopolitique en disant que la Chine et les USA sont deux trains qui foncent à 300 à l’heure sur la même voie de chemin de fer et face à face et qu’ils vont finir par se rentrer dedans. Il faut dire que comme il s’est gouré sur à peu près tout depuis 15 ans, il essaie d’autres biais. On ne sait jamais. Sur un coup de chance il pourrait avoir raison un jour.

La bonne nouvelle

La bonne nouvelle de ce matin ; c’est que sur les 8 points qui m’inquiétaient, on ne parle que de cinq. On ne parle pas trop de l’inflation, de la récession et de l’économie qui ralentit. Quoi qu’avec les NFP’s de tout à l’heure, il n’est pas exclu que l’on ramène le sujet sur la table avant l’apéro de ce soir.

Tout ça pour dire que quand je vois ce qui me fait peur et ce qui semble aussi faire peur au marché. Quand je vois le niveau de confiance des intervenants et la volatilité qui se traîne au plus bas des plus bas. Je me dis que l’on ne doit pas être loin de s’en prendre une assez spectaculaire ans les semaines qui viennent. Et c’est là que je fais mon introspection et que je suis en train de me rendre que je suis bearish comme jamais je ne l’ai été.

Oh mon Dieu… Je suis un Bear. Pourvu que ça passe avec une bonne dose d’antibiotiques.

Le reste

Pour le reste, ce matin en Asie Tokyo est toujours fermé. La Chine recule de 0.7% et Hong Kong compense en montant plus ou moins de la même chose. Le pétrole est à 69.22$, l’or est à 2058$ et le Bitcoin est à 29’300$. Dans les journaux du matin, on cause d’Apple et du fait que tout n’est pas rose mais que l’un dans l’autre « ça va ». On parle de la BCE et de Dame Lagarde qui a monté les taux de 0.25% comme prévu et qui ne donne pas d’indication par rapport à une éventuelle pause, mis à part le fait qu’elle ait dit que « la majeure partie du chemin avait été fait ». On se méfie quand même, parce que moi quand j’étais gamin et que je demandais à mes parents « quand c’est qu’on arrive » alors que l’on était parti de la maison depuis 22 secondes, eux aussi me répondait : on est presque arrivé – ça s’appelle de la langue de bois et Christine Lagarde est experte là-dedans. Autrement on notera que Ferrari a annoncé un bénéfice qui avait bondi de 24 % à 297 millions d’euros. Les livraisons sont en hausse de 10% et la liste d’attente est aussi longue que celle des supporters de la marque qui attendent de voir Leclerc gagner une course face aux Redbull’s. Comme quoi, le luxe ça reste quand même le trade de l’année.

Autrement aujourd’hui nous aurons les chiffres de l’emploi aux USA. On attend 180’000 nouveaux jobs créés et un taux de chômage à 3.6%. On attend aussi les chiffres de l’emploi en Suisse – bien que ça ne devrait pas avoir le même impact. Et puis il y aura le patron de la BNS – Thomas Jordan – l’homme qui avait pensé avoir stoppé la crise des banques en obligeant l’UBS racheter le Crédit Suisse, qui parlera tout à l’heure. Je voulais vraiment l’écouter en live, mais je dois aller me faire le maillot alors je pourrais pas, mais je vous ferai un résumé la semaine prochaine. Ou pas. En attendant, les futures sont légèrement en hausse parce que vous avez changé d’iPhone cette année et demain sera un autre jour. Mais ça sera surtout le week-end !

Excellent week-end à tous, soyez fort et on se voit lundi. Moi je vais hiberner et manger du miel.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Happiness is not a goal; it is a by-product.”

– Eleanor Roosevelt