Lorsque l’on regarde ces trois dernières séances, on sent bien que ça commence à sentir le pâté et même si les intervenants avaient réussi à « tenir le coup » jusque-là ; le fait que les grands de ce monde soient incapables de se mettre d’accord sur quoi que ce soit à 6 jours de la faillite, semble devenir clairement insupportable. L’ensemble des bourses mondiales sont en train de craquer et ce, même si les déclarations paternalistes de McCarthy essaient de calmer le jeu. J’ai pas l’impression qu’on puisse lui faire confiance plus qu’à l’autre qui ne sait même plus comment il s’appelle un matin sur deux. En résumé : dans l’ensemble, ça sent pas bon, mais on s’attend quand même à un miracle.

L’Audio du 25 mai 2023

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Trois choses à retenir

On va tenter de ne pas trop perdre de temps ce matin, parce que même si l’enjeu est énorme il n’y a pas non plus des tonnes de nouvelles qui justifieraient de parler bourse et finance pendant trois heures. Nous sommes arrivés à des niveaux d’emmerdement que je qualifierais de « maximaux » et plus personne n’a vraiment envie de faire quoi que ce soit. On aimerait juste qu’on en finisse. Le problème, c’est que depuis 48 heures, on a clairement l’impression que même si les deux génies de Washington trouvent un accord d’ici mardi – ce qui semble plus que probable si l’on prend le temps d’écouter McCarthy qui s’adressait hier soir aux marchés financiers en disant « qu’ils pouvaient dormir tranquille et qu’ILS allaient trouver un accord dans les temps » – cependant, même si cet accord est trouvé, il va quand même falloir emprunter 700 milliards en moins de temps qu’il n’en faut pour dire : « 700 milliards ». Et cela promet quelques belles journées de tensions sur le marché obligataire. Et quand le marché obligataire est tendu, le marché des actions n’est jamais au mieux de sa forme.

Donc, en ce jeudi matin nous « savons » (en tous les cas, nous espérons) qu’un accord devrait être conclu avant le 1er juin et si l’on en croit les négociateurs, ils sont en train de rouler les mécaniques et de booster leurs égos déjà surdimensionnés histoire de faire croire qu’ils bossent vraiment sur quelque chose, mais dans les dernières minutes, ils vont tous baisser leurs pantalons et accepter un deal, un camp faisant croire que c’est grâce à lui et l’autre, pareil et puis ensuite faudra trouver le pognon. Parce que perso, même si j’avais un milliard à placer, à voir l’équipe de bras cassés qui gèrent ce pays, je ne mettrais même pas dix balles en bons du Trésor. Mais au-delà du plafond de la dette qui continue à faire peur et à tendre les marchés il y avait encore deux sujets qui méritaient que l’on se lève hier matin :

1) Les Minutes
2) Et Nvidia qui est une révolution

Les Minutes du FOMC Meeting

Pendant que l’on tergiversait sur le plafond de la dette et que McCarthy faisait du « darmanin » en disant que ça allait bien se passer, la FED a publié le FAMEUX rapport des Minutes, rapport de ce qui s’est dit dans les alcôves de la FED au début du mois. Rapport qui dit VRAIMENT ce que les différents patrons de la FED pensent de l’économie, avec des confidences écrites en tout petits caractères. Et grosso-modo, ce qu’il faut retenir ; c’est que les membres de la FED ne sont plus aussi unis qu’auparavant. Il y a quelques mois ils étaient tous d’accord sur le principe qu’une hausse des taux était ABSOLUMENT nécessaire pour freiner l’inflation. Alors que là tout de suite on pourrait presque dire que c’est du 50/50 et qu’on n’est plus très sûr de rien.

Il faut tout de même avouer que ça n’est pas une surprise. Car si vous vous remontez trois ou quatre chroniques en arrière, vous vous souviendrez que rien que la semaine dernière nous avons eu Bullard – de la FED de St-Louis qui prêchait pour une nouvelle hausse des taux en juin, afin de casser définitivement les pattes arrière de l’inflation. Et vendredi dernier, nous avons eu Powell qui disait qu’il n’était plus trop convaincu qu’il faille réellement monter les taux. En conclusion, la FED est divisée et elle vole à vue. Ça n’est pas une surprise et ce qui était dans le rapport d’hier soir confirmait que la division était évidente, ce qui remet peut-être d’autant plus de valeur sur les chiffres du PCE de vendredi. Puisqu’il fait probablement partie des trois derniers chiffres économiques importants qui seront publiés AVANT le FOMC. Enfin, s’il le monde existe encore après le 1er juin. Mais selon McCarthy, il existera encore.

Et DIEU inventa l’intelligence artificielle

À 22h zéro-zéro hier soir, les marchés étaient dans le rouge, dans l’angoisse et dans la peur de voir les USA faire défaut sur leur dette. On était obsédé par les négociations et par le fait que la FED pourrait quand même devoir monter les taux en juin et que l’on avançait quand même à tâtons dans épais brouillard. Et puis, soudainement, le ciel s’est déchiré, le soleil est apparu et la lumière fût !!! NVIDIA publia ses chiffres trimestriels et le monde ne fût plus jamais pareil.

Non, sérieusement, vous verrez que dans une décennie, on se souviendra que le 24 mai 2023, NVIDIA a publié ses chiffres trimestriels qui étaient plus ou moins en ligne avec les attentes des analystes, mais que lors de la conférence de presse, ils ont annoncé que la croissance due à l’avènement de l’Intelligence Artificielle était arrivée. Amen. Pour faire simple : le CEO a déclaré que la demande pour les « puces » liées à l’IA allait tout simplement exploser dans les mois à venir et qu’il n’était même pas capable de mettre un chiffre sur cette croissance. Il a donc préféré dire : « plutôt énorme ». Du coup, comme dans un spreadsheet excel, si vous entrez « plutôt énorme » comme valeur dans une cellule, il est plus que probable que ça vous plante votre feuille de calcul. Donc dans le doute, les traders se sont improvisé des chiffres et le résultat fût le suivant :

NVIDIA EST TROP TROP BON MARCHÉ, FAUT BOURRER LA CAISSE !!!

Bref, NVIDIA a pris 25% after close hier soir. Oui, vous avez bien lu : 25% !!! Le titre a terminé la séance à 305$. Puis ils ont annoncé que l’intelligence artificielle était un miracle et qu’ils allaient mutliplier les pains, marcher sur l’eau faire marcher les paralytiques et rendre Emmanuel Macron sympathique et permettre aux gens de lire les livres de Bruno Le Maire sans vomir toutes les deux pages. Et dans la foulée, le titre a explosé. Hier soir quand j’ai éteint la lumière NVIDIA valait 380$ et sa capitalisation boursière dépassait les 1’000 milliards. Ou presque.

C’est donc du délire. Tout le secteur de l’AI explosait after close et même des boîtes concurrentes comme AMD traitaient en hausse de près de 10%. En l’espace de quelques minutes nous sommes passé de l’angoisse du plafond de la dette à l’euphorie de l’AI et je suis à deux doigts de croire que finalement, ça n’est ni McCarthy, ni Biden qui vont sauver le cul du gouvernement américain, mais plutôt Chat GPT ou Mindjourney ou un truc du style. Tout ça pour dire que l’AI est donc le nouveau Messie de la finance et c’est formidable. Après, je suis vieux et ça fait plus de 30 ans que je fais ce job et j’ai tendance à me méfier des coups sûrs. À chaque fois qu’on nous sort une nouvelle technologie, on a tendance à oublier que deux et deux font quatre et vous trouverez toujours un guignol qui vous dira que deux et deux font douze si tu mets un point-com dedans. Aujourd’hui, deux et deux font 24, parce qu’il y a la croissance giga-méga-top qui arrive là tout de suite, la semaine prochaine.

Si ça se trouve, le gouvernement US avait des calls sur NVIDIA et ce matin le plafond de la dette, c’est réglé.

De l’Asie et des news

Ce matin l’Asie est partagée entre le miracle de NVIDIA et l’angoisse du plafond. Les paroles rassurantes de McCarthy ne semblent pas avoir été traduite en mandarin puisque Hong-Kong recule de 1.7% et que la Chine baisse de 0.4%. En revanche, Tokyo est en hausse de 0.6%. Le pétrole est à 74$ et des poussières, l’or est à 1958$ et le Bitcoin est à 26’130$.

Dans les nouvelles du jour, en dehors du fait que NVIDIA est l’héroïne du jour (au deux sens du mot héroïne), il faudra aussi retenir que Fitch a mis la dette américaine sur « Credit Watch Negative ». En gros, ils ne sont pas complètement sûrs que le bla-bla offert par les politiciens sur Twitter va suffire à régler le cas d’ici la semaine prochaine. D’ailleurs, Madame Yellen connue également sous le nom « d’oiseau de mauvaise augure » a continué de parcourir les salles de rédactions avec sa capuche et sa grande faux pour déclarer que le premier juin, ils n’auraient vraiment plus une thune et qu’en plus, même si le plafond remontait, ça risquait d’être la merde quand même. Je vous préviens donc que si ce soir ou demain, on nous annonce un accord, ça ne voudra pas dire que tout s’arrêtera et que l’on finira la soirée bourrés au Moët et Chandon. Il va encore falloir trouver la liquidité pour remplir les caisses de l’état et ça ne va pas être simple si tout le monde downgrade la dette US…

Mais encore

Pour ce qui reste d’info ce matin, je vais être très franc avec vous, c’est pas la fête au village – enfin, sauf si vous aviez des Nvidia’s en portefeuille. On ne parle que des Minutes, du plafond et de Nvidia et je conçois que comme activité ludique sur les marchés, on ait connu mieux. Les intervenants sont 100% concentrés là-dessus et c’est comme si plus personne n’osait communiquer d’infos en attendant d’y voir plus clair. Comme si plus rien ne sera pareil une fois que l’on aura réhaussé le plafond. Alors oui, il y a bien des news comme quoi Xpeng – rival de Tesla en Chine – a annoncé une chute de ses ventes et que le titre perdait 11% ou que Musk recommande à ses fans de ne pas mettre TOUT leur argent dans le Dogecoin. On est content de voir que Musk se lance dans l’éducation financière, mais mis à part ça. C’est plafond, minutes et Nvidia. Vivement demain que l’on puisse parler du PCE

Côté chiffres économiques, aujourd’hui nous aurons le PIB en Allemagne, le French Business Survey pour faire reluire Le Maire et ses quatre enfants qui ne mangent que des pâtes, le Chicago FED, les Jobless Claims, le Core PCE à ne pas confondre avec le PCE de demain. Puis il y aura aussi le PIB qui pourrait tomber de 4% si on ne trouve pas d’accord sur la dette, ainsi que les Pending Homes Sales. Pour le moment, les futures sont en baisse sur le Dow Jones parce que Nvidia n’est pas dedans et ils sont en hausse de 0.4% sur le S&P500 parce que Nvidia EST dans le S&P500.

Il me reste à vous souhaiter une excellente journée à attendre des nouvelles de Washington et moi je vous retrouve demain, à la même heure et au même endroit.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Mother nature is a bitch. »

Murphy’s Law