Dire qu’il y a six semaines de cela l’intérêt pour les bourses mondiales était au plus haut alors que le Crédit Suisse se faisait absorber par l’UBS et que l’on craignait une nouvelle saison de « crise des banques ». Aujourd’hui, c’est la déprime totale et plus personne ne s’intéresse à la bourse ou à l’investissement. Le désintérêt est devenu total, comme quoi ça marche quand même mieux quand il y du sang sur les murs. Comme lundi, la séance d’hier frisait le niveau zéro de la passion. Les intervenants cherchaient des raisons de faire quelque chose en attendant les chiffres de l’inflation, mais c’était franchement mou du genou encore une fois.

L’Audio du 10 mai 2023

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Le plafond au centre du monde

Comme il fallait bien justifier notre présence, on a décidé de trouver un vrai centre d’intérêt pour faire croire que l’on avait une vraie réflexion sur ce qui se passe. Le sujet était vite trouvé parce qu’hier, Républicains et Démocrates se sont retrouvés à la Maison Blanche pour boire le thé, manger des cookies et discuter du plafond de la dette. Ce qui a donné l’occasion aux marchés de trouver une bonne raison pour finir en baisse. L’anxiété sur le plafond de la dette était donc le sujet à la mode. Ça fait six semaines que l’on en parle, mais hier c’était soudainement « le sujet qui augmentait l’anxiété sur les marchés ». Ça et la peur que les chiffres de l’inflation de tout à l’heure ne soient pas à notre goût et alimentent encore une fois les craintes d’une hausse des taux de la part de la FED. Ou pire, que cela augmente la conviction que nous allons rester dans une période de taux élevés pour longtemps encore.

Mais avant d’avoir peur pour les chiffres du CPI, on s’est improvisé experts sur le plafond de la dette et soudainement, tout le monde avait les yeux fixés sur la Maison Blanche. Comme si un miracle allait se produire. Bien que cela soit bien trop tôt. On sait tous que les accords sur les plafonds de la dette ne se trouvent que dans les 48 dernières heures. Pas dans les 48 derniers jours. La date étant fixée au premier juin par Madame Yellen, il ne fallait pas croire qu’hier soir allait donner lieu à des miracles. Et d’ailleurs ça ne fut pas le cas, puisqu’en sortant de la réunion, le sémillant Président a déclaré que « des progrès avait été faits », pendant que son opposant, Monsieur McCarthy a déclaré « qu’il n’avait rien vu bouger » lors de ces négociations. C’est bien, on avance bien s’ils ne sont déjà pas d’accord sur ce qui s’est passé durant leur réunion, autant dire que pour se mettre d’accord pour endetter le pays de 3’000 milliards de plus, ça ne va pas être simple.

En attendant l’inflation

Mais peu importe, hier soir les marchés ont donc terminé en légère baisse. Légère baisse qui ressemble plus à de la dépression et de l’ennui qu’à un sentiment de panique déclenché par la dette américaine, il fallait cependant bien trouver une excuse et celle du plafond était toute trouvée, sachant que dès 14h30 aujourd’hui, on va basculer du mode « expert en dette » au mode « expert en inflation » et on verra bien ce que ça donne. L’analyse devrait être assez simple. Si le chiffre est au-dessus des attentes, on va flipper en se disant que l’inflation est un peu moins transitoire que prévu et que Powell pourrait déjà mettre sa pause en pause dès le FOMC Meeting du mois de juin. Et si les chiffres sont en-dessous des attentes, on va se dire que le plan se déroule sans accroc et que l’inflation pourrait être à 2% d’ici le printemps prochain et l’on pourra commencer à lancer des fléchettes sur le calendrier pour savoir quand est-ce que la FED va commencer à baisser les taux pour soutenir l’économie.

Une économie qui devrait de toutes manières, forcément commencer à ralentir à un moment ou un autre étant donné le niveau des taux et le fait que les banques ne veulent plus vraiment prêter de l’argent parce qu’à l’heure actuelle, on ne sait pas trop si elles ont encore de l’argent dans leurs coffres. Oui, la mention du « Credit Crunch » devient de plus en plus fréquente dans les médias financiers, surtout qu’un dernier sondage publié hier fait était du fait de plus en plus de banques ont resserré les boulons pour leurs conditions de crédit. Le vieil adage un peu bateau qui dit qu’une banque te files un parapluie quand il fait beau et qu’ils te le reprennent quand il pleut n’a jamais été aussi exact.

Le doute

Nous avons donc peur pour l’économie, peur pour la dette et l’on s’angoisse de savoir ce qui pourrait se passer au niveau de l’inflation dans quelques heures. Pourtant, les indices baissotent péniblement, ce qui ne dénote pas non plus d’une peur panique de la part des investisseurs. Tout au plus quelques ajustements de positions en attendant qu’il se passe vraiment quelque chose. Oui, quand on ne sait plus trop quoi dire pour expliquer les mouvements des indices, on utilise toujours le terme « ajustements de positions » – ça ne veut strictement rien dire, mais ça fait hyper-pro et les gens qui ne sont pas « vraiment » dans le cercle des pros, ressentent encore un peu plus ce sentiment d’exclusion.

Hier nous avons donc ajusté les positions en attendant l’inflation et augmenté un tout petit peu le niveau d’angoisse au niveau du défaut de paiement du gouvernement américain. Mais pour le reste, on a surtout tué le temps en attendant de voir comment on va pouvoir se chauffer sur les chiffres de l’inflation. Si vous aviez encore un doute sur le fait que la vision du marché était à très très très court terme, je crois que le suspense est levé et que l’on est tous d’accord pour dire que pour le moment, nous investissons surtout pour les 12 minutes qui viennent.

L’Asie et le reste

La plupart des marchés asiatiques étaient en baisse ce matin. Les intervenants sont en position « brace, brace, brace » en attendant les chiffres du CPI. Je ne sais pas ce que les gens attendent vraiment de ces chiffres, mais ils n’ont tous que ce mot à la bouche. Pourtant ces derniers mois, ça n’est pas le CPI qui a fait bouger sérieusement les indices. En tous les cas, en Asie on est « angoissé » de ce qui pourrait se produire. Et en Chine, c’est pire qu’ailleurs puisqu’après les mauvais chiffres économiques récents, tout le monde est en train de constater que la reprise chinoise annoncée comme le Messie, ressemble plus à un feu de paille qu’autre chose. Shanghai est en baisse de 1.4%, Hong Kong recule de 0.69% et le Japon abandonne 0.45% alors que Mitsubishi vient de sortir des chiffres immondes à cause de l’augmentation d’à peu près tout.

Le pétrole est à 73.18$ alors que Bank of America vient de revoir ses targets sur le baril à la baisse de l’ordre de 9%. Mais bon, comme l’objectif précédent était de 88$, le nouveau chiffre offre quand même un potentiel de hausse de plus de 5% pour le baril. L’or est à 2’038$ en attendant la prochaine occasion de se faire reluire et d’atteindre ce fameux plus haut de tous les temps que tout le monde attend. Et pour terminer, le Bitcoin est à 27’700$ et je ne sais pas quoi ajouter parce que pour le moment, y a rien à dire et que c’est même plus drôle de dire que ça ira à 1 million dans deux ans, parce que personne n’écoute.

Les nouvelles du jour

Côté news du moment, on ne peut pas ne pas parler des chiffres de AirBNB qui ont publié un record de réservations de nuitées, mais même à ce niveau record c’était « encore » en-dessous des attentes des stars de l’analyse fondamentale qui savent mieux que tout le monde. En plus la direction de AirBNB a annoncé que le second trimestre serait compliqué et pas simple. Dans le doute, le titre s’est fait défoncer de près de 12% after close. Comme quoi, la règle du moment – en ce qui concerne les publications trimestrielles – c’est :

• Règle numéro 1 : Ne pas décevoir les analystes
• Règle numéro 2 : Ne pas prévoir un trimestre tout pourri
• Règle numéro 3 : Être Apple ou Microsoft

Au passage on notera l’explosion de Novavax qui prenait près de 30% parce qu’ils ont battu les attentes et qu’ils ont prévu (SURTOUT) de virer 25% du personnel. Ce qui fait que l’on peut rajouter des règles aux règles des publications trimestrielles :

• Règle numéro 4 : Faire mieux que les analystes
• Règle numéro 5 : Virer un maximum de monde
• Règle numéro 6 : Virer encore un peu de monde mais dans le mois qui suit

On notera au passage que, mis à part le printemps humiliant que sont en train de vivre les banques américaines (et suisses un peu aussi), les profits du secteur sont en hausse de 33% par rapport à l’an dernier. Ce qui veut dire qu’il y en a quand même deux ou trois qui vont trouver un moyen pour se payer des bonus de folie. Même s’il faut passer par les îles Vierges avec un compte au Crédit Suisse. Hier soir il y a aussi John Williams, Président de la FED de New York qui a déclaré que les taux pourraient encore monter si l’inflation ne se calmait pas. Et il a également précisé que la FED n’avait jamais dit « qu’ils avaient fini de monter les taux ». Ce qui est rassurant au possible par rapport à la réaction que nous pourrions avoir cet après-midi.

Les chiffres du jour

Côté chiffres économiques, au cas où vous n’auriez pas lu les trois pages que j’ai écrites AVANT ce paragraphe, cette après-midi nous aurons les chiffres du CPI américain qui est attendu à 5%. Il y aura aussi le CPI allemand dès ce matin, mais tout le monde s’en fiche, on sait que ça ne baisse pas et que la BCE va encore monter les taux. Il y aura aussi les nouvelles demandes d’hypothèques aux USA et les inventaires pétroliers. Mais le plus important c’est aussi que le patron de la BNS, Thomas Jordan, va parler. On ne sait pas s’il va nous annoncer le take-over forcé de la Coop sur la Migros ou le fait que Nespresso va devoir fusionner avec la Poste, mais on sait que l’on ne se lasse jamais d’écouter le patron du plus gros hedge fund du monde.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.10% et dans quelques heures NOUS SAURONS. Ensuite, on pourra ATTENDRE les chiffres du PPI de demain. Et si vous ne savez vraiment pas quoi faire, il faudra observer les chiffres de Roblox – avant l’ouverture et ceux de Disney, après la clôture. Excellente journée à tous et à demain. Si vous le voulez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The greatest discovery of all time is that a person can change his future by merely changing his attitude.”

– Oprah Winfrey