L’Union européenne va permettre aux Etats européens de repousser jusqu’à 7 années leurs équilibres budgétaires s’ils investissement dans la production d’équipements militaires, en particulier dans les munitions et les obus.

La Commission européenne entend mobiliser €500 millions pour financer la montée en cadence des quinze usines européennes de munitions pour être capable de produire dans douze mois un million de munitions (balles, obus d’artillerie/chars d’assaut et missiles) par an. Il s’agit du Act to Support Ammunition Production. Les Etats-Unis font des émules avec les Act. Ça sent la réindustrialisation. La guerre militaire devient une guerre industrielle. La Commission pourra cofinancer entre 40% et 60% la hausse des cadences et l’installation de nouvelles lignes de production. Avec l’invasion russe en Ukraine, une ère nouvelle voit le jour avec la montée en puissance de l’industrie européenne de la défense.

Les Etats membres pourront utiliser les fonds de cohésion ou du plan de relance européen, ainsi que la FEB (Facilité européenne pour la paix), pour investir dans les usines de munitions ou de composants. La Banque européenne d’investissement pourrait aussi jouer un rôle. Il y a une urgence à reconstituer les stocks. Alors que l’industrie militaire est plutôt discrète, le Commissaire Thierry Breton cherche à mutualiser les besoins, à l’instar de ce qui avait été fait avec les vaccins Covid. Les industriels doivent passer en économie de guerre, selon Thierry Breton, et il a pu constater que les capacités de production sont très importantes, mais les données sont classifiées secrètes.

La Commission veut également alléger les obstacles réglementaires du secteur de manière temporaire jusqu’en 2025, car en général l’obtention des autorisations pour la fabrication des munitions est extrêmement encadrée et très longue. Les obstacles touchent les permis d’autorisation, le travail de nuit par exemple. Aujourd’hui, les grands industriels, comme Rheinmetall, Krauss-Maffei-Nexter, manquent de tout, de la poudre à la nitroglycérine, en passant par le personnel qualifié.

Mais le débat reste animé en Europe pour savoir s’il faut avoir une base industrielle autonome, comme aimerait la France, ou proche de l’OTAN, donc des Etats-Unis, comme voudrait la Pologne, voire l’Allemagne. Beaucoup de pays européens aimeraient une proximité avec les Etats-Unis, mais la priorité américaine reste l’Asie et les Etats-Unis demandent régulièrement à ses alliés européens d’investir davantage dans leur propre défense.

On touche au débat de l’autonomie stratégique de l’Europe. Depuis 2020, avec le Covid, la guerre d’Ukraine et le découplage géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine, on observe une intervention croissante des Etats dans l’économie. Il faut savoir si on veut plus d’efficacité économique (faible intervention des Etats) ou davantage de résilience géopolitique (intervention des Etats). La réponse se trouve en observant ce qui se passe sur la planète : les démocraties perdent du terrain au profit des régimes autoritaires, voire totalitaires.

L’intégration de la défense à l’ESG fait l’objet de discussions serrées. Elle entrerait dans le S (Social) avec comme argument la sécurité des citoyens. Elle permettrait aux investisseurs et aux banques de financer la croissance du secteur. L’exclusion de la défense dans l’ESG est un désavantage concurrentiel certain pour les industriels européens vis-à-vis des Américains, selon le PDG de Thales.

Dans son dernier rapport d’avril 2023, l’institut suédois SIPRI fait part d’une augmentation des dépenses militaires mondiales de 3.7% à $2’240 milliards, la plus forte hausse annuelle depuis 30 ans. Les US, la Chine et la Russie représentent 56% du total mondial : US $877 milliards, Chine $292 milliards, Russie $86 milliards, Inde $81 milliards, Arabie saoudite $75 milliards, UK 69 milliards, Allemagne $56 milliards, France $54 milliards, Corée du Sud et Japon $46 milliards chacun. L’Europe a vu ses dépenses croître de 13%, la plus forte hausse parmi les principales régions.

2023.05.05.Dépenses militaires
Dépenses militaires mondiales
Source : SIPRI

 

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