Tout a été dit ou presque. Le sujet de l’accord sur le plafond de la dette a été retourné dans tous les sens et l’excellente nouvelle que l’on attendait depuis des semaines – au bout du suspense – avec toute l’ironie que cela comporte – ressemble plus à un pétard mouillé qu’autre chose. Il est vrai que tant que ça n’est pas signé, ça n’est pas encore gagné. Les trublions de la majorité Républicaine du Congrès qui font des remous angoissent les marchés et heureusement que l’Intelligence Artificielle est là pour sauver les indices technologiques, autrement on aurait vécu une sale journée. Un peu comme en Europe.

L’Audio du 31 mai 2023

Télécharger le podcast

Juste un vote

La joie que l’on aurait aimé voir sur les indices ne se sera donc pas répandue sur les bourses mondiales pour ce premier jour de la semaine après un long week-end qui aura tout de même été couronné par un accord de principe obtenu de haute lutte par le fringuant Président Américain. Il n’aura pas fallu longtemps aux intervenants pour se rappeler que l’accord en question ne vaut pas tripette s’il n’est pas voté et approuvé par les politiciens américains. À partir de là, tant que l’on ne sait pas si tout cela sera vraiment formalisé, on sent une certaine fébrilité. D’ailleurs si l’on en croit les divers commentaires sur le sujet, les opérateurs sont plus angoissés par le fait que cet accord puisse ne pas passer, que par le contenu même de l’accord.

Aujourd’hui, il faut bien reconnaître que tout le monde se fout pas mal des concessions qui ont été faites et de l’impact à long terme que cela pourrait avoir sur l’économie. De toutes manières on est incapable de voir plus loin que la fin du moins juin (et encore, c’est pour ceux qui font du long terme). Non, la seule chose que l’on veut – ou que l’on voudrait – c’est que le plafond soit relevé. Ou supprimé. Et que les États-Unis ne fassent pas défaut le 5 juin. Le reste n’est que détails économiques et politiques. Même pire, personne ne mentionne le fait que même si le deal est signé d’ici le 5, il va encore falloir emprunter le pognon pour remplir les caisses. Et que ça n’est pas forcément gagné. Hier, il y avait encore trop de questions sans réponses pour que l’on se sente d’humeur bullish. Je veux dire d’humeur vraiment bullish qui fasse aussi monter autre chose que l’IA.

L’Europe doute plus que le reste

Les indices européens ont été les plus grosses victimes de la séance d’hier. Le CAC perdait même 1.3% avec Total qui tirait tout le monde à la baisse. Il faut dire que le pétrole s’est fait exploser de 5% durant la journée parce que les traders ne sont pas à l’aise avec le vote du Congrès et ils anticipent déjà le pire. Le pire étant : un échec du vote, un défaut de paiement et une récession dans la foulée. D’ailleurs si l’on observe les marchés en prenant un peu de recul, on a le sentiment que les traders sur le pétrole ne sont pas dans le même « mood » que le reste.

Du côté des marchés actions on s’accroche au bastingage en se répétant un mantra qui dit « ça va bien se passer, ça va bien se passer, ça va bien se passer » et du côté des matières premières on se dit : « et si ça se passe mal ? Et si ça se passe mal ? Et si ça se passe mal ? ». Du coup, il y a comme un doute qui plane et s’il y a un truc qui ne passe pas dans le monde merveilleux de la finance, c’est quand on ne sait pas où l’on va. Il y a donc eu deux trois dégagements de positions un peu partout, sauf dans la techno qui reste « the place to be » et qui ne semble plus capable de s’arrêter, même si en fin de séance, il y avait tout de même quelques doutes.

IA ou AI

Encore une fois, on a parlé Intelligence Artificielle. Tout le monde a un avis et un avis surtout. Nvidia est très brièvement passée au-dessus des 404$, ce qui lui aura permis d’être – pendant un instant – la première boîte de semiconducteurs à passer la barre des 1’000 milliards de capitalisation boursière. Mais en fin de séance, on notait quelques prises de profits sur le secteur, ce qui renvoyait le nouveau chouchou des marchés en-dessous de cette marque fatidique. Certains experts en sont même venus à faire des recherches pour savoir ce que valaient À L’ÉPOQUE les « autres » sociétés qui ont déjà passé la barre des 1’000 milliards.

On peut d’ailleurs se rendre compte que Nividia est moins chère (en termes de valorisation) que Tesla lorsqu’elle avait franchi le Rubicon en son temps, mais nettement plus chère qu’Apple. Je sais que ça vous fait une belle jambe de savoir ça, mais ce qu’il faut en retenir c’est que même si Nvidia est une super-boîte qui est (pour l’instant) intouchable et qui transforme tout ce qu’elle touche en or ou en platine, ça n’est pas non plus cadeau en termes de valorisation. D’ailleurs Madame Cathie Wood s’est empressée de le signaler hier. Il faut dire que la patronne d’Ark Invest doit l’avoir un peu mauvaise, puisqu’elle a vendu ses Nividia au début de l’année. Alors forcément, quand tu rates un rallye de 150% sur ce qui était une de tes plus grosses positions, tu dois l’avoir extrêmement mauvaise. Du coup, elle est venue dire du mal sur NVIDIA et raconter à qui veut l’entendre, que LA POSITION qu’il faut avoir pour jouer l’Intelligence Artificielle, c’est Tesla ! Tesla qui est – bien sûr – sa plus grosse position et pour laquelle elle a un target de 1’000$ sous 18 mois.

Tout ça pour vous dire

Tout ça pour vous dire que les marchés doutes de l’accord sur le plafond de la dette, mais visiblement, ils ne doutent pas une seconde de l’avènement de l’Intelligence Artificielle. À ce propos, hier il y avait aussi Jeremy Siegel de la Wharton School, qui est venu dire que, selon lui, l’IA n’était pas une bulle spéculative et qu’il était impossible de prédire comment cela allait se finir. Il est clair que ce genre de déclarations sont vraiment très utiles pour faire avancer le marché…

Quoi qu’il en soit, il y a eu un moment, durant la journée de lundi, où l’on a presque cru que l’on allait toucher au but et que l’on pourrait tirer un trait sur le sujet de la dette et revenir se concentrer sur l’inflation et la hausse des taux éventuelle à venir, mais que nenni. C’est encore trop tôt et Mister Market attend avec impatience que le deal soit signé avant de se rendre compte que les futures sur les FED FUNDS laissent à penser que la FED va ENCORE monter les taux dans deux semaines. Oui, parce qu’après le PCE de vendredi, la probabilité d’une hausse des taux est passée à 69%, contre 28% vendredi matin. Et ça, on n’en parle pas parce qu’il n’y a de la place que pour deux sujets : l’Intelligence Artificielle et le plafond de la dette. Tant que l’on n’aura pas fait de la place d’un côté ou de l’autre ; pas de place pour l’inflation ou les taux.

En Asie

Ce matin en Asie on se prend le « double effet kiss-cool ». Tout d’abord, ils flippent comme nous au sujet du plafond de la dette, mais en plus le PMI chinois vient de sortir et on peut largement le qualifier de « pas terrible » et admettre encore un peu plus que le « rebond » post-COVID que l’on nous avait promis en Chine, ressemble plus à un conte de fées qu’autre chose. L’indice chinois recule de près de 1% et se retrouve au plus bas depuis 6 mois. C’était presque mieux quand ils étaient encore confinés. Et Hong Kong fait pire en reculant de 2.2% et lorsque l’on regarde le graphique du Hang Seng, ça donne envie de se faire un cocktail gin-dramamine pour commencer la journée. À Tokyo le marché est également nerveux et recule de 1%.

Graphique du Hang Seng – Source : Tradingview.com

Pour le reste, le pétrole est donc à 69.29$ et est en train d’anticiper à peu près tout ce qui pourrait mal se passer du côté des USA, que ça soit un refus de l’accord, un défaut de la dette ou une récession ou les trois. L’or est à 1977$, en embuscade, juste au cas où on aurait besoin de lui. Et le Bitcoin est à 27’800$, après avoir tenté une incursion au-dessus des 28’000$, quand on s’est rappelé que l’objectif de Cathie Wood était de 1 million en 2030. Et 2030, c’est demain !

Les nouvelles du jour

Du côté des nouvelles du jour, on notera quand même qu’hier soir after close nous eu avons deux nouvelles négatives dans le secteur de la tech – en plus du fait que les graphiques de NVIDIA, AMD ou Marvell nous ont gratifiés de très beaux reversals en fin de séance – mais en plus il y a eu HP et Ambarella qui ont publié des chiffres pas terribles avec des guidances pas beaucoup mieux, c’est surtout surprenant chez Ambarella qui est tout de même actif dans l’Intelligence Artificielle. Le titre avait pris 40% depuis le début du mois et vient de se prendre 13% dans les dents hier soir after close. HP reculait de plus de 4% de son côté.

Pour le reste, Musk était en Chine hier pour essayer de resserrer les relations avec la Chine et pendant ce temps, un jet chinois aurait été agressif face à un avion américain, histoire de mettre un peu d’huile sur le feu. Musk a aussi trouvé le temps de tweeter quelques news économiques, puisque selon lui l’immobilier commercial est en train de se péter la figure et que, toujours selon lui et son compte Twitter, le reste de l’immobilier devrait suivre dans la foulée. On a vraiment bien besoin d’un krach immobilier aux USA, ça serait topissime. Autrement on vient d’apprendre qu’un des premiers tests a été réussi pour le vote sur l’accord du plafond de la dette. Toutes les barrières ne sont pas encore tombées, mais on progresse gentiment. Et pour terminer dans la joie et la bonne humeur, Goldman Sachs a annoncé une nouvelle vague de licenciements dans sa division fusions et acquisitions, ça continue.

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura les retail sales en Suisse, puis le CPI et le PIB français, on se réjouit déjà de voir l’auteur de romans pour adultes qui gère les finances de la France à ses heures perdues venir nous expliquer comment et combien il est fort, après avoir mis l’économie russe à genoux à lui tout seul. Les Allemands publieront également leur CPI. Puis aux USA, il y aura le Redbook, le Chicago PMI et les JOLTS. On notera aussi que Madame Lagarde devrait également parler dans les heures qui viennent.

Actuellement, les futures sont en baisse de 0.2% et pour résumer le tout, on a des doutes et on aimerait des réponses. Passez une excellente journée quand même et, à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Remember no one can make you feel inferior without your consent.”

– Eleanor Roosevelt