La grande bascule vers l’inéluctable plus grande tolérance à l'égard de l'inflation s’est enclenchée. Dans cette courte phase de transition, avant que la reflation ne favorise un rebond conjoncturel (en 2024 ?), nos décideurs multiplient les diversions et autres astuces.

Les choses se sont spectaculairement accélérées depuis la pandémie. Les gigantesques mesures de relance financées par la dette publique ont fini par raviver une inflation bien ancrée et corrosive. Les décideurs politiques tentent maintenant de réagir / inverser le cours des choses dans l’urgence et l’improvisation.

Après une interprétation laxiste de la réglementation (soutien indirect au crédit privé via des véhicules d’investissement dédiés), la Fed récidive avec son BTFP: porter les obligations souveraines décotées des banques régionales à des prix gonflés.

¨Les politiques ne manquent pas d’alléguer la raison d’État pour autoriser tout ce qu’ils font sans raison.¨ Ch. De Saint-Evremond (1614-1703)

L’Asie lui emboîte maintenant le pas. La Chine n’utilise pas le bilan de sa banque centrale, mais mobilise les gouvernements régionaux et les grandes entreprises d’État, comme les «bad banks», pour absorber les actifs des promoteurs immobiliers/institutions de financement à des prix gonflés. La PBoC accélère considérablement ses activités numériques. La Chine a lancé en avril 2020 le yuan numérique au sein de son système financier national. Aujourd’hui, seuls moins de 20% des Chinois l’utilisent. Pour favoriser son adoption, la PBoC s’est associée en juillet 2022 à des plateformes d’achat en ligne, notamment JD.com. Elle a également délégué la responsabilité du déploiement du yuan numérique aux banques d’État et a forcé les gouvernements locaux à intégrer le yuan numérique dans leurs programmes publics quotidiens (bus, métro, paiement des salaires, etc.). Hong Kong a été ajoutée comme région pilote pour expérimenter les paiements transfrontaliers en yuan numérique.

China house price

Une monnaie numérique largement adoptée favorisera le contrôle accru de l’État, la personnalisation de la politique monétaire et la restructuration des dettes ¨pourries¨

La BoJ a grand besoin d’idées nouvelles. Accablée d’obligations d’État, elle devra renoncer à contrôler les taux d’intérêt souverains à long terme. Elle en achètera donc moins. Le gouvernement ne bénéficiera plus de la monétisation des déficits.

2023.06.16.Système bancaire

Les défis à venir sont nombreux, comme celui de ne pas mettre en péril le système bancaire (à l’instar des banques régionales américaines). Les décideurs lancent un ballon d’essai en envisageant un échange d’actifs privilégiés.

Selon Reuters: Le ministre japonais des Finances a déclaré mercredi que le gouvernement devait examiner s’il pouvait acheter les énormes avoirs de la banque centrale en ETFs à leur valeur comptable, à la suite d’une proposition visant à les utiliser pour distribuer des richesses à la jeune génération…

2023.06.16.ETF

Et l’État de droit dans tout ça, Bof ?! Les nippons n’en sont pas à leur coup d’essai. En son temps, n’avaient-ils pas cassé les contrats d’assurance-vie privés, parce que les rentes généreuses ne pouvaient plus être honorées par les assureurs-vie sans les mettre en faillite, post éclatement de la bulle…

L’ultime tentation: tripatouiller les bilans des banques centrales

Les banques centrales occidentales sont assises sur des centaines de milliards de plus-values latentes dues à la sous-évaluation de l’or dans leurs bilans. Par exemple, l’Allemagne a acheté son or pour 8 milliards d’euros ; aujourd’hui, il vaut environ 180 milliards d’euros. Elles pourraient en théorie les utiliser pour annuler des pertes latentes / annuler des obligations souveraines. Cette pratique, connue sous le nom de «compte de réévaluation or», a déjà été utilisée dans les années 1930. Elle est formellement interdite par les États membres de l’UE. En pratique, pour contourner cet obstacle, les banques pourraient vendre l’or sur le marché et le racheter immédiatement… La Fed détient environ 330 milliards de dollars de pertes non-réalisées sur ses avoirs en obligations du Trésor. Alors que les États-Unis détiennent les plus grandes réserves d’or, soit 8 133 tonnes métriques, d’une valeur d’environ 474 milliards de dollars sur le marché, évaluées à un prix statutaire de 42,22 dollars l’once.

  • Les principes juridiques et comptables ont peu de poids face à la raison d’État. On découvrira bientôt de nouvelles astuces comptables, des réévaluations débridées d’actifs et des innovations numériques
  • La désinflation cyclique en cours sera de courte durée, car nos décideurs politiques seront obligés de générer une croissance nominale élevée, à tout prix
  • C’est peut-être ce que les actifs risqués (actions – haut rendement) pressentent: une faiblesse courte et bénigne, de la croissance réelle, rapidement inversée par des politiques vigoureuses de reflation !?

 

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