Je suppose que vous vous souvenez tous que jusqu’à hier matin, nous étions plutôt convaincus que la FED faisait son boulot, que les choses se passaient plutôt pas mal et que si tout allait bien, dans un an on pourrait passer l’été les pieds en éventail à regarder baisser les taux. Il y a encore 24 heures, on pensait même savoir ce que la FED allait faire en septembre et que le plan était pratiquement acté dans la tête des intervenants. Mais ça c’était il y a 24 heures. Depuis, Moody’s a downgradé une dizaine de banques américaines et le gouvernement italien s’en est pris aux siennes (de banques) pour en faire de la sauce tomates pour les pizzas.
L’Audio du 9 août 2023
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Pas pire que ce printemps
Alors il faut reconnaître que ça n’était quand même pas pire que quand la SVB Bank a mis les clés sous la porte ou quand nos génies nationaux suisses se sont mis en ensemble pour sacrifier ce qui restait du Crédit Suisse et en faire cadeau à l’UBS, mais c’était pas mal quand même. Pour des raisons de logique dans la narration du récit et pour respecter le décalage horaire, on va commencer par l’Italie.
Hier matin, juste avant de partir en vacances sur les plages de l’Adriatique, le gouvernement italien a décidé d’annoncer la mise en place d’un plan qui prévoit de taxer 40% des bénéfices que les banques italiennes auront fait sur la hausse des taux d’intérêts. Un plan qui devrait rapporter 2 milliards au gouvernement. 2 milliards qui seront affectés aux facilitations de prêts dans l’immobilier. On ne peut pas s’empêcher d’imaginer la tête des CEO’s des banques italiennes et de toutes les banques qui font du business en Italie. Ils ont quand même dû avaler l’expresso de travers et à voir comment ça toussait dans le secteur durant la séance d’hier, je pense qu’il y en a même qui ont dû avaler la tasse, la cuillère et le petit sachet de sucre posé sur le côté. En même temps, on peut presque rire de cette annonce qui fait un peu penser à Robin de Bois. Le gouvernement vient de taxer les riches (les banques) pour aller aider les moins fortunés. Et c’est un gouvernement très à droite de la droite qui est à l’origine de la chose.
À qui le tour ?
Mais au-delà de l’aspect politique, on peut comprendre le gouvernement italien. Et je dirais même : le soutenir, puisque les banques ont profité de la hausse des taux pour répercuter cette dernière pratiquement immédiatement sur les taux des crédits, mais par contre (Ô SURPRISE) on n’a pas vraiment constaté une hausse des taux sur les dépôts des clients. Un oubli certainement. Ou alors simplement l’envie d’aider les banques centrales à freiner en ne redistribuant pas trop d’intérêt pour ne pas pousser à la dépense. Cela paraissait plus simple et plus classe, que l’argent reste dans le coffre des banques – comme ça ils auraient eu un peu de cash en avance pour gérer la prochaine connerie qu’ils vont inévitablement nous faire dans les 5 prochaines années. Le secteur bancaire européen s’en est donc pris plein la figure et pour être franc, la nouvelle était tout de même rafraîchissante. On se demande d’ailleurs si les autres gouvernements européens n’auraient pas… le courage… de faire pareil ailleurs. Bon, bien sûr, pas en France, parce que Manu c’est quand même un banquier à la base, mais ailleurs… ça pourrait être intéressant.
La journée était pliée en Europe
Après l’annonce du gouvernement Meloni, la séance européenne s’est rapidement résumée à un bain de sang sur le secteur bancaire et à l’ensemble des indices dans le rouge. Ça, plus le fait que les ÉCONOMISTES STARS de la finance commençaient à trouver que les chiffres économiques chinois commençaient à sentir le roussi, que l’immobilier chinois continuait à creuser son trou et que l’on articulait même les mots récession et Chine dans la même phrase. L’ambiance n’était pas rose, pour ne pas carrément dire : morose. Mais c’était sans compter Moody’s qui avait décidé que Fitch avait été un peu trop dans la lumière ces derniers jours et qu’il était temps de faire parler d’eux. On attend avec impatience le coup d’éclat de Standard&Poors qui ne devraient pas rester en reste très longtemps.
L’organisme de rating n’a donc pas downgradé la dette US. Non, ça aurait été trop facile et ça aurait manqué de panache. C’est pourquoi Moody’s a décidé de downgrader la note de de dix banques de petite ou moyenne taille ET A ÉGALEMENT placé sous « surveillance » six banques bien plus grosses comme Bank of New York Mellon, U.S. Bancorp, State Street et Trust Financial. L’agence de notation a justifié son downgrade sectoriel par les risques croissants de rentabilité du secteur, citant les risques de financement et les craintes sur l’immobilier commercial. Pour être franc, Moody’s n’a rien inventé et même si tout le secteur en prenait pour son grade hier soir, ils n’avaient pas NON PLUS réinventé la roue. D’ailleurs, le Barron’s exprimait même son courroux dans un article publié cette nuit, expliquant qu’il n’y a rien de nouveau et c’est même une opportunité d’achat sur faiblesse. Alors bon, perso je ne mettrais plus jamais dix balles dans le secteur, même un lendemain de cuite avec 3 grammes par jambes pour rigoler, mais si même le Barron’s le dit, c’est qu’il y a encore de l’espoir.
Et l’inflation ? L’infla-quoi ???
Du coup, alors que lundi soir tout le monde se demandait ce que les chiffres de l’inflation allaient nous apporter et quel était l’avenir de la technologie dans le monde merveilleux de l’investissement. Soudainement, depuis les coups d’éclats de Meloni et de Moody’s, on ne parle plus que de ça. Et un peu de la Chine qui sert aussi d’alibi pour vendre deux-trois trucs ; pour ne pas citer Alibaba qui s’est prise 2.4% dans les dents sur la thématique. Pour faire simple, l’ensemble des gros indices étaient dans le rouge hier et c’est l’Italie qui remportait les points bonus pour avoir été le pire marché occidental pour la journée du 8 août 2023. Date qui restera dans les annales comme le jour où les banques se sont fait agresser par un gouvernement. Le choc a tout de même dû être terrible, parce que d’habitude les gouvernements sont plutôt là pour signer les chèques pour leurs sauver les fesses.
Ce matin l’ensemble des marchés asiatiques sont dans le rouge. De manière homéopathique, mais dans le rouge quand même – surtout maintenant que l’on considère que les chiffres économiques chinois sont « ALARMANTS » – le CPI qui vient d’être publié ce matin était mauvais aussi et on commence à parler de déflation. Bon, on notera au passage qu’hier les USA ont également publié leur balance commerciale et là aussi, c’était pas terrible. Mais c’est fou, parce qu’on se plaint beaucoup moins quand c’est les USA qui sortent des chiffres tous pourris. C’est vrai qu’il faut dire que depuis deux semaines ON SAIT QUE LES USA n’iront pas en récession et c’est aussi le pays des gentils, alors que la Chine, c’est le pays des méchants (selon la catégorisation hollywoodienne) – ne l’oublions pas. Le Nikkei recule de 0.2%, Hong Kong de 0.34% et la Chine de 0.3% à 4h36 du matin. Le pétrole est à 82.72$, bien qu’il ait toussé durant la séance d’hier à cause du ralentissement de l’économie chinoise. Le baril a cependant tout récupéré en moins de 24 heures et reste un foutu problème pour l’inflation. Et pas qu’aux States. L’or est à 1963$ et le Bitcoin est à 29’747$.
Les nouvelles du jour : tout le monde au régime
Du côté des nouvelles qu’il faudra retenir, on notera les mauvais chiffres de Beyond Meat qui faisaient état d’une chute des revenus de l’ordre de 30% sur 12 mois – visiblement l’envie d’être végan ou végétarien et de manger de la fausse viande est en train de passer à pas mal de monde. Le titre perdait 14% à 13$ et pour mémoire, Beyond Meat valait 222$ en janvier 2021 et c’était encore un coup sûr pour l’avenir. Hier il y a également eu les chiffres d’UPS qui n’étaient pas terribles, chute des expéditions, baisse des revenus. Ce qui paraît étonnant puisqu’Amazon faisait état d’un joli retour de la consommation la semaine dernière. UPS perdait plus ou moins 1% sur l’annonce. Pas de quoi paniquer non plus.
Et puis il y avait Eli-Lilly et Novo Nordisk qui étaient les stars de la séance d’hier. Les deux géants de la pharma ont tous deux fait des annonces positives. Chez Novo Nordisk ont annoncé que leur médicament contre l’obésité – le Wegovy – permettait de réduire les risques cardiaques chez les patients. Le titre a explosé de 15% et devenait la seconde plus grosse capitalisation européenne derrière LVMH. Du côté de chez Eli-Lilly, on a profité de la bonne nouvelle de la société danoise, puisqu’Eli-Lilly a aussi un médicament contre l’obésité, mais en plus la société a publié de très bons chiffres trimestriels et devient la 9ème plus grosse capitalisation boursière aux USA et la première pharma après un bon de près de 15% hier soir. On voit que même sur des grosses boîtes qui sont déjà beaucoup monté, l’effet FOMO est toujours aussi violent. Et puis, avec les coups de freins répété dans l’économie chinoise, ce matin on parle déjà de « stimulus à venir » et du fait que Xi-Jinping ne va plus avoir d’autre choix que d’agir avant que ça finisse dans le mur à grande vitesse. Et puis, nous terminerons avec la JOLIE PETITE NOUVELLE qui fait plaisir : le total des dettes via les cartes de crédits aux USA, vient de passer pour la première fois la barre des 1’000 milliards. Et ça tombe carrément bien, parce qu’avec un taux moyen au-dessus des 20%, ça va sûrement faciliter la dynamique de consommation américaine. Vous vous rendez compte ? 20% de taux d’intérêt ? Je crois que préfèrerais emprunter à Don Corleone et risquer d’avoir la tête de Tornado dans mon lit si je ne rembourse pas, plutôt que de me dire – avec le sourire – que pour le reste, il y a MasterCard !!!
Les chiffres du jour
Du côté des chiffres du jour, nous aurons les inventaires pétroliers – tiens, ça serait drôle qu’on nous annonce une chute des inventaires et que le WTI monte direct à 86$, ça mettrait l’ambiance pour les chiffres de l’inflation de demain. Pour les trimestriels, il y aura Sony – Nikon a foiré son trimestre ce matin déjà – puis il y aura aussi Roblox, Disney qui continue de faire des vagues à sa Blanche Neige LGBTQ+XYZ et son CEO qui semble ne plus rien comprendre. En Suisse il y aura Swissquote qui va publier.
Voilà. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une très belle journée (si vous n’êtes pas une banque) et on se retrouve demain matin pour se chauffer sur le CPI américain de jeudi qui ne manquera d’être une bonne nouvelle, sinon ça sera la faute des Chinois. Ou des Russes, si c’est pas les Chinois. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.09% et ça sent le rachat sur faiblesse.
À demain.
Thomas Veillet
Investir.ch