Ce matin, je me suis levé et j’ai commencé à lire la presse financière. Ce qu’il faut principalement retenir, c’est qu’on ne sait rien de ce qui va se passer ce soir, mais que l’on a plein de théories sur ce qui POURRAIT se passer en fonction de ce qui POURRAIT se dire ou même pire : se penser. Les experts en finance sont tous de sortie depuis plusieurs jours et tout le monde est en train d’envisager des pratiques Vaudou illégales pour essayer de deviner la suite des évènements. Une chose est absolument certaine – ou presque – c’est que près de 100% des experts en Jerome Powell, pensent qu’il ne va rien faire. L’important sera surtout de savoir ce qu’il va faire APRÈS.

L’Audio du 20 septembre 2023

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Comme chez le dentiste avec le Voici d’il y a huit mois

On ne va donc pas se mentir, mis à part l’IPO d’Instacart qui a explosé de 40% pour son premier jour de trading avant de se dégonfler et perdre trois quarts de sa hausse en clôture. Le nouveau downgrade sur la Société Générale qui doit commencer à se demander si ça ne serait pas une bonne idée de faire revenir Jerome Kerviel, parce que lui au moins, il gagnait du fric et mis à part le fait que le pétrole continuait dangereusement en direction des 100$ sur le Brent. Il faut tout de même reconnaître que la préoccupation principale était de savoir ce que va faire Powell ce soir et surtout ce qu’il pourrait nous donner comme description pour la suite du scénario.

Ça n’est pas la première fois que l’on passe notre temps à attendre en attendant un chiffre ou une information qui est censé changer nos vies d’investisseurs ou de traders. En général, on est souvent déçu et on se met immédiatement à la recherche du prochain chiffre qui lui, cette fois, pourra vraiment changer nos vies. Toujours est-il que là tout de suite, au sujet des déclarations de ce soir, on commence à avoir une vision plutôt claire de ce que l’on aimerait voir et de ce que l’on préfèrerait ne pas entendre.

La Hawkish Pause

D’ailleurs on se triture tellement les méninges au sujet de ce soir que l’on a même réussi à inventer un nouveau terme qui se rapporte aux banques centrales. Je vous préviens tout de suite, c’est un terme qui ne sert à rien dans la vie de tous les jours et qui ne s’applique à rien d’autre qu’aux banques centrales. J’irais même plus loin en disant que ça ne s’applique qu’à la FED.

Si l’on plante le décor : nous sommes à l’approche de l’automne 2023 et cela fait bientôt deux ans que la FED aura fait son combat de la lutte contre l’inflation, avec pour objectif de ramener ladite inflation en-dessous des 2%. À l’heure actuelle, ça va mieux, mais depuis quelques temps, on a de la peine à descendre plus bas que la zone des plus ou moins 4% où nous nous trouvons (je dis 4% parce que je fais une moyenne entre le CORE CPI et le CPI tout court – à la louche).

La FED se trouve donc dans une position délicate : elle sait que l’effet hausse de taux peut avoir un impact décalé dans le temps et elle en a besoin (de temps) pour voir si ça marche. Et par la même occasion, elle ne peut pas non plus se permettre de se détendre trop vite. C’est pourquoi le monde de la finance se dit que Powell ne peut plus (trop) monter les taux sans avoir plus de visibilité que cela – et il devrait donc se diriger vers une continuité de la PAUSE, mais qu’en même temps, il ne veut pas trop non plus que le consommateur se sente rassuré par rapport aux taux et qu’il ressorte acheter tout et n’importe quoi sous prétexte que « tout va bien ». Le patron de la FED se trouve donc coincé dans une position délicate :

1) Il ne peut pas monter les taux de peur de déclencher (potentiellement) une récession
2) Il ne peut pas les baisser parce que l’inflation n’est pas encore revenue là où il voulait
3) Il ne peut pas déclarer que son objectif des 2% est revu à la hausse à 3.5% parce qu’elle ne VEUT plus baisser qu’il n’y rien à faire. Les Américains ne sont pas prêts à se dire qu’ils vont vivre dans un monde ou l’inflation normale c’est 4% – il faut les endormir encore un peu.
4) Il ne peut pas ou ne veut pas non plus se montrer trop optimiste pour la suite des évènements, puisque le marché n’attend qu’un signe de sa part pour redémarrer, aller chercher les plus hauts et pousser le consommateur à dépenser avec tout le pognon qu’il aura fait dans le marché.

Powell est donc entrain de marcher sur de œufs. C’est pour cela que l’on a inventé un nouveau terme, le terme de HAWKISH PAUSE. Une Hawkish pause, c’est une situation dans laquelle se trouve un banquier central quand il ne peut plus ou ne veut plus monter les taux et qu’en même temps, il ne veut pas les baisser, voire ne veut même envisager de parler de baisse des taux éventuelles dans les 18 prochains mois. En gros, il nous dit qu’il est prêt à ne plus monter les taux, mais qu’on n’a pas intérêt à faire les cons, sinon il n’aura aucun scrupule à en remettre une couche et qu’en plus il ne nous dira pas ce dont il rêve pour 2024 au sujet de la baisse des taux.

Ce soir, c’est ton soir

Et c’est pour ça que 100% des économistes pensent que la FED ne fera rien ce soir, mais que l’on ne peut pas exclure qu’elle fasse quelque chose le mois prochain – lors du meeting du 31 octobre et du 1er novembre. Tout en sachant que le plus important dans la « com » de ce soir, sera de savoir si la FED a prévu – quelque part – de baisser les taux en 2024, ce qui semble peu probable, puisque Powell préfère nous garder le couteau sous la gorge pour ne pas qu’on s’emballe. Une HAWKISH PAUSE comme on dit. Depuis hier.

Vous l’aurez compris, la question de ce soir ne sera pas de savoir ce s’il va monter les taux, mais de savoir s’il y a la moindre possibilité qu’ils baissent l’an prochain. En attendant, les marchés n’ont pas fait grand-chose. En Europe c’était pathétiquement ennuyant et aux USA, ben c’était pas mieux. Techniquement ça n’est pas super-rassurant, puisque les rallyes déclenchés en fin de semaine dernière se sont fait laminer et ont été réduit à peau de chagrin. Pour le moment le CAC et le DAX sont revenus dans leurs canaux descendants à court terme et aux USA, le S&P500 est sur le bas de sa tendance haussière, pendant que le Nasdaq montre des signes de faiblesse, alors que les intervenants sortent de la tech en ces moments de tension. Je crois que le pire, c’est le SOX, le graphique du secteur des semiconducteurs semble en grande difficulté et la conférence d’Intel hier soir – Intel qui a laissé entendre qu’il y avait quelques problèmes au niveau des inventaires et qui plongeait de 4% dans la foulée – n’a pas vraiment aidé l’indice (considéré comme un indicateur avancé) à trouver un fond. Sans compter que la hausse du pétrole commence vraiment à faire peur – même si le baril semble s’être retourné cette nuit. (voir le graphique d’hier, histoire de voir que c’était pas complètement idiot)

L’Asie

La plupart des actions asiatiques étaient en baisse ce matin, les marchés restant largement « risk off », les faibles résultats économiques du Japon ont également pesé. Le Nikkei est en baisse de 0,6 %, les exportations et les importations du pays se sont contractées moins que prévu en août. Cependant, le déficit commercial du Japon s’est creusé beaucoup plus que prévu, on est au niveau le plus bas depuis trois mois – et c’est encore la faute de la Chine qui est l’une des principales destinations des exportations du pays. N’oublions pas non plus que vendredi nous aurons la Banque du Japon qui donnera ses visions de l’avenir et sur les taux. Hong Kong est en baisse de 0.75% et la Chine recule de 0.33%.

Pour ce qui est des matières premières, le baril version WTI est monté jusqu’à 92.43$ et soudainement, alors que tout le monde parle du « Baril à 100$ » comme un COUP SÛR, le baril en question se dégonfle comme une baudruche et donne l’impression de vouloir se faire une petite vague de correction à la baisse – ça tombe bien, il y a les inventaires ce soir, va y avoir du sport. L’or est toujours plus ou moins là où on l’avait laissé hier – à 1951$ – et le Bitcoin recasse discrètement les 27’000$ à la hausse, pendant que personne ne parle de lui.

Nouvelles du jour

En ce qui concerne les nouvelles du moment, on notera que Disney s’est fait taper sur le nez en baissant de 3.6% suite à l’annonce d’un plan d’investissement de 60 milliards sur 10 ans pour leurs parcs d’attractions. Longue vie aux files d’attentes, aux oreilles de Mickey et aux burgers immondes à 25$. Il y a aussi NIO qui a sorti un Convertible, ce qui faisait plonger le titre de 17% et le CFO de Boesch and Lomb qui a donné son sac pour 8% de baisse. Pendant ce temps, le Président Ukrainien continue de faire la quête à Washington et les montants prélevés auprès du contribuable américains devraient être annoncés prochainement. Ça tombe bien, parce que depuis que le plafond de la dette a sauté, les USA se sont endettés de 1’000 milliards de plus en 3 mois, donc ils ne sont pas à 20 ou 30 milliards près… Et puis c’est rassurant, parce que comme ils n’ont plus de plafond avant la prestation de serment du nouveau Président en 2025 – Président qui ne sera pas Joe Biden, d’après les sondages – on peut rapidement faire une règle de trois et se dire que l’on devrait être à 38’000 milliards de dette d’ici-là. Mais apparemment, c’est pas grave.

Il faudra encore retenir que les nouvelles mises en chantier aux USA sont au plus bas depuis 2020 – ça n’est pas un bon signe pour l’économie. Il y aussi la Chine qui signale que la demande de cuivre est en baisse, signal que quelque chose est en train de ralentir plus que prévu quelque part. Pas un bon signe non plus. Et puis, il y a les gourous du jour, puisque Dan Ives – mégabull sur la tech devant l’éternel – qui pense que la fin d’année sera bullish, sans compter que 2024 sera une hausse sans faille sur les marchés et sur la tech en particulier. Pour ceux qui pensent que les arbres ne montent pas au ciel, il se pourrait que Dan Ives ne soit pas complètement d’accord avec vous. Du côté de Jeremy Siegel, professeur à la Wharton School, pour ceux qui veulent investir sur le long terme, la bourse est une très belle opportunité en ce moment. Mais pour être franc avec vous, vous pouvez éplucher le Wall Street Journal en long et en large, à la fin vous verrez que la seule chose qui nous importe VRAIMENT ; c’est ce que va dire Powell en fin de journée..

Ensuite, demain sera un autre jour… Il me reste donc à vous souhaiter une belle journée de patience en attendant ce soir. En ce qui me concerne, je vais aller chez BFM-TV et je vous retrouve demain pour faire le point sur les tribulations de la FED à Washington.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“If you look at what you have in life, you’ll always have more. If you look at what you don’t have in life, you’ll never have enough.”

– Oprah Winfrey