Je ne vais pas vous mentir, jusqu’à mercredi soir, on ne va parler que de la FED et ce qu’elle ne va pas faire. MAIS aussi de ce qu’elle pourrait faire d’ici la fin de l’année. Sans compter que l’on va analyser en détail ce que va dire Powell. D’ici mercredi soir, nous allons donc avoir droit à toutes les théories possibles et imaginables sur ce qui pourrait être dit, fait ou même pensé ! On l’a vu la semaine dernière, on a Lagarde qui prend tout le monde à contrepied en montant les taux, mais malgré ça, les marchés explosent à la hausse « parce que c’est sûr, c’était la dernière fois qu’elle montait les taux ».
L’Audio du 18 septembre 2023
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Et cette semaine, ça sera pareil
En résumé, on continue à faire dire aux banques centrales ce dont l’on a envie qu’elles disent et même si elles ne le disent pas, on fera comme si elles l’avaient dit. Nous avons cette fabuleuse capacité de faire croire que l’on sait exactement ce qui va se passer alors que ça reste quand même pas mal d’approximation dans nos prévisions. Mais peu importe, pour le moment les marchés montrent qu’ils sont résilients et que rien ne peut vraiment les faires baisser. L’interprétation de la hausse des taux de la BCE était le meilleur exemple de la semaine dernière et rien qu’en lisant les articles du week-end sur la perception que l’on a de l’économie actuelle, c’est absolument mythique.
On nous dit un peu partout que l’inflation est sous contrôle et que tout va bien, mais en fait les Banques Centrales se montrent encore assez enclines à monter les taux. Quand elles montent les taux, on se dit que c’est la dernière fois et que ça prouve que l’inflation est sous contrôle, pour faire simple on se raconte les histoires que l’on a envie d’entendre. Pourtant, lorsque l’on se penche quand même sur la réalité, la hausse des prix de la nourriture a clairement un impact sur la vie de tout le monde. Tout augmente et dans la vie de tous les jours, tout le monde le ressent. Sauf Bernard Arnault, Elon Musk et leurs amis, bien sûr. Et encore, je ne parle même pas du prix du litre d’essence qui est en train de nous péter à la figure.
Mais on y croit
Pourtant, on y croit et rien ne semble pouvoir freiner la marche en avant des bourses mondiales qui anticipent toujours que ça ira mieux demain. Reste à définir exactement les contours du mot « demain ». Est-ce que l’on parle réellement du demain de dans 24 heures ou est-ce que l’on parle de « demain », on entend : « tout ce qui vient après l’instant présent et les 4 prochaines années ??? ». Pour être franc, j’ai quand même le sentiment que l’on s’accroche à la paroi en mode Sylvester Stallone dans « Cliffhanger » en attendant un miracle, plutôt que l’on soit réellement convaincu que TOUT VA BIEN. Ou alors c’est seulement dans les délires les plus fous dans la tête des stratégistes de Wall Street qui ne voient pas les choses de la même manière depuis leur tour d’ivoire. Et pendant ce temps, les gens de Main Street se demandent bien comment ils vont faire, eux qui ne vivent pas dans un spreadsheet excel.
Lorsque je lis les résumés du marché de la semaine dernière, je me dis que l’on ne vit pas dans le même monde. Mais pourtant on entend dire que les « intervenants » ont trouvé les paroles de Madame Lagarde « rassurantes » et qu’elle a clairement exprimé « à mots couverts » que la BCE avait fini de monter les taux. Et ça nous a rendu heureux. Ce que l’on a tendance à oublier, dans ce genre de situation, c’est que si la situation venait à se dégrader, Madame Lagarde n’en aurait strictement rien à foutre de venir piétiner notre bonheur si cela devait s’avérer nécessaire. Si vous cherchez encore plus loin dans les commentaires boursiers de la semaine dernière, vous vous rendrez compte que les marchés européens sont montés parce qu’ils étaient rassurés par « l’amélioration des chiffres économiques chinois ». Lorsque l’on parle d’amélioration, c’est surtout que les chiffres chinois de la fin de semaine n’avaient pas EMPIRÉ. Comme quoi on se raccroche à ce que l’on peut et on préfère (pour l’instant) faire de la pensée positive. Voire très positive.
Des fissures
Pourtant, alors que la fin de semaine se faisait en fanfare jeudi et vendredi, en toute fin de journée de vendredi il s’est passé un truc pas très joli-joli. Alors il faut reconnaître que ça n’a pas été très « relevé » parce qu’on était trop contents de voir comment on avait trop bien géré la semaine. Cependant, en toute fin de journée en Europe et en milieu de séance à New York, nous avons eu droit à un communiqué de presse de Taïwan Semi’s qui ont demandé à leurs fournisseurs de silicium de se calmer, parce qu’ils n’étaient plus très sûr que leurs clients allaient maintenir une forte demande. Du coup, ASML (qui est un des fournisseurs en question) s’est fait déglinguer et TSM aussi, bien sûr.
Mais, au-delà de cette nouvelle quelque peu désagréable, on a commencé à se demander si – par le pur des hasard – la demande de semiconducteurs n’était pas en train de fondre comme neige au soleil. Si c’était le cas, ça n’arrangerait que moyennement le secteur technologique dans son ensemble, d’ailleurs, vendredi soir on a bien vu que la tronche de certains graphiques n’était pas terrible. Déjà le Nasdaq a effacé tout le boulot de la semaine en 2 heures et pire, le SOX termine au plus bas de la semaine en cassant la tendance haussière en base hebdomadaire. Sachant que le SOX est et reste un indicateur avancé, on aurait pu tout de même espérer une meilleure clôture. Sans compter que ce matin on apprend que les Chinois ont passé le week-end à envoyer des avions de combat autour de Taïwan, on se passerait quand même bien d’une autre guerre – surtout que celle-là, aurait probablement plus de conséquences, surtout parce que Biden n’attend que ça pour avoir SA guerre, comme tout bon démocrate. Bref, toujours est-il que cette semaine on va brasser de l’air en attendant la FED et tout le monde va avoir un avis sur le sujet et sur tout un avis sur ce que va faire Powell, sur ce que va dire Powell ou sur ce qu’il ne va pas dire et ne pas faire. Mais en plus des tergiversations des membres de la FED qui sont attendues pour mercredi soir, il va aussi falloir se méfier des indices qui sont fatigués aux USA et surtout sur la tech.
Le lever du soleil en Asie
La plupart des actions asiatiques sont en baisse en ce lundi, les investisseurs préférant quand même éviter les risques avant une série de décisions sur les taux prévus pour cette semaine. Oui, parce qu’en plus de la FED, il y aura aussi les Anglais qui vont monter les taux et les Japonais qui ne devraient rien faire vendredi. Les Japonais qui sont d’ailleurs en vacances ce matin. Le Hang Seng est le moins performant de ses pairs, en baisse de 1 % se rapprochant de ses plus bas de dix mois, suite à une nouvelle pression vendeuse sur l’immobilier. Le groupe Evergrande est en baisse de près de 20% après que le promoteur en difficulté ait retardé la restructuration de sa dette. Sans compter que certains employés d’Evergrande sont également détenus par les autorités chinoises. Shanghai est en baisse de 0.05% à l’instant où je vous parle.
Pour le reste, le WTI est toujours au-dessus des 90$, il se traite à 90.42$ ce matin et reste quand même vachement fort. Mais heureusement, il y a un génie dans le gouvernement français qui a trouvé une solution, puisque le gouvernement de l’excité de l’Élysée a « autorisé les compagnies pétrolières à vendre de l’essence à perte, si elles ont envie ». Il faut quand même être complètement CON pour « autoriser » une société à perdre de l’argent « si elle a envie ». C’est un peu comme si on nous disait à nous, en Suisse : « si vous voulez, vous pouvez payer plus d’impôts, c’est vous qui choisissez ». Oui, bon, c’est un mauvais exemple, parce que les Suisses Allemands seraient d’accord, mais toujours est-il que dorénavant, en France, si vous êtes une société pétrolière, vous avez le droit de vendre à perte. Même si le pétrole frise les 100$. Pendant ce temps, l’or est à 1950$ et le Bitcoin est à 26’600$.
Les nouvelles du jour
Dans les news du jour, on retiendra que la première page du FT commence déjà la semaine avec des prédictions sur la FED. Pour le moment, on pense que Powell ne fera rien mercredi, mais qu’il va clairement laisser la porte ouverte pour la hausse des taux le 1er novembre. Ce que l’on ne veut pas entendre, c’est que les taux ne baisseront pas en 2024 et pas tant que l’on n’est pas sous les 2% – parce que ça, ça commence à faire son chemin dans nos têtes : une inflation sous les 2%, ça pourrait bien devenir de la science-fiction pendant quelques années ! Autrement on retiendra que la Californie attaque les « big oils » en leur reprochant le changement climatique. Ils affirment qu’ils savaient. Les Américains sont formidables, on ne se lassera jamais de leurs idées de procès.
Autrement, durant le week-end les gourous sont sortis et globalement, ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils sont tous « super-prudents ». Grantham continue d’enfoncer le clou, Dalio pense qu’il faut faire très très attention, les stratèges de JP Morgan sont en PLS tellement ils ont peur, Jim Chanos réitère son short sur Tesla en estimant que les valorisations sont « complètement » débiles. Mike Wilson de chez Morgan Stanley pense que les « fissures » commencent à apparaître et que le risk/reward n’a jamais été aussi mauvais sur les actions. Et puis le patron de Citadel, Ken Griffin est également « très inquiet » sur la capacité de ce rallye à continuer. La seule chose de rassurante, c’est que ça n’est pas quand tout le monde est négatif que l’on va baisser, mais quand même. Il y a aussi un chiffre intéressant à noter, c’est que depuis le début de la hausse des taux, le nombre de sociétés US qui ne peuvent plus rembourser leur dette a augmenté de 176%. Alors oui, on ne parle « que » de 69 sociétés qui sont en défaut, mais quand même, ça augmente et ça n’est pas forcément bon pour la confiance. Et puis, pour terminer sur une note de géopolitique, il y a le CEO de l’Ukraine qui sera à Washington cette semaine, puisque son pays à encore besoin de 21 milliards, il va aller les chercher là où ils peuvent les imprimer directement.
Les chiffres du jour
En ce lundi matin, il n’y aura pas de chiffres économiques et dans 60 heures, nous connaîtrons le sort des taux d’intérêts américains et nous saurons si Powell sera canonisé à la fin de la semaine ou pas. Pour le moment, les futures sont en hause de 0.22% et on veut croire que le « bull market » est toujours vivant. En tous cas, il y en a une qui est morte, c’est la volatilité qui ne veut plus avancer. Mais il faut toujours se méfier de la volatilité qui dort !!!
Je vous souhaite un excellent lundi, un très bon début de semaine et comme d’habitude, je vous retrouve demain pour de nouvelles aventures.
Thomas Veillet
Investir.ch
“Peace comes from within. Do not seek it without.”
– Muhammad Ali