Il est tout de même étonnant de se souvenir que la semaine dernière, quand la BCE monte les taux par « surprise », le marché explose de 2 ou 3% dans la foulée parce que « c’est probablement la dernière fois » et qu’hier, le premier jour de trading APRÈS le discours mitigé de Powell qui a maintenu les taux là où ils sont et laissé entendre qu’il finirait bien par les baisser un jour ou l’autre, les indices se sont à moitié effondrés pour nous offrir la pire séance du S&P500 depuis le mois de mars !!! On avait presque oublié que ça pouvait baisser !!! Même l’indice de la peur est remonté jusqu’à 17% et soudainement on trouve enfin des articles qui se demandent où sont les prochains supports.

L’Audio du 22 septembre 2023

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À la recherche du prochain support

Il est étonnant de voir que ce matin on se demande si le S&P500 va s’arrêter à 4’300 ou est-ce qu’il a la puissance de baisser 100 points de plus pour atteindre les 4’200 et que personne ne nous parle plus d’achat sur faiblesse. Nvidia a perdu 180 milliards de capitalisation boursière depuis le début du mois et si elle ne tient pas les 400$, c’est la moyenne mobile des 200 jours qui lui tend les bras. En allant à 311s, Nvidia comblera le gap laissé lors de l’explosion haussière de mai créée par une croissance délirante, ce qui ne serait pas plus mal mais qui risque de mettre un « stop » momentané à l’ascension de l’intelligence artificielle. Pendant ce temps, le pétrole fait des tentatives pour baisser mais ; rien à faire. Ce qui n’arrange pas forcément les bidons de l’inflation, même si en ce moment ça n’est pas la préoccupation principale.

Et puis le rendement du 10 ans américain vient d’atteindre des niveaux que l’on n’avait plus vu depuis 2007 – oui, il y avait une vie avant la crise des subprimes – sans compter que les experts sont maintenant convaincus que l’on va aller à 8% sur le taux hypothécaire à 30 ans – salutations amicales aux nouveaux acheteurs d’immobilier aux USA, non seulement les prix du marché explosent dans certaines régions parce qu’il n’y a plus rien à vendre et ceux qui arrivent quand même à acheter sont victimes de plus gros hold-up bancaire de ces 30 dernières années – les subprimes mis à part, puisqu’à cet époque, les banques étaient au top de leur jeu. Époque bénie que l’on ne reverra pas. Enfin que l’on ne reverra pas tant qu’ils n’ont pas trouvé une nouvelle connerie à faire un nouveau produit qui fait gagner du pognon à tous les coups.

Mais là n’est pas le sujet. Le sujet d’hier c’était le décorticage détaillé du FOMC Meeting.

L’enquête

Tout d’abord, si l’on relit le communiqué de presse de la FED – non sans avoir avalé un litre de café mélangé à du concentré de Red Bull pour être certain de ne pas s’endormir tellement c’est chiant – on ne peut pas nier tout de même, que la photo présentée par la FED n’est pas si moche que ça. Les projections de mercredi tentent tout de même de faire passer un message relativement optimiste et assez clair : les responsables de la Fed prévoient que les taux d’intérêt resteront supérieurs à 5 % jusqu’à la fin de l’année prochaine, tandis que le chômage sera moins élevé et la croissance économique plus forte que prévu.

Si l’on se base là-dessus, on ne peut pas dire que ça soit si moche que cela. Oui, les taux vont rester élevés. En revanche, l’inflation devrait progressivement se calmer dans une économie qui continue à fournir de l’emploi et qui devrait avoir une croissance relativement correcte et bien loin d’une récession. OUI, 1.5% de croissance du GDP, c’est loin de la récession ! Mais là où ça se corse pour les marchés et ce qui a « PROBABLEMENT » fait flipper les vendeurs ; c’est le discours de Powell. Le patron de la FED s’est montré toujours fermement « hawkish », en expliquant qu’il allait surveiller les chiffres économiques jour après jour pour savoir quoi faire, il a clairement reconnu que la FED naviguait à tâtons, ce qui remet obligatoirement en question la « qualité » des prévisions précitées : Comment peuvent-il savoir comment l’économie va se comporter et où seront les taux en 2025, alors qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils feront demain par manque de visibilité.

Dissociation

Du coup, on se demande comment fait la FED pour donner deux messages différents lors du même meeting et ça n’a pas forcément fait plaisir aux intervenants qui aiment bien qu’on leur tienne la main et qu’on leur communique des informations très précises. Bref, dans ce genre de « misunderstanding » dans la communication de la FED a donc déclenché ce qui peut se rapprocher le plus d’un mouvement de panique – mais attention, un mouvement de panique version 2023, ce qui revient à dire que ça n’était quand même pas si méchant que ça et que tout espoir n’est pas perdu. Et ce, même si le rendement du 10 ans est à 4.5% et que le WTI frise les 91$.

Les indices n’ont donc pas trop aimé la séance d’hier et en Europe non plus. L’Europe qui, je le rappelle était montée comme une fusée lors de la hausse des taux de la semaine dernière. L’Europe qui baissait furieusement parce que les Américains n’ont pas monté les taux, mais qu’ils ont aussi dit qu’ils ne les baisseraient pas tant que ça en 2024. Dans la foulée, les Anglais n’ont pas monté les taux et s’estiment CONTENTS parce que les prix se sont « stabilisés » et que l’inflation ne progresse plus. C’est chouette tout est plus cher que c’était déjà très cher il y a deux ans, mais maintenant on est content parce que ça ne va pas empirer ! Bon, il va quand même falloir choisir entre mettre de l’essence dans la voiture et manger, mais autrement ça va. Et puis de toutes façons, les Anglais ont trouvé la solution, puisque dans certaines parties du pays, t’as même plus le droit de prendre ta voiture pour aller bosser au risque de te faire coller une amende. On dirait que c’est presque pire qu’à Genève depuis qu’ils ont collé des écologistes à la mobilité – j’ai dit « presque pire ».

Pendant que les Anglais n’ont rien fait sur les taux, la BNS a fait pareil. La Banque Nationale Suisse nous a d’ailleurs gratifiés d’un discours parfaitement neutre dont ils ont le secret en Suisse : « le resserrement important de la politique monétaire au cours des derniers trimestres a permis de contrer la pression inflationniste persistante. Nous n’excluons cependant pas qu’un nouveau relèvement de taux devienne nécessaire pour assurer la stabilité des prix à moyen terme ». En gros : « on a fait tout juste parce qu’on est les meilleurs, mais ça veut pas dire qu’il faut sortir dans la rue en s’arrosant de champagne et en se tartinant de foie gras, les taux pourraient monter encore. Ou pas ». Le SMI a terminé au plus bas de la séance avec un candlestick de renversement qui fout les jetons. Bref, ça serait pas mal que ça s’arrête de baisser aujourd’hui, sinon ça risque de piquer un peu.

En Asie

Ce matin le Nikkei était en baisse de 0,2 % après avoir chuté de 1 % plus tôt dans la journée.
La BOJ a maintenu les taux à des niveaux négatifs et a déclaré qu’elle poursuivrait son stimulus, ce qui a déçu certains investisseurs qui espéraient des signaux hawkish.
Comme quoi on n’a pas tous les mêmes attentes au même moment. À l’heure où je vous écris cette carte postale des marchés, on attend impatiemment le discours du gouverneur Kazuo Ueda. En Chine, on parle liquidités et stimulus, ce qui permet aux marchés de monter respectivement de 1.2% à Hong Kong et de 0.7% à Shanghai.

Du côté du pétrole, comme je vous le disais avant, le baril continue de faire de la résistance et malgré plusieurs tentatives cette semaine, il ne veut pas baisser. L’or noir se traite à 90.36$ et l’or est à 1943$. Du coté cryptos, le Bitcoin est 26’600$.

Nouvelles neuves

La grosse nouvelle d’hier qui est passé presque inaperçue dans le marché tellement nous sommes obsédés par la FED et les taux, c’est le take-over de la journée, puisque Splunk vient de se faire avaler par Cisco pour 28 milliards de dollars. C’est la plus grosse acquisition de l’histoire de Cisco et toute la presse salue l’opération qui « fait totalement du sens » selon les experts. Splunk a pris 20% et Cisco était en légère baisse le temps que l’on comprenne bien le deal financier derrière. Les 28 milliards seront probablement payé via un mélange de cash et d’échange d’action. Il y a aussi Jeff Gundlach qui a mis en garde les investisseurs contre de nouvelles hausses de taux d’intérêts et du fait que l’inflation pourrait continuer à montrer de la résistance. Il y a aussi le CEO de l’Ukraine qui fait sa tournée de promotion à New York, après avoir fait un discours solennel à l’ONU, il a rencontré Ken Griffin et Bill Ackman pour envisager la reconstruction de l’Ukraine en collaboration avec des Hedge Funds. On croit rêver, c’est presque trop bien huilé pour que ça soit réel.

Dans les nouvelles qui font rigoler, on notera que selon un rapport américain, le nouveau chasseur F-35 n’est capable de voler uniquement 55% du temps. Et ça c’est aux États-Unis, en Suisse, si l’on tient compte des horaires de bureau et du fait qu’il ne faut pas faire trop de bruit pour ne pas déranger les voisins, c’est encore pire. En gros, l’avion aurait des problèmes de maintenance et on remet en question ses capacité de vol en cas de gros temps. Il est temps de mettre en place une loi internationale qui oblige les combats aériens uniquement par beau temps. Dans une autre nouvelle qui fait rire, le prince MBS qui « dirige » l’Arabie Saoudite, a été interviewé par une chaîne de télé américaine qui voulait savoir si les investissements massifs dans le sport effectués ces derniers mois par son pays, n’avait pas de mauvaises influences sur le sport. Le prince régnant a déclaré que si ses investissements augmentaient le GDP de son pays de 1%, il n’en avait rien à foutre si cela posait un problème au sport et aux étrangers. Depuis, il paraît que les journalistes qui posaient la question ont été invité à l’ambassade saoudienne d’Istanbul.

Côté chiffres

Ce matin nous sommes vendredi et c’est peut-être la meilleure nouvelle de la journée. Les futures sont légèrement en hausse et il n’y aura pas de chiffres économiques majeurs, mis à part des PMI’s en France et en Allemagne et en Europe. En France, cela n’aura aucun impact, puisque l’ensemble du gouvernement français est occupé par les agapes avec le Roi Charles et qu’ils sont tous en train de digérer les tonnes de homards, de tourteaux et de poulardes qui ont été servis à Versailles. Macron doit se ronger les ongles de rage à l’idée que la France n’est plus une monarchie, pendant qu’Elisabeth Borne est en train de se demander comment elle va faire pour demander aux Français de se serrer la ceinture pendant l’hiver et pendant qu’elle digère son homard surtout.

Il me reste à vous souhaiter une belle journée, un excellent week-end et on se retrouve lundi en espérant qu’aujourd’hui, nous aurons réussi à digérer ENFIN, le discours de la FED.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Remember that happiness is a way of travel, not a destination.”

– Roy M. Goodman