Pour la première fois depuis des mois, j’ai décidé de « traiter » l’inflation et de me poser devant mon écran de trading pour « profiter » de la publication des chiffres du CPI que l’on attendait depuis lundi. Je me disais qu’il suffisait de prendre le marché à contrepied du mouvement qu’il ferait lors de l’annonce pour essayer de gratter quelques points sur le future S&P. Alors je me suis assis, j’ai observé les mouvements du future S&P lors de l’annonce comme si ma vie en dépendait, les chiffres sont sortis – plus ou moins en ligne – et il ne s’est rien passé. Heureusement Krugman s’est fendu d’une nouvelle déclaration mythique et ça nous donné un truc à faire : RIRE !!!

L’Audio du 13 octobre 2023

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L’immobilisme et l’emmerdement maximum

Ce matin j’ai encore les yeux qui me font mal d’avoir regardé les futures osciller entre 4391 et 4381 pendant de longues minutes avec des volumes qui donnaient l’impression que tout le monde était resté collé sur une terrasse. Il faut dire que les chiffres publiés hier n’ont pas changé grand-chose dans nos esprits visionnaires d’investisseurs à long terme. Le CPI est sorti à peu près au même niveau où on l’attendait et il ne nous donnait pas forcément envie de changer de scénario. Scénario qui – pour le moment – confirme que la FED ne fera rien lors du prochain meeting qui se tiendra le 31 octobre et le premier novembre, par contre on est quand même en train de comprendre que les chiffres publiés montrent que la hausse des prix et moins forte, mais que ça monte toujours.

Hier les dernières données du CPI ont démontré que le taux annuel d’inflation n’avait pas bougé depuis le mois dernier. D’aucun diront même que la lecture des chiffres montre que c’est quand même plus « hot » que prévu. Mais pas assez « hot » pour faire broncher le marché. L’indice des prix à la consommation de septembre nous a dit les prix ont augmenté de 0,4 % le mois dernier, juste au-dessus des attentes des économistes qui tablaient sur une augmentation de 0,3 %. Le CPI de base, qui exclut de l’alimentation, l’énergie et tous les trucs dont a vraiment besoin est sorti à 0,3 %, ce qui était – pour une fois – complètement dans les attentes. Joie et bonheur. Pour une fois on a une prévision qui est tombée dans les attentes !!! Si l’on se base sur les chiffres annuels, les prix à la consommation ont augmenté de 3,7 %, comme au mois d’août, mais au-dessus des 3,6 % attendus par les économistes. Du coup, les analystes en ont conclu que les données sur l’inflation n’offraient pas beaucoup d’indications sur les prochaines décisions de la FED. On reste plus ou moins convaincu que la FED ne fera rien lors du prochain meeting, mais la probabilité d’une hausse en décembre augmente progressivement dans la tête des experts.

Même pas peur

Ces derniers chiffres ont donc un peu refroidit le marché tout de même, puisque les experts pensent que tout n’est pas encore gagné, puisque le scénario « idéal » que l’on s’est construit depuis quelques semaines – scénario qui se base sur le fait qu’il suffirait de garder les taux élevés pendant longtemps, ne suffirait plus à lui tout seul pour ramener l’inflation sous les 2% comme Powell en rêve toutes les nuits. Nous ne sommes pas vraiment sur le fleuve tranquille économique que certains sont en train de nous vendre. Certains comme Paul Krugman. Le chroniqueur économique du New York Times et prix Nobel d’économie vient d’ailleurs de nous refaire une explication de texte dont il a le secret, puisque dans la foulée de la publication des chiffres du CPI, l’économiste américain a réussi à publier un « tweet » qui disait :

La guerre contre l’inflation est terminée. Nous avons gagné ! Et pour pas cher !!!

Cette danse de la victoire n’est pas passée inaperçue, puisqu’il s’est immédiatement fait démonter par la concurrence. On peut parfois se demander comment un Prix Nobel est capable de publier des conneries pareilles sur « X » (ex-Twitter), sans réfléchir trois minutes avant de le faire. Je ne conteste pas le fait qu’il peut éventuellement peut-être être un visionnaire – bien que j’en doute – mais quand on voit l’augmentation des prix réels d’à peu près tout, on peut se demander s’il n’y a pas un meilleur moyen de communiquer avec Main Street, plutôt que de passer pour connard arrogant.

Si l’on regarde « les autres chiffres », on peut aussi noter que :

– l’inflation sur les assurances voitures est de 18.9%
– l’inflation sur l’entretien auto est de 10.2%
– l’inflation des transports publics est de 9,1%
– les loyers sont en hausse de 7.4%
– le coûts des charges des propriétaires est en hausse de 7.1%
– la restauration et la nourriture à l’emporter sont en hausse de 6.0%
– Les prix de la viande et de la volaille subissent une inflation de 4.8%

On peut donc en déduire que si l’inflation globale a baissé par rapport à ses niveaux les plus élevés, de nombreux produits de première nécessité connaissent encore une inflation de plus de 5 % – et que donc, il faudra retenir qu’il n’y a pas de déflation, mais bien une désinflation. Si le taux d’inflation a baissé, les prix continuent d’augmenter et pas qu’un peu si l’on se base sur les prix du jus d’orange par exemple. Et je ne parle même pas de l’essence. Du coup, les déclarations de Krugman paraissaient complètement connes et on commence à se demander s’il a conservé toute sa tête ou s’il a sombré dans la drogue et l’alcoolisme. La meilleure réponse à son « tweet » aura probablement été apportée par Tim Murtaugh, ex-responsable de la communication dans la campagne de Trump en 2020. Il s’est fendu d’un tweet laconique qui disait :

« C’est une nouvelle fantastique pour les Américains qui n’ont pas besoin de se nourrir, un endroit où habiter et qui n’utilisent ni électricité, ni pétrole »

Ce qui fait bien sûr référence au fait que Krugman s’est basé sur le CORE CPI pour justifier son annonce – CORE CPI qui exclut globalement tous les trucs qui montent. En conclusion de cette journée soporifique et ennuyeuse à un point qu’à un certain moment j’ai presque eu envie de me refaire la saison 1 de l’inspecteur Derrick en version originale, on retiendra que l’inflation est sous contrôle – selon l’angle où l’on se place – mais qu’il n’y a pas encore de quoi faire une danse de la victoire pour fêter ça, surtout que les prix du champagne sont encore montés de 5% le mois dernier.

Et maintenant ?

Si l’on fait le bilan de la séance d’hier, les indices ont terminé en légère baisse. Il faut dire que comme ça montait sans discontinuer depuis 4 jours, il fallait bien qu’un moment nous revenions à la réalité. Et là, tout d’un coup, à quelques heures du week-end et du retour de la pluie, on a commencé à se dire que l’on allait devoir commencer à se concentrer sur les chiffres du trimestre et qu’il fallait donc passer en mode « micro-économie » alors qu’avant nous étions en mode « macro ». Peut-être que finalement, la séance du 12 octobre était une séance de transition pour laisser le temps à nos esprits de switcher entre « experts en décision de la FED » et « expert en gestion d’entreprise pour expliquer aux CEO’s de ces mêmes entreprises ce qu’ils auraient pu faire de mieux ». C’est toujours bon d’expliquer au monde combien nous sommes supérieurs, nous, les gens issus du monde merveilleux de la finance.

Bref, hier le S&P500 a perdu un peu plus de 0.6%, tout comme le Nasdaq. En Europe on reculait de 0.25%-0.3%. Ce matin en Asie on est en plongée de 0.4% Tokyo, 2% à Hong Kong et de 0.6% en Chine. Les actions asiatiques baissaient alors que l’on a peur d’avoir des taux élevés pour « plus longtemps », même si nous sommes virtuellement incapables de dire ce que signifie « plus longtemps ». On notera tout particulièrement la baisse des actions chinoises après des chiffres du CPI en Chine qui sont restés stables en septembre, tandis que les prix à la production ont diminué à un rythme plus lent. Du coup, on parle de déflation. On en avait bien besoin. Le pétrole est à 83.57$, l’or est à 1886$ et le Bitcoin est à 26’826$.

Les nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on notera la publication des chiffres de Delta. Le transporteur aérien a annoncé un bénéfice pour le troisième trimestre supérieur aux attentes, et a déclaré que la « forte demande » de voyages qu’il a constatée depuis des mois s’est poursuivie au cours du trimestre actuel. Le titre perdait 2.3%. Oui, vous avez bien lu : bons chiffres, meilleurs que les attentes, forte demande, mais y avait quand même un truc qui ne plaisait pas. Sûrement parce qu’il y avait plus de vendeurs que d’acheteurs ! Il y aussi Walgreen Boots qui a publié des chiffres tous pourris, en-dessous des attentes et qui s’attendent à un trimestre immonde. Pourtant le titre prenait 7% sur la séance. J’ai comme l’impression que la saison des publications du Q3 va être super-longue et super-compliquée à interpréter. Ou alors il va peut-être falloir commencer à prendre des produits illégaux pour compenser.

À propos de produits illégaux, il faut retenir également que Monsieur Krugman – en plus de nous expliquer comment fonctionne SON inflation à lui – il a trouver encore le moyen de nous expliquer comment régler le problème du budget américain. C’est simple, il suffit d’augmenter les impôts et les taxes ou de supprimer les programmes d’aides sociales. Il est déjà sympa d’avoir dit « OU » pas « ET ». En tous les cas, je ne sais pas ce qu’il cherche en ce moment, mais il va se faire jeter des pierres par les gens qui vont le croiser dans la rue. Et vu le nombre de gens armés aux USA ; pas sûr que ça se limite aux pierres. Mais ça n’est pas tout du côté des économistes, puisque Monsieur Roubini est également venu s’exprimer pour nous prévenir que « le marché n’avait pas encore complètement intégré le fait qu’il pourrait y avoir un conflit massif au Moyen Orient ». Oui, en effet. Merci Monsieur Roubini. On peut donc passer à autre chose et on notera que la Chine a interdit à ses citoyens d’aller ouvrir des comptes à l’étranger. Ça sent la liberté et la joie de vivre à plein nez. Et puis, pour terminer également sur une note joyeuse, il faut également prendre note du fait que la dette du gouvernement US est en train de prendre l’ascenseur à toute vitesse. Depuis les deux clowns de Washington on fait péter le plafond en juin, c’est open bar et plus personne n’a de limites, t’as besoin de pognon, fais-toi plaisir. Au rythme actuel, les USA s’endettent de 1’000 milliards supplémentaire tous les 45 jours – actuellement nous sommes à 33’550 milliards, je vous laisse faire le calcul, sachant que la prochaine fois que Washington se préoccupera du plafond nous serons en janvier 2025.

Politique encore

Toujours au chapitre de la politique US, alors qu’hier nous pensions avoir trouvé un « Speaker of the House » en la personne de Steve Scalise, mais il n’a pas réussi à avoir suffisamment de votes pour avoir le job. Le poste est donc toujours vacant. Et puis, pour résumer la chose, les Républicains ne s’entendent pas avec les Démocrates, les Démocrates ne s’entendent pas entre eux et les Républicains se détestent tous cordialement. Je crois qu’il va falloir une guerre pour que les gars s’unissent derrière la bannière étoilée, reste à espérer que ça ne soit pas une guerre civile.

Pour le reste, on va se concentrer sur la publication des chiffres des banques qui vont vraiment ouvrir le bal des earnings. Aujourd’hui nous aurons Citi, JP Morgan, Wells Fargo et BlackRock. Il y aura aussi United Healthcare, mais c’est pas une banque. Pour ce qui est des chiffres du jour, nous aurons le PPI en Suisse, le CPI en France et en Espagne, puis la production industrielle en Europe, ainsi que les prix américains à l’importation et à l’exportation. Puis il y aura aussi la confiance du consommateur version Université du Michigan. Et puis, pour ceux qui n’en auront pas eu assez aujourd’hui, il y aura Madame Lagarde qui parlera, enfin, en admettant qu’on l’écoute encore.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.11% et ce soir c’est le week-end. Il me reste donc à vous le souhaiter excellent. Espérons que la journée qui le précède, le soit aussi. Moi je vous retrouve lundi pour une nouvelle chronique matinale !

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The road to success is always under construction. » – Lily Tomlin