La séance d’hier ne restera pas dans les mémoires tellement on a le sentiment que nous sommes en train d’attendre une confirmation que l’on a fait tout juste la semaine dernière et que tant que rien n’est confirmé ; on n’ose plus bouger. Le sentiment de base a donc dramatiquement shifté dans la tête des investisseurs et la peur panique qui nous tétanisait il y a encore dix jours a été rangée aux oubliettes. Reste maintenant à que la joie et le bonheur de la semaine dernière soient confirmés par les stars de la FED qui doivent parler cette semaine.

L’Audio 7 novembre 2023

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Le scénario se dessine dans nos têtes

Vous rêviez de voir U2 en concert ? Ou votre délire se situe plutôt dans un stade plein pour assister à la prestation de Taylor Swift ? Grosse erreur : le truc à la mode en ce moment c’est d’assister au prochain témoignage de Powell devant les politiciens de Washington. Ça c’est un show et lumière qui apporte du concret et qui nous montre Ô combien l’économie est notre amie et que Powell peut changer nos vies d’un coup de baguette magique.

En l’occurrence, le coup de baguette magique que l’on attend en ce moment, c’est des déclarations qui confirment qu’effectivement les taux ont fini de monter, que l’inflation va dans la bonne direction et que – si possible – on peut quand même espérer voir baisser les taux à un certain moment en 2024. Non, parce que le plus fascinant dans ce que l’on vit en ce moment, c’est notre capacité à mettre la charrue avant les bœufs au moindre commentaire « constructif » de la FED. La semaine dernière, le patron de la FED a été (encore une fois) très clair – il maintiendra les taux sur « pause » tant que l’inflation continue de montrer son intention de rentrer dans le droit chemin. Que pour le moment les taux devraient néanmoins rester élevés en attendant que l’économie ralentisse, se calme et que l’emploi commence enfin à donner des signes de faiblesse (chose qui a commencé à se dessiner la semaine dernière avec les chiffres des NFP).

Projections et interprétations

Pourtant, alors que l’encre du discours de Powell de mercredi dernier n’est pas encore sèche, voici que les « experts » en finance et autres économistes ont DÉJÀ revu leurs scénarios pour les mois à venir. Ces derniers sont assez simples :

– La FED ne montera plus les taux cette année
– Ensuite nous devrions voir l’inflation continuer de baisser
– Et dès le mois de juin 2024 – la FED pourrait commencer à baisser les taux

C’est tout bonnement INCROYABLE ! Il y a encore trois semaines on pariait sur une nouvelle hausse des taux en décembre et ensuite un plateau avec des taux élevés pendant l’ensemble de l’année 2024. Et en l’espace de quelques jours, de quelques chiffres à deux balles qui seront probablement modifiés dans les semaines qui viennent, la grande communauté de la finance mondiale a déjà commencé à se tripoter en anticipant une baisse des taux en juin.

Hier il y a même le chef de file des brasseurs d’air aux USA – Jeremy Siegel de la Wharton School – le seul professeur d’économie en exercice qui est plus souvent sur le plateau de CNBC que dans une salle de classe – Siegel a déclaré que la FED se devait d’être en « ALERTE MAXIMALE » et qu’elle devait être prête à baisser les taux nettement plus vite que prévu (pour autant que quelque chose soit prévu du côté de la FED qui semble quand même laisser pas mal de place à l’improvisation). Elle doit se tenir prête à intervenir rapidement, parce que selon Siegel, la récession est en approche et qu’il ne faudra pas se laisser surprendre.

À la fin de son speech – il a quand même réussi à conclure en disant :

« Je ne dis pas qu’il y aura une récession, mais s’il y en a une, la FED doit se tenir prête ».

Coluche disait que quand un mec il en sait aussi peu, il a quand même meilleur temps de fermer sa gueule, mais visiblement ; la fermer est hors des compétences de Jeremy Siegel.

Le vent a tourné

Le vent a donc tourné et depuis ce week-end, on attend que les multiples interventions vocales des membres de la FED – qui culmineront avec l’intervention de Powell mercredi soir. En attendant, tout le monde se chauffe en se disant que le Christmas Rally est parmi nous – et c’est en tous les cas ce que l’histoire et les statistiques nous disent. Nous sommes donc suspendus aux lèvres des gens de la FED pour savoir si l’on va continuer à remonter en direction des plus hauts de l’année.

La bullish attitude est de retour – la Volatilité est passée de 22% à 15%, laissant à penser que les investisseurs n’ont plus peur de rien et sont à nouveau confiant comme si Nvidia venait d’annoncer que l’avenir sera tout rose et qu’ils vont gagner tellement de fric que c’est incalculable et que l’intelligence artificielle, c’est quand même magique. Pourtant, tout le monde n’est pas convaincu de ce rebond. Il y même deux gros morceaux de Wall Street qui ne veulent pas y croire. En effet, hier les stratèges de Morgan Stanley et de JP Morgan, sont venus nous prévenir que nous étions seulement dans un BEAR MARKET RALLY et que le retour de manivelle dans les dents serait très violent. Néanmoins, pour le moment tout le monde les regarde avec une narquois en se disant « ouh les bearishs, comme ils ont l’air pathétiques de venir peindre le diable sur la muraille alors que tout va bien et que la FED est notre amie »…

On attend

Bref, hier on a attendu que la FED vienne nous confirmer que les taux ne monteront plus et qu’ils envisagent bien de les baisser dans 6 mois. Sur ce dernier point, je pense sincèrement que l’on peut toujours en rêver, mais c’est ce à quoi on a l’air de vouloir s’accrocher pour justifier la suite du rallye. Non parce qu’hier on ne s’est pas trop accroché à la micro et aux publications trimestrielles, mais il faut tout de même noter que même si la volatilité s’est effondrée en l’espace de quelques jours, il faudra tout de même retenir que la volatilité LORS des publications, elle, elle n’a pas vraiment baissé. Si l’on prend l’exemple de ROKU, Shopify et Palantir qui ont tous gagné plus de 20 % après leurs publications, pendant que Paycom, ON Semiconductor ou encore Estée Lauder ont chuté de 20% ou plus. Et s’il faut encore un exemple, on retiendra qu’hier que Dish Network a raté son trimestre et que le titre a perdu 37% sur la nouvelle.

Comme quoi la confiance est revenue sur les indices, mais attention à l’allocation – parce que c’est pas toujours les mêmes qui montent. Cela étant dit, hier nous étions en mode « 1-2-3 soleil, le premier qui bouge a perdu » et nous attendons patiemment d’en savoir un peu plus, histoire de croire qu’il y a un peu plus de fondamental que le fait que nous sommes en novembre et qu’en novembre « en général, ça monte ».

En Asie

Les actions asiatiques sont en baisse ce matin et ceci après quatre jours consécutifs de gains, les derniers chiffres économiques montrent que la Chine est toujours en train de pagayer à contre-courant. Le Trade Balance chinois est sorti à 56 milliards et des poussières alors que les experts attendaient quelque chose comme 82 milliards. Les importations montrent un peu de croissance, mais les exportations sont toujours catastrophiques. C’est toujours très compliqué pour les Chinois et ce, même si certains ont analysé le niveau de pollution dans les 5 plus grandes villes chinoises et, ce dernier étant en forte hausse, cela suggère que la croissance est en train de revenir gentiment – c’est pas ce que disent les chiffres, mais les chiffres n’ont pas de poumons, alors ils peuvent pas savoir.

Les marchés sont donc en mode prises de profits ce matin. La Corée du Sud reperd 3% après son rallye de la veille – rallye qui avait été justifié par l’interdiction du « short selling ». Le Japon recule de 1.25%, Hong Kong de 1.5% et la Chine de 0.35%. On notera également que la banque centrale australienne vient de monter les taux, parce que l’inflation refuse de ralentir. Mais bon, c’est l’Australie alors c’est pas pareil. Du côté du pétrole, on est à 80.45$, le baril ne semble plus vouloir réagir à quoi que ce soit, puisque les Saoudiens et les Russes vont continuer à garder le robinet fermé et que la guerre fait toujours rage à Gaza – mais peu importe, le baril joue – lui aussi à « 1-2-3 soleil, le premier qui bouge a perdu ». Du côté de l’or, on est à 1977$ et le Bitcoin est à 35’000$.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera que WeWork qui avait été – à un certain moment – évaluée à près de 47 milliards de dollars, vient de faire faillite. La société est désormais en Chapter 11. On notera aussi qu’en Corée du Sud, Samsung et Hynx ont l’air de dire que la « faiblesse » de la demande de semiconducteurs a vu le pire et que l’on peut raisonnablement être optimiste pour la suite. Dans la Finance, Citigroup devrait licencier 10’000 personnes et le CEO – qui se prend quand même 24 millions par an – n’a rien trouvé de mieux que d’appeler le projet de licenciement ; le projet Bora-Bora… Comme quoi, quand on est con – on peut être CEO d’une des plus grandes banques du monde et rester un gros con quand même.

Ce matin les futures sont en baisse de 0.2% et nous attendons que Kashkari, Waller et Williams – tous membres de la FED – viennent confirmer que tout va bien – histoire de pouvoir continuer notre rallye en attendant que Powell parle demain. Il y aura aussi la Production Industrielle en Allemagne et le Trade Balance aux USA.

On espère que l’on saura trouver la motivation pour permettre au S&P500 de sortir une fois pour toute de sa tendance baissière et nous confirmer que nous ne sommes pas dans un rallye de bear market, comme certains ont tendance à le croire. Passez une excellente journée et on se retrouve demain à la même heure, au même endroit, histoire de faire le compte entre les DOVISHS et les HAWKISHS de la FED.

Soyez forts et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Never bend your head. Always hold it high. Look the world straight in the eye.” —Helen Keller