Cela fait au moins trois semaines que l’on attendait la séance d’hier. Enfin, pas la séance, mais surtout l’intervention de Powell qui était censée nous rassurer, nous cajoler et nous passer la pommade dans le dos, pour qu’on arrête une fois pour toute de paniquer et que l’on retourne en BULL MARKET. Bon, peut-être que j’exagère un peu, mais disons que ces 18 derniers mois notre relation avec Powell était plus proche de « 50 Shades of Grey » que d’une relation cordiale avec un professionnel de la finance reconnu dans le monde entier. Le patron de la FED nous a habitué plus d’une fois à nous sortir des discours qui font peur, mais hier il a mis son costume de gentil.
L’Audio 2 novembre 2023
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La FED elle a parlé
Commençons d’abord avec les faits :
Tout d’abord la FED a donc décidé de laisser les taux inchangés pour la deuxième fois consécutive. C’était clairement attendu, il n’y avait donc pas de quoi vendre ses obligations à 10 ans pour acheter des actions ultra-spéculatives.
Ensuite, la FED va évaluer la nécessité et l’ampleur d’un éventuel « resserrement supplémentaire ». Alors ça, ça veut dire que « pour l’instant » les taux ne vont plus monter, mais que l’on ne peut pas exclure qu’ils pourraient éventuellement peut-être le faire encore au cas où l’inflation nous attaquait à nouveau lâchement par derrière avec une batte de baseball. C’est un peu l’assurance de la FED – ils ne peuvent pas se permettre de vous dire que « tout va bien et qu’ils ont niqué l’inflation » de manière officielle, alors ils se protègent en disant que s’il le faut, ils seront toujours là avec leur sabre laser anti-inflation.
Powell a ensuite expliqué que « le resserrement des conditions de crédit » continue de peser sur l’économie. Donc au cas où l’on n’aurait pas bien compris, il nous a expliqué que plus les taux montaient – que ce soit sur les cartes de crédit, les crédits tout courts ou sur les crédits hypothécaires ou même sur les leasings – le consommateur hésitait quand même et que, du coup, ben il se pourrait qu’à terme la consommation baisse. C’est pas frappant là tout de suite, mais à force de taper sur le clou et de voir que payer ta maison sur 30 ans te coûte 3 fois plus cher qu’il y a deux ans, ça risque de calmer le consommateur. Ce qui est tout de même le but inavoué et inavouable de la FED – et hier, selon Powell, les taux élevés continuent de retourner le couteau dans la plaie. Un plan qui se déroule sans accroc.
MAIS C’est pas tout du tout
Après, il nous a rajouté sa fameuse phrase bateau qui enfonce des portes ouvertes en nous expliquant que l’eau ça mouille et que tout corps plongé dans l’eau qui n’est pas remonté au bout de 5 minutes est considéré comme foutu, en disant : La Fed va « continuer à évaluer des informations économiques supplémentaires à venir pour prendre les bonnes décisions ». QUELLE SURPRISE ! Nous qui pensions que là tout de suite, Powell allait se mettre à suivre attentivement la saison de Foot Américain jusqu’au Superbowl et qu’ensuite seulement il prendrait le temps de se reconcentrer – début février. Mais en fait non !!! LA FED VA CONTINUER À REGARDER CE QUI SE PASSE ÉCONOMIQUEMENT. On ne se lasse pas d’observer leur acharnement au travail. Et surtout à l’observation.
Et puis, afin que l’on ne meure pas complètement idiots, le patron de la FED a déclaré que l’objectif de l’inflation était toujours de 2%. Ouf, on avait eu peur qu’il ait changé d’avis et capitulé face à l’inflation qui refuse un peu de reculer depuis quelques mois. Mais la garde meurt mais NE SE REND PAS !
Conclusion
En conclusion de tout ça, on peut encore ajouter les points suivants :
1. Ils sont toujours « Fortement engagés » pour atteindre une inflation de 2 % – les taux ne vont donc pas baisser de sitôt.
2. Les pleins effets de la hausse des taux ne se sont pas encore fait sentir – on ne sait pas quand on va le sentir, mais on se réjouit.
3. La croissance des salaires montre « quelques signes » de ralentissement – mais c’est pas franc
4. Le marché du travail reste plus fort que prévu – SANS BLAGUE- et si ça se trouve vendredi on va encore en prendre plein la tronche.
5. La Fed « avance avec prudence » sur sa politique à venir – traduction de « on improvise parce que l’on n’a AUCUNE IDÉE de ce qui va se passer et si ce que l’on fait va fonctionner »
6. Réduire l’inflation nécessite « probablement » un marché du travail qui ralenti (mais qui – pour l’instant – refuse de le faire, donc c’est pas gagné).
Finalement, la FED reste Hawkish, mais refuse de penser que l’économie puisse entrer en récession et sont clairement convaincus que l’on va vers un SOFT LANDING… Alors que lorsque l’on écoute bon nombre d’économistes (pas Krugman) et de patrons d’entreprise, c’est pas vraiment la même vision. Mais on aura sûrement l’occasion d’en reparler.
Bref, le marché a aimé le package offert par Powell – même si sur certains points il n’y avait pas de quoi se rouler par terre de joie en s’arrosant de champagne – un des points les plus important que les intervenants semblent avoir retenu hier soir c’est que Powell s’est montré plus détendu qu’auparavant. SUR TOUT CE QUE JE VIENS DE RÉSUMER, LE SEUL TRUC QUI A FAIT VIBRER LE MARCHÉ C’EST QUE POWELL EST PLUS COOL et a donné l’impression que le cycle de hausse des taux est terminé. Pas sûr qu’on monte directement au plus haut historique avec des convictions pareilles. Ah oui et puis il y a une chose qui aura tout de même été fascinante hier soir ; la FED n’a JAMAIS mentionné le moindre problème géopolitique ou le moindre risque lié au Moyen Orient (vu que l’Ukraine n’existe plus).
BON ! LA FED, c’est fait. Il est temps de se concentrer sur les chiffres d’Apple de ce soir et les chiffres de l’emploi qui seront diamétralement opposés aux attentes des économistes – c’est à peu près la seule certitude que l’on a. ça et le fait qu’il n’y aura pas de récession. Si, c’est Powell qui l’a dit.
Et le reste ?
Pour le reste, on continue la saison des chiffres trimestriels. Avant-hier soir, AMD avait publié des chiffres pas terribles, montré une guidance moyenne. Le titre s’était fait déglinguer dans les premières minutes post-publication avec une baisse éclair de 5% – puis la CEO avait rassuré tout le monde en disant que même si c’est un peu la merde partout ailleurs, le secteur de l’AI se portait bien. Ah ben ça va alors. Du coup, AMD a pris 10% hier soir. On se demande quand même ce que certains prennent comme drogues – mais ça doit être super-fort. Et puis on notera aussi les bons chiffres de Qualcomm. Qualcomm qui auront été les premiers – après une longue série de mauvaises publications dans le secteur des semiconducteurs – à sortir de bons chiffres. Du coup, le titre ne faisait rien, parce qu’on n’aime pas trop les bonnes nouvelles ce trimestre.
Ailleurs, il y avait aussi Paypal qui a fait un peu mieux que les attentes. Roku qui a explosé les attentes et explosait de près de 20%, sans oublier Airbnb qui a fait mieux que ce que prévoyait le marché, mais qui se sont montrés prudents et ont expliqué qu’ils surveillaient attentivement les risques géopolitiques (EUX) et ce que cela pourrait engendrer du côté de leur business. Il est clair que les demandes de locations saisonnières dans la bande de Gaza et dans la grande banlieue de Kiev ne doivent pas être légion. Mais l’en dans l’autre, AirBnB a quand même l’air de se goinfrer sur les comms payées pour louer des apparts hors de prix sous prétexte que « c’est que pour quelques jours ».
À propos de zones de guerre, on retiendra aussi qu’Estée Lauder a fait un profit warning parce qu’il paraît que les Chinoises ont arrêté de se laver les cheveux. Il faudrait que Nabilla fasse quelque chose pour les aider à comprendre le concept du shampoing – mais toujours est-il qu’encore une fois, on voit que les sociétés qui sont largement exposées à la Chine – comme Estée Lauder – en prennent plein la figure avec le « ralentissement chinois ». Il faut dire qu’ils s’étaient gavés à la réouverture en fanfare de la Chine et le retour de manivelle est assez violent – #BernardArnault #PasDeSacàMainpourNoël – Alors qu’Estée Lauder se faisait défenestrer de 17%, il y a aussi Yum ! China qui en prenait pour son grade, parce qu’en plus de ne plus acheter des produits de beauté de luxe, les Chinois semblent avoir également freiné leur consommation de restaurants. Yum se prenait 15% dans les dents.
En Asie
La plupart des marchés asiatiques sont en hausse ce matin – soutenus par un rallye dans le secteur technologique alors que les commentaires de la FED rassuraient et laissaient entendre que la hausse des taux était terminée – ce qui n’est qu’une figure de style et une question d’interprétation. En revanche, la Chine n’arrive plus à aller en avant dans le sillage de leurs chiffres économiques tous plus pourris les uns que les autres. Le Nikkei est donc en hausse de 1%, tout comme le Hang Seng et la Chine recule de 0.10%.
Pour le reste, le pétrole ne bouge plus et se traite toujours autour des 81$ et on ne parle plus du conflit Israélo-Palestinien dans le Wall Street Journal en tous les cas. L’or est à 1993$ et le Bitcoin est 35’300$.
Nouvelles neuves
Dans les nouvelles du jour, on notera que Jeff Gundlach a déclaré hier que la prochaine crise économique viendrait du remboursement des intérêts de la dette. En 2023 le gouvernement US va payer un total de près de 659 milliards d’intérêts de la dette – c’est plus que le budget de l’armée. En 2022, le montant était de 475 milliards et en 2021 de 352 milliards. Selon le Hedge Fund manager, ça ne peut pas continuer comme ça et on va droit dans le mur. On ne peut pas complètement lui donner tort, surtout quand on voit comment les politiques se font plaisir au niveau des dépenses actuellement.
Autrement TOUT LE MONDE PARLE DE LA FED (moi aussi) et on se chauffe pour Apple tout à l’heure. Si l’on se base sur les publications déjà publiées, 80% des sociétés ont fait MIEUX que les attentes et Apple ne devrait pas déroger à la règle. Le reste ne sera qu’une question d’interprétation. Comme d’habitude. Il y a aussi une nouvelle qui date d’hier que je ne peux pas m’empêcher de la ramener sur le devant de la scène : hier, Thomas Jordan, patron de la BNS – en Suisse a déclaré :
« La volonté et la capacité de la BNS à fournir des liquidités ont été cruciales pour gérer la crise aiguë du Crédit Suisse et ainsi éviter une crise financière aux conséquences économiques graves pour la Suisse et le reste du MONDE»
Bref, il n’est pas exclu que la BNS reçoive le prix Nobel d’économie et CELUI DE LA PAIX. Peut-être même celui de mathématiques. Cela fait donc plaisir que notre banque centrale suisse qui est également un des plus gros Hedge Funds du monde – n’a pas perdu toute sa modestie et son abnégation. Je demande ici, solennellement que quelqu’un fasse quelque chose pour leur filer une médaille, une coupe ou une bouteille de champagne. Ou alors qu’il les fasse TAIRE une fois pour toutes !!! En plus, heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon on aurait encore un bain de sang à Berne.
Côté chiffres
Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura le CPI en Suisse, des PMI’s en Europe et en Allemagne, les Jobless Claims aux USA et vous noterez d’ailleurs que – noyé dans l’évènement de la FED – on n’a même pas parlé des chiffres des JOLTS d’hier qui étaient meilleurs qu’attendus. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.25% et on notera quand même que le S&P500 a rebondit exactement là où il devait rebondir – en tous les cas, c’est ce qu’avait prévu James D. Touati – aka Le Loup de Zürich il y a quelques semaines – c’est énervant quand même !
Passez une excellente journée et on se revoit demain pour parler d’Apple et se chauffer sur les NFP’s avant le week-end !
Thomas Veillet
Investir.ch
« It is never too late to be what you might have been. » – George Eliot