La semaine qui vient de se terminer aura été un peu « surprenante », puisque les mots et les expressions de Jerome Powell avaient largement de quoi mettre le marché à terre vendredi soir. Les intervenants en ont décidé autrement. On reste convaincu que le cycle de hausse des taux est terminé et on parie sur le fait que les prochaines décisions de la FED seront plus dovish’s que hawkish’s – et ce, malgré les déclarations de la MÊME FED qui semble beaucoup moins convaincue que le marché lui-même. Les indices sont au plus haut depuis mi-septembre, la tech ne s’arrête plus de monter et la semaine qui nous attend promet d’être très compliquée. Pour ne pas dire risquée…
L’Audio du 13 novembre 2023
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La corde raide
On ne va pas revenir sur le fait que les banques centrales se trouvent dans une situation qui n’est pas simple. Pour débloquer la situation, il faudrait que l’inflation continue de se calmer en direction des 2% promis par la FED et qu’en même temps, l’économie ne ralentisse pas trop, histoire de ne pas nous précipiter dans une récession trop violente. Depuis le de début du processus de hausse des taux, le gros problème auquel la FED a dû faire face, c’est l’emploi qui refusait de ralentir. Aujourd’hui – en tous cas : « depuis 10 jours », il semblerait que ça commence à se calmer, puisque les NFP’s sont plus faibles (enfin). Ce n’est pas encore tout à fait le cas du côté des Jobless Claims qui eux, continuent de montrer que les Américains n’ont pas tant besoin des services du chômage que cela.
Toujours est-il que cet équilibre instable et une des pierres d’achoppement qui fait que (parfois), nous avons tendance à douter. Chose que l’on n’a pas fait vendredi dernier, puisque les doutes de Powell se sont transformés en « nôtre conviction » que tout va bien se passer. Sauf que dans les jours à venir, nous allons devoir faire face à plusieurs évènements qui pourraient « potentiellement » déstabiliser nos belles certitudes.
Les doutes de Moody’s
Tout d’abord il y a les doutes de Moody’s. L’organisme de rating américain a donc choisi ce week-end pour abaisser ses perspectives pour la dette américaine. Ils sont passés de « STABLE » à « NÉGATIF ». Les politiciens et les responsables américains du trésor n’ont que très moyennement apprécié la chose – contre-carrant l’annonce en disant que « tout va bien » de leur côté et que l’abaissement des perspectives ne font aucun sens. Alors oui, tout va bien parce que déjà c’est pas eux qui paient les intérêts de la dette, mais si l’on regarde un peu plus loin et avec une touche d’objectivité – on se rendra rapidement compte que le montant des intérêts de la dette a littéralement explosé ces dernières années. Sauf erreur, à ce jour, les USA paient plus pour les intérêts de la dette que pour le budget de l’armée US. Et on sait que pour faire mieux que le budget de l’armée US, il faut se lever de bonne heure.
C’est donc LA BONNE NOUVELLE avec laquelle nous allons commencer la semaine. Il faut relativiser parce que le « track record » de Moody’s n’est pas non plus vierge de toutes erreur d’appréciation, mais tout de même. On commence à se rendre compte que la dette US explose et qu’à ce rythme-là, les USA auront une dette de 50’000 milliards d’ici 2030. Et 50’000 milliards ça fait quand même un paquet de maisons dans les quartiers huppés de Miami, sans compter que converti en iPhone, c’est encore pire.
L’inflation, toujours l’inflation
Autre sujet récurrent de la semaine à venir : l’inflation. Mardi nous aurons donc les publications des chiffres du CPI pour le mois d’octobre et même si, à priori, les dernières publications de ce chiffre ont été parfaites et suffisamment rassurante pour que la FED ne monte pas les taux deux fois de suite, on n’est pas à l’abri d’un dérapage. La bonne nouvelle, c’est que le pétrole s’est fait défoncer depuis trois-quatre semaines et que ça devrait soulager le bilan du mois. Même si on s’arrange chaque fois pour arrondir les angles quand c’est dans l’autre sens, cette fois on devrait pouvoir sabrer le champagne pour fêter ça.
Néanmoins, le chiffre qui sortira mardi et qui sera suivi par le PPI mercredi, a le pouvoir de faire tourner la veste à ceux qui pensent que la FED a gagné le combat et que les taux ne monteront plus jamais. Cependant, si je devais me risquer à une prévision quelconque, je dois dire que je serais étonné que le CPI déclenche un sell-off dans les conditions de résistances dans lesquelles nous nous trouvons. Plus rien ne semble nous faire peur et notre résilience est impressionnante. Surtout depuis que l’on sait mieux que la FED ce qu’il faut faire !
Après l’inflation, le budget
Ensuite, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais à la fin du mois duseptembre et au début du mois d’octobre, les géniaux politiciens américains avaient botté en touche le budget du gouvernement fédéral, vu qu’ils étaient incapables de se mettre d’accord sur quoi que ce soit. On avait donc repoussé la date butoir de 45 jours. Si cette date n’avait pas été repoussée, le gouvernement fédéral aurait été fermé et les salaires n’auraient plus été payés. La date butoir des 45 jours de moratoire tombe juste à la fin de la semaine et je ne suis pas convaincu qu’ils aient trouvé la moindre solution à l’heure actuelle.
La bonne nouvelle c’est que statistiquement un « lockdown » du gouvernement fédéral n’a jamais eu vraiment la moindre influence sur ce qui se passe à Wall Street. On veut nous faire croire que c’est grave, mais en fait Wall Street s’en tamponne le coquillard comme de sa première cravate et de son premier bonus. Toujours est-il que l’on pourrait largement se passer du fait que l’on va avoir droit à une nouvelle vague d’angoisse et de doutes, sans compter que Biden va rencontrer Xi-Jinping cette semaine et qu’il risque d’avoir d’autre chats à fouetter que le budget de son gouvernement. Bon, c’est pas que Biden sert à quelque chose à l’heure actuelle, mais on ne sait jamais, ça aurait pu aider.
Après l’inflation, le budget, il y a encore le retail
Et puis ça n’est pas tout. Une fois que l’on aura survécu au CPI, au budget, au downgrade de Moody’s, on va se souvenir qu’il faut encore s’occuper des chiffres trimestriels des « retailers ». Oui, car souvenez-vous, le trimestre dernier lorsque Macy’s ou Foot Locker avaient publié leurs chiffres, on avait constaté que tout n’était pas rose du côté du consommateur. L’endettement des cartes de crédit se faisaient sentir et les habitudes de consommation n’étaient plus vraiment les même qu’auparavant.
Et autant vous dire que si l’on commence à être plutôt convaincu que l’inflation n’est plus vraiment un problème, on va commencer à surveiller attentivement ce que fait le consommateur. Parce que si la FED et Madame Yellen pensent que la récession ne passera pas par eux, les premiers signes de récessions – dans le cas où ils se gourent – passeront forcément par le consommateur. Et la publication des chiffres de sociétés comme Walmart, Target, Macy’s, Home Depot – et bien d’autres – pourraient avoir le même effet que le canari que l’on emmenait au fond de la mine pour vérifier qu’il y avait assez d’oxygène.
La confiance du vendredi
Nous avons donc terminé la semaine avec une confiance inébranlable chevillée au corps et rien ne semblait pouvoir nous empêcher de monter. Reste donc à savoir si nous serons capables de passer au-dessus des obstacles qui vont jalonner cette semaine. L’indice Greed and Fear est au milieu de nulle part – pas assez peur et pas assez confiance. La VIX est au fond du trou, ce qui laisserait à penser que plus personne n’a peur et que l’on ne ressent pas le besoin de se protéger. Les commentaires de Moody’s ne font baisser les futures « que » de 0.3%. Autant dire : rien du tout.
En résumé, nous avons l’air indestructibles et les bulls auraient repris le pouvoir que je ne serais même pas surpris. Reste donc à gérer la semaine jour après jour afin de voir si ce sentiment de « toute puissance » reste chevillé à nos portefeuilles qui sont de plus en plus convaincus que nous savons tous mieux que la FED – voir même mieux que toutes les banques centrales réunies.
En Asie
Nous sommes lundi matin – il est très très tôt au moment où je vous écris ces lignes, l’Asie vient à peine d’ouvrir et pour résumer les choses très simplement : il ne se passe rien. La plupart des indices sont immobiles ou presque. Comme si l’on attendait un signal pour démarrer la semaine « pour de vrai » et la semaine, elle pourrait démarrer demain seulement.
Le pétrole est à 76$ et des poussières et plus personne ne parle du fait que la guerre qui fait rage dans la bande de Gaza pourrait s’embraser à tout le Moyen-Orient et que cela pourrait avoir de TERRIBLES conséquences pour le prix du baril. Non, actuellement, la seule chose dont on parle – en ce qui concerne le baril – c’est que l’économie chinoise est pourrie et se traîne lamentablement, du coup ils ne vont plus importer de pétrole, ressortir leurs charrettes et les faire tirer par des chevaux, comme au bon vieux temps. En gros, le pétrole ne risque plus de monter à cause de la guerre, mais il risque de baisser à cause de la Chine. Qui elle, n’est pas en guerre. Enfin, pas encore. Pendant ce temps, l’or est à 1940$ et le Bitcoin est au-dessus des 37’000$.
Les nouvelles du jour
En ce qui concerne les nouvelles du jour, je crois que j’ai plus ou moins tout dit, mais il faudra tout de même noter que Goldman Sachs vient de nous publier un nouveau rapport économique au sujet de la récession. Selon les stars de la finance de l’extrême Sud de Manhattan, la probabilité de récession est de 15 % pour l’année à venir, et ils s’attendent à ce que « le paysage macroéconomique revienne aux conditions d’avant 2008 » – avant 2008 – je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle, parce qu’après 2008 on s’est quand même pris la crise des subprimes en pleine figure dans la foulée. En gros, la note adressée aux clients s’intitule : « The Hard Part Is Over » – selon eux, « les économies du monde ont dépassé les attentes les plus optimistes en 2023 ». Je ne m’étais pas rendu compte que tout allait AUSSI bien que ça. Désolé.
Du côté des chiffres du jour, je vous préviens de suite que ça ne sera pas LA journée la plus passionnante de la semaine. Il y aura des inventaires pétroliers, mais on s’en fout parce que de toutes façons, c’est tout de la faute de la Chine. Il y aura aussi les « prévisions économiques européennes » qui sont à peu près aussi utiles que les prévisions des chiffres de l’euromillions de samedi prochain et puis du côté des chiffres du trimestre, il y aura deux-trois trucs comme Fisker ou Tower Semiconducteurs, mais c’est surtout demain que l’on va commencer à pouvoir parler consommation. Alors d’ici-là, passez un très bon lundi, que votre semaine commence bien et on se revoit demain, comme d’habitude !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Si les cons étaient fluorescents, c’est la terre qui éclairerait le soleil »
– Anonyme