Nous sortons d’une semaine que l’on pourrait presque qualifier d’exceptionnelle, puisque nous l’avions entamée avec la « peur de l’inflation », que l’inflation nous est effectivement revenue en pleine figure parce que OUI, elle est de retour. Mais que, malgré cela, nous avons continué à chérir notre rêve de voir les taux baisser en mars. Le marché ne renonce pas, la « greed attitude » est toujours en place et la volatilité est cliniquement morte. Alors oui, les plus optimistes diront que le PPI nous a sauvé la semaine, mais la capacité et la force que nous avons eue pour « METTRE DE CÔTÉ » le CPI après lui avoir donné tant de crédit, est impressionnante.

L’Audio du 15 janvier 2024

Télécharger le podcast

MLK

Ce lundi est donc fermé aux USA pour des raisons de Martin Luther King Day. Les marchés américains seront absents et comme à chaque fois qu’ils sont absents, les Européens vont croire qu’ils peuvent faire « sans », mais au fond de nous, nous savons tous que ce genre de journée est souvent extrêmement ennuyeuse, pour ne pas dire plus. C’est donc l’occasion rêvée pour faire le point et se demander quel sera la suite du chemin.

À l’heure actuelle, nous avons tous pris conscience que l’inflation a marqué le pas. Depuis le début de cycle de hausse des taux, à chaque publication des CPI’s, nous avions pu noter une amélioration. Là, depuis deux semaines, que ce soit en Europe ou aux USA, l’inflation ne baisse plus. Pire, elle remonte. Alors oui, on peut se dire que comme nous nous rapprochons des 2% qui correspondent à la zone économique idéale pour les théoriciens, ça devient plus compliqué. Mais il ne faut pas non plus oublier que nous avons aussi un problème avec l’énergie – le pétrole ne baisse plus – lui qui avait été l’artisan de la baisse de l’inflation ces deux derniers mois – le gaz naturel repart à la hausse parce que les gens se sont SOUDAINEMENT rendus compte qu’au mois de janvier, il fait froid et que même des fois, c’est l’hiver – et si l’on creuse un peu plus loin, on se rendra compte également que certains biens de consommation ne baissent plus tant que cela, même si certains politiciens continuent de dire que ça ira mieux demain…

Retour à la case départ

Du coup on repart à zéro dans notre scénario de base. Pour voir baisser les taux, il faudrait que l’inflation se dirige vraiment en direction des 2% – ce qui n’est pas le cas. Pour voir baisser les taux, il faudrait aussi que l’emploi ralentisse – ce qui n’est pas vraiment le cas, si l’on donne la moindre crédibilité aux chiffres des Jobless Claims, des NFP’s, de l’ADP ou autres trucs du style. Donc si l’on se base uniquement sur ces deux arguments qui furent tout de même l’articulation de l’explosion de marché que nous avons vécu entre le 1er novembre et le 31 décembre 2023 – on peut quand même se dire que toutes les conditions pour une baisse des taux ne sont pas FORCÉMENT réunies, non ?

C’est pas que je sois bearish ou que je sois négatif ou que je tente de porter la poisse au bull market actuel, mais si l’on doit baisser les taux à cause d’une ou de ces deux raisons que la FED avait listées comme « prépondérantes », ça ne joue pas. Et il n’y pas que moi qui le dit. Les banquiers centraux eux-mêmes nous ont prévenu la semaine dernière : il est TROP TÔT pour baisser les taux – il faut attendre encore un peu – la baisse des taux s’articulera en seconde partie d’année et il y en aura probablement deux. Le DOT-PLOT de la FED en prévoit TROIS… Et le marché en prévoit entre six et DOUZE !!! Il y a quand même un truc qui ne joue pas. On ne joue pas dans la même équipe.

Rien à faire

Mais malgré ces évidences, rien à faire. Le marché veut croire à la baisse des taux en mars et cela même si les sondages nous disent qu’il n’y a plus que 39% des intervenants qui y croient encore (contre 79% il y 5 jours). Alors on pourrait se dire que la FED POURRAIT se voir obligée de baisser les taux AVANT d’arriver aux 2% promis, mais seulement dans le cas où l’économie ralentirait TELLEMENT FORT et tellement vite, qu’il faudrait lui donner une immédiate assistance respiratoire. Mais entre vous et moi ; baisser les taux en catastrophe pour éviter une récession que l’on a refusé de voir venir, est-ce une « bonne nouvelle pour les marchés ??? ».

Moi je veux bien que l’on me dise que nous sommes en train d’anticiper le rebond économique qui arrivera à postériori une fois que les taux auront baissé, mais si j’osais, je rappellerai que nous sommes tout de même au plus haut de tous les temps sur les bourses mondiales et qu’au niveau anticipation, je pense que l’on a quand même anticipé pas mal de choses. On a même déjà anticipé l’avènement de l’intelligence artificielle et la fabuleuse croissance qu’elle va générer dans tous les secteurs de l’économie. Sauf dans la politique, parce qu’ils auront bien trop peur de se faire ridiculiser par un ordinateur qui va mette 12 millièmes de secondes pour se rendre compte qu’ils sont complètement incompétents. Mais là n’est pas le sujet…

Tout est-il anticipé ?

On peut donc largement se demander si nous n’avons pas joué avec quelques coups d’avance et que là tout de suite, nous avons tellement d’avance par rapport à l’économie, la FED et la baisse des taux, que nous sommes déjà en train de jouer dans la partie suivante. Si je me fais cette réflexion ce matin, c’est aussi parce que malgré la résistance et la résilience dont fait preuve ce marché, nous n’arrivons toujours pas à franchir la barrière des plus hauts de tous les temps sur le S&P500. À chaque fois que nous faisons une tentative, il y a comme des forces supérieures qui nous empêchent d’y aller.

Est-ce un signe et faut-il s’en méfier ? Pour être franc, je n’en n’ai aucune idée – jouer la baisse n’a jamais été mon truc. J’ai toujours trouvé que c’était difficile de perdre de l’argent en étant « long » dans un marché qui baisse. Mais perdre de l’argent en étant « short » dans un marché qui monte, c’est pire que de faire crisser ses ongles sur un tableau noir. Mais là tout de suite, force est de constater que si l’on fait un petit bilan de situation, il y tout de même de quoi s’interroger sur l’avenir et tout particulièrement sur l’économie américaine (bien que ça ne soit pas mieux ailleurs, mais comme c’est celle que l’on regarde le plus, il faut bien en parler).

TOUT VA BIEN..

Selon Biden et ses sbires, l’économie US est à son top et « Bidenomics » est la meilleure méthode pour générer de la croissance depuis l’invention de la Ford T. Mais quand on se fait cette petite liste :

  • Le nombre de personnes occupant plusieurs emplois a atteint un niveau record (ou presque).
  • L’endettement par carte de crédit atteint un niveau record (pas ou presque – pour de vrai)
  • Les taux d’intérêt au plus haut depuis plus de 20 ans
  • L’accessibilité au logement n’a jamais été aussi faible
  • La dette publique américaine atteint un nouveau record de 34’000 milliards de dollars, soit environ 100 000 dollars pour chaque habitant des États-Unis. Et le poids de la dette est plus importante que le budget de l’armée US.
  • Et ça, c’est une économie qui va bien ? Et encore, je vous fais grâce de l’immobilier commercial, le taux de bureaux vides aux USA a atteint près de 20%. On n’avait plus vu ça depuis 1979. Je rappelle donc que si les propriétaires n’encaissent pas loyer, les taux sont toujours élevés et ils doivent continuer à rembourser… S’ils ne remboursent pas, ils sont saisis ou doivent vendre à la casse et les banques en prenne plein les dents et comme elles sont surexposée à cette thématique, on peut se demander si ça va bien se finir.
  • Et pour conclure, le prix des containers explose parce que les rebelles Houthis jouent à la bataille navale et que c’est en train de dégénérer. Inutile de dire que ça va se répercuter sur les biens de consommation, parce que ça m’étonnerait que les industriels prennent la claque pour nous faire plaisir…

Que dire de plus ?

Rien. Il n’y a rien à dire parce que tout le monde à les yeux rivés sur la baisse des taux qui sera la solution à tous nos maux. Reste juste à espérer qu’ils vont vraiment baisser… Les taux.

À la fin c’est qui qui gagne ?

Voilà, c’était ma réflexion du lundi matin du Luther King Day, comme lui, j’ai fait un rêve. Un rêve qui disait que tout allait bien se passer. Un peu comme à l’hiver de l’an 2000. Pour le reste, eh bien le Japon ne cesse battre des records d’altitude, le pétrole est à 72.81$ et reste assez volatile, l’or est à 2059$ et devrait tenter une nouvelle sortie par le haut tout soudain et les débats font rage sur le Bitcoin pour savoir quand est-ce qu’il faut le racheter pour aller à 100’000$. Ce matin la crypto-star est à 42’715$.

Autrement, pour le reste, Microsoft est plus gros qu’Apple, Taïwan a élu un nouveau président qui est indépendantiste qui ne va pas plaire aux Chinois, mais heureusement, Biden a déclaré que « soudainement » qu’il ne soutenait pas l’indépendance de Taïwan. On a un peu l’impression que le grabataire est à voile et à vapeur quand il s’agit de la Chine. On notera aussi que les bancaires qui ont publié vendredi ont publié ce que l’on peut qualifier de « bons chiffres », mais à la clôture c’était un peu moins évident. Le candlestick de la journée de vendredi chez JP Morgan était moyennement encourageant. D’ailleurs on va reparler de publications trimestrielles, puisque dès demain ça sera l’obsession du moment.

Pour le reste

Ce matin nous aurons la production industrielle en Europe et la réunion des clowns de Davos sous la présidence de l’éminemment sympathique Klaus Schwab qui a su me rendre fan des serpents et des araignées, puisqu’à chaque fois qu’il apparaît à la télé, j’ai envie de me faire mordre par un cobra – ou par une tarentule, ce qui semble bien plus agréable au demeurant. Bref, le WEF 2024 qui a pour slogan « Restaurer la confiance » avec le prix des hôtels qui atteignent des sommets, si on avait un doute sur le fait qu’ils nous prennent pour des cons, on a la réponse.

Tout ça pour vous dire qu’aujourd’hui, c’est fermé aux States et que la semaine commencera demain pour de bon. Passez un excellent lundi et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« If life were predictable it would cease to be life and be without flavor. » -Eleanor Roosevelt