Inutile de vous dire que la séance d’hier aura été à peu près aussi intéressante que s’il avait fallu écouter Guy Parmelin déclamer du Shakespeare devant le parvis du Palais Fédéral. Toujours est-il que le fait d’être « à moitié » fermé, pousse un peu les gens à se poser des vraies questions sur l’avenir des marchés financiers. Et puis en ce moment, c’est assez vite fait, puisque les deux seules choses qui nous intéressent et qui sont « susceptibles » de faire baisser les marchés ; c’est l’avenir des taux sur les 48 prochaines années et les chiffres de Nvidia dans les 48 prochaines heures.

L’Audio du 20 février 2024

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L’espace-temps

Si vous prenez le temps de regarder les performances de la séance d’hier – sur ce qui était ouvert – vous comprendrez rapidement qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur la séance elle-même. Le CAC40 finit en hausse de 0.37 POINT – ce qui donne une variation de 0.00% si l’on se contente de n’aller « que » deux chiffres après la virgule, l’Allemagne baisse de 0.15% et la Suisse fait partie des explosions de la journée avec 0.78% de hausse, tirée par Roche et Nestlé qui frisaient l’emballement avec des hausses de plus de 1% chacune. À ce stade de cette chronique, vous devez sentir une pointe d’ironie dans le ton de mes commentaires – si vous ne la percevez pas, c’est que vous ne me connaissez pas encore assez bien. Je vous recommande donc de lire les 4’500 chroniques qui ont été écrites par votre serviteur par le passé et vous devriez y voir plus clair.

Quoi qu’il en soit, hier on s’est bien « emmerdé » comme dirait le Président français à vie et on a connu des séances bien plus marrantes. Comme celles où le Crédit Suisse a été racheté par l’UBS, ou comme celle où Lehman Brothers a mis la clé sous la porte. Ceci dit, comme toutes les séances où l’on s’emmerde profondément, on a le temps de faire un peu d’introspection. Hier nous avons donc pris le temps d’analyser la question suivante :

« Que se passerait-il si la FED ne baissait pas les taux DU TOUT en 2024 ??? »

OMG

Non, parce que depuis le début de l’année on est passé par tous les états sur le sujet. Au début on pariait sur mars, puis sur mai et là – vendredi dernier – on s’est arrêté sur juin. Sauf que quand on voit la gueule du PPI, le fait que l’emploi ne ralenti pas et que la croissance est plutôt pas mal au regard du reste du monde. On peut commencer à se dire que ça n’est pas complètement débile de s’imaginer que juin, c’est encore trop tôt et qu’une fois qu’on sera en septembre, ça n’est plus complètement ridicule d’imaginer que Powell puisse tirer sur la corde jusqu’en janvier – « juste pour voir ce que ça fait ».

C’est en tous les cas ce que l’on se demandait hier. Et nous avons eu des réponses à nos questions, puisque malgré le fait que c’était un week-end prolongé aux States, il y a tout de même deux ou trois « spécialistes » de la météo des marchés qui ont donné leurs opinions sur le sujet. Alors je ne vais pas citer les noms, ça ne ferait pas de sens. Surtout que s’ils ont raisons, ils se chargeront assez de le faire savoir sur le réseaux et dans le cas contraire, ça ne servira à rien de retourner le couteau dans la plaie. Cependant, le consensus serait plutôt de dire que « ça ne devrait pas trop changer la donne pour les actions », puisqu’en général, tant que l’économie est en croissance, les actions performent généralement pas trop mal et que le seul risque résiderait dans le fait que plus les taux vont rester hauts longtemps, plus le coup de frein économique mis en place par la FED pourrait se transformer en couteau de boucher planté dans le dos de l’économie et nous tirer lamentablement en récession. Mais pour le moment, on va dire que le marché est tellement confiant sur l’avenir et tellement rassuré de se dire que la croissance est là pour durer… surtout sur l’IA… qu’on ne voit pas comment on pourrait baisser VRAIMENT.

Pas l’euphorie non plus

Pourtant, lorsque l’on voit les objectifs sur le S&P500 pour la fin de l’année, on n’a pas non plus l’impression que nous allons avoir les yeux qui pleurent tellement ça va monter vite. Hier Goldman Sachs a même trouvé le moyen de modifier son objectif pour la fin de l’année. Selon les experts du Sud de Manhattan, le S&P500 sera à 5’200 à la fin de l’année. Soit 200 points plus haut que maintenant. Autant vous dire que si nous avons 10 mois pour monter de 200 points, si vous vous êtes emmerdés sur les marchés hier, c’est rien au regard de ce qui nous attend d’ici Noël. Heureusement que le Bitcoin va mettre l’ambiance en montant à 100’000$ pendant ce temps. Il y a même Kyosaki – celui qui a écrit « Rich Dad, Poor Dad », qui pense que le Bitcoin sera à 100’000$ en juin déjà.

Si le Bitcoin est à 100’000 en juin et que le potentiel de hausse du S&P est de 200 points, je crois que je vais me faire un sabbatique à partir du 30 juin jusqu’à la réélection de Trump, parce que là je sais au moins qu’il y aura des trucs à dire, ne serait-ce que le voir arriver en baskets dorées à la Maison Blanche. Bref, tout ça pour vous dire qu’hier on n’a pas fait grand-chose, si ce n’est tergiverser sur les taux pendant toute la séance, en alternance avec des grandes théories philosophiques sur la publication de Nvidia de demain soir.

Nvidia ou pas ?

En ce qui concerne la société dont le nom a été le plus prononcé dans les médias depuis six mois, on se demande si tout est dans les prix ou s’ils ont encore des commentaires euphoriques à nous faire pour les 12 mois à venir. Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, Nvidia pourrait actuellement détenir entre 98 % et 99 % des parts de marché dans les GPU’s utilisés pour l’IA, et il est rare que les entreprises conservent un tel niveau de domination. En plus quand tu as autant de « market share », ça paraît compliqué de faire beaucoup mieux. Il y a donc forcément des gens qui se méfient d’une éventuelle déception.

Même si cette dernière semble improbable, il ne faut pas non plus imaginer que la concurrence va rester le cul sur une chaise en attendant que Nvidia chope 100% du business. Demandez à Tesla ce qu’ils pensent de la concurrence dans le business des voitures électriques. Il y a donc certaines craintes qui pèsent sur les publications de demain soir et bon nombre d’intervenants sont en train de se ronger les ongles afin de trouver la solution de l’équation. Mais là je crois que l’on peut brasser de l’air sur le sujet pendant des heures, faire des podcasts et en parler jusqu’au bout de la nuit pour exprimer nos doutes, si le boss de Nvidia se pointe sur scène en disant « on ne sait plus où mettre le fric tellement on en gagne et on est en train de BOUFFER la concurrence !!! », on aura l’air malin avec nos puts out of the money échéance vendredi…

L’Asie vit sa vie

La plupart des actions asiatiques étaient en baisse ce matin, les inquiétudes persistantes concernant le ralentissement de la croissance économique et les taux d’intérêt élevés aux États-Unis ayant largement compensé une réduction plus importante des taux en Chine – ce qui n’était pas trop prévu.Les marchés chinois ont légèrement baissé après un retour de vacances plutôt décevant. L’Intervention de la banque centrale chinoise n’aura donc pas forcément aidé comme on l’espérait. Pour l’instant en tous les cas. La Chine recule de 0.3%, le Japon de 0.25% et Hong Kong de 0.5%.

Du côté des matières premières, le pétrole est à 78.38$, l’or est à 2029$ et le Bitcoin est à 51’900$.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera que les autorités américaines ont commencé à tirer la sonnette d’alarme en disant que la masse des crédits immobiliers pourris commence à dépasser les réserves des banques US. Tout le monde s’en fout, mais c’est comme ça que la crise des subprimes à commencé. On signalera aussi que le taux d’emprunts hypothécaire à 30 ans aux USA est repassé au-dessus des 7%. Encore un bon coup de main pour le marché immobilier local. Dans la foulée, Capital One Financial rachète Discover Financial Services dans le cadre d’un accord de 35 milliards de dollars portant sur l’ensemble des actions, afin de créer la plus grande société américaine de cartes de crédit en termes de volume de prêts, ce qui donnera à l’entité combinée une assise plus solide pour concurrencer les mastodontes de Wall Street. À 25% sur les taux d’emprunts, ils vont se rouler dans le caviar.

Autrement les Houthis ont pratiquement coulé un nouveau navire dans la Mer Rouge. L’ambiance continue d’être très bonne dans la région. Et puis Boeing nous en a refait une avec un parebrise fissuré en plein vol sur un 737 MAX. Je reviens sur ma proposition de les transformer en bus scolaire, je pense que ça sera plus prudent. Il n’y aura pas de chiffres économiques aujourd’hui, ça nous laissera un peu de temps pour brasser de l’air sur les sujets qui nous vont nous occuper demain. En revanche, il faudra jeter un œil sur les chiffres de Walmart et de Home Depot, histoire de voir si Joe American dégaine toujours aussi bien sa carte de crédit.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.4% et moi je vous retrouve demain matin pour de nouvelles aventures. Que votre journée soit belle et motivante !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The intelligent investor is a realist who sells to optimists and buys from pessimists.”

Benjamin Graham