Ok, on est (presque) tous d’accord : la FED ne baissera pas les taux avant le mois de juin. Mais c’est pas grave. C’est pas grave parce qu’entre-deux, y a tellement de raisons d’acheter le marché qu’il n’y a vraiment pas de quoi se poser des questions. La seule crainte qui nous restait encore, crainte de voir le marché baisser, s’est envolée hier soir avec la publication des trois derniers MAGNIFICENT SEVEN qui devaient encore publier. Avec les annonces de l’after close d’hier, nous aurons donc appris que le mot Intelligence Artificielle a perdu de son effet, que Meta est un miracle économique et qu’Amazon est pas mal non plus.

L’Audio du 2 février 2024

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Rebond et miracle à Wall Street

Si la séance de mercredi avait été poussive et déprimante, celle d’hier aura été en revanche placée sous le signe du rebond, du « buy the dip » et du fait que l’on devrait ne plus JAMAIS BAISSER sur les marchés financiers. Oui, parce qu’il fût un temps, on avait tendance à profiter des baisses de marché pour venir racheter et profiter de la tendance. À cette époque révolue, on attendait quand même « deux-trois jours » de sell-off, un petit 5% de correction et là, on « venait racheter sur faiblesse » en se disant que « quand même ça ne peut pas durer ». Sauf que là, à l’aube des années 2030, nous sommes passés à autre chose ; une faiblesse ça n’est plus 5% de baisse. Là maintenant, dès que l’on baisse de 1%, les mecs sont déjà en train d’emprunter de l’argent pour racheter les indices et se dire qu’il n’est pas question de rater l’opportunité d’une vie. Oui, parce que ça serait quand même un peu couillon de ne pas être 150% investit dans le marché le jour où le S&P500 passe les 5’000 en montant…

Ah, parce que vous n’êtes pas au courant ? C’est en février 2024 que l’on va franchir les 5’000 sur l’indice de référence américain et si ça se trouve, c’est même cette semaine. Manquerait plus que les chiffres des NON-FARM PAYROLLS soient plus faibles que les attentes, que l’on RECOMMENCE à parler de baisse des taux en mars et ça soit plié ce soir. En effet, hier les marchés US ont rebondi parce que c’était quand même pas cher et puis after close, Meta et Amazon ont tout fait péter à la hausse. Et quand je parle de tout péter à la hausse, je pèse mes mots. Alors oui, on a une crise immobilière commerciale qui est en train de se mettre en place devant nous et les banques régionales sont toutes en train de se faire déglinguer en série, mais c’est pas grave, si ça se trouve la FED va nous aider et peut-être même va DEVOIR baisser les taux pour donner un coup de pouce. Alors oui, il y a une montagne d’arguments pour nous prévenir que ça ne va pas si bien que ça et que ça pourrait nous exploser au visage d’une seconde à l’autre, mais pour être franc : TOUT LE MONDE S’EN FOUT COMME DE SON PREMIER STOP-LOSS !!!

Euphorie ? Même pas !

Lorsque l’on regarde la séance américaine d’hier (avant la clôture et encore pire après la clôture), on pourrait se dire que nous sommes en train de péter les plombs et de perdre tout sens de la réalité. Mais que nenni. Nous avons l’air – au contraire – parfaitement décontracté du slip et rien ni personne ne peut se mettre en travers du chemin d’un troupeau de bulls gavés aux stéroïdes. Et pire, hier nous avons même eu Bank of America qui est venu nous annoncer que les taux ne baisseraient probablement pas avant le mois de juin, mais qu’en même temps, le marché avait encore plein de place pour monter parce que nous ne sommes même pas encore entrés en « zone d’euphorie » !!!

Sur ce coup-là, j’avoue qu’en lisant la presse matinale, je me suis cassé la gueule de ma chaise, je me suis renversé le café sur les genoux et pendant un bref instant, j’ai pensé retourner me coucher en PLS dans le canapé du salon. Oui, la stratégiste en chef de Bank of America, Savita Subramanian, nous a fait un cours de « market sentiment » en rappelant la maxime de Sir Templeton.

Sir Templeton qui disait que :

« Les BULL MARKETS naissent dans le pessimisme, croissent dans le scepticisme, mûrissent dans l’optimisme et meurent dans l’euphorie ».

Mais Savita a déclaré hier que selon ses observations à elle, nous ne sommes « même pas » encore en zone d’EUPHORIE. DONC ça ne peut que monter encore et encore. C’est vrai, le Greed&Fear Index de CNN est en plein délire et nous sommes tous devenus des Gordon Gekko en puissance, le put-call ratio va bien s’appeler « le call ratio » tellement on n’achète plus de puts et un spaghetti trop cuit oublié au bord de l’assiette est plus dynamique que l’indice VIX de la volatilité. Mais nous ne sommes pas ENCORE EN ZONE d’EUPHORIE, on reste très calmes et très posés. C’est d’ailleurs pour ça que META prend 15% sur ses publications d’hier soir. Bref, je peux vous faire une liste de 12 pages de trucs qui puent, mais j’ai bien compris qu’à l’heure actuelle, on est tellement chauds comme des baraques à frites, qu’il n’y a pas de raison de perdre son temps avec des mauvaises nouvelles. On aura bien le temps d’en reparler le jour où ça sera trop tard. En attendant, c’est BULL MARKET, CHAMPAGNE ET COTILLONS ET CAVIAR À LA LOUCHE pour tout le monde !

Pourtant..

Pourtant des nouvelles pas terribles on en a quand même eu hier. La BNP a foiré son trimestre – mais comme j’ai pas le droit de dire du mal de la BNP, je me contenterai de noter qu’alors que le CAC40 est au plus haut de tous les temps et que LVMH vendrait des sac à main à des Chinois qui n’ont pas de bras, la BNP s’est quand même pris 8% dans la tronche. Il y aussi Dassault qui a eu l’outrecuidance de prendre 40% ces derniers mois ET faire à peine aussi bien que les attentes. Sanction immédiate : 10% dans les dents. Bon, en même temps comme ils étaient montés de 40% pour pas grand-chose, ils pouvaient aussi rendre un peu la monnaie. En gros, l’Europe n’a pas vécu une journée fo-folle et ils subissaient encore le contre-coup de la FED qui semblait moyennement motivée pour baisser les taux comme NOUS, les EXPERTS avions anticipé et prévu.

Il y avait aussi les demande d’indemnités chômage – les fameux Jobless Claims – qui étaient plus fortes que les attentes. Chose qui aurait pu signifier que l’économie ralenti et que les avalanches de licenciements de ces derniers mois commençaient quand même à se faire sentir. Oui, c’est bien, sauf que ça veut AUSSI dire que l’emploi s’affaiblit et si l’emploi s’affaiblit, ça veut AUSSI dire que la FED elle va baisser les taux. Et puis elle va baisser les taux en mars, si ça se trouve !!! Non, je déconne. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que les mauvaises nouvelles encouragent les gens à croire que la FED va baisser les taux pour nous aider et que les bonnes nous encouragent à croire que le S&P500 va aller à 10’000 avant que le Bitcoin passe les 100’000$ – c’est-à-dire avant Noël prochain. Mais comme nous ne sommes pas encore EUPHORIQUES, je vais me calmer et revenir aux chiffres déprimants de la veille ; ceux d’Apple.

Apple fait de l’IA, mais tout le monde s’en tape

Hier soir after close, il y avait donc les chiffres d’Apple. On attendait surtout de voir si les revenus enquillaient un nouveau trimestre de baisse. Pour faire simple, si l’on revient sur le conf call d’Apple, il faut retenir que l’Apple Vision Pro (les lunettes de ski améliorées) sont l’œuvre de Dieu… ça va être tellement génial de vivre avec ce truc sur la tronche. Déjà qu’on a l’air con avec nos Smartphones. Oh, et saviez-vous QU’ILS VONT « BIENTÔT ANNONCER des choses en matière d’IA ? En attendant, ils font presque mieux à peu près partout. Mais ils prévoient que le chiffre d’affaires sera stable d’une année sur l’autre au cours du prochain trimestre, et avec l’amélioration des marges, cela laisse supposer qu’ils pourraient faire un bénéfice de 1,57 à 1,63 $ par action sur un chiffre d’affaires de 94,8 milliards de dollars. L’estimation consensuelle est de 1,59 $ par action pour un chiffre d’affaires de 96,0 milliards de dollars.

Présenté comme ça, ça avait l’air plutôt cool. Sauf que les ventes en Chine sont en baisse et que le terme « croissance énorme » est un peu moins présent que chez Nvidia. Du coup, on se demandait bien comment Apple allait pouvoir nous apporter de la croissance avec autre chose que des produits chers et de moins en moins innovants. Le titre était en baisse de 3% after close. Encore une nouvelle pas terrible mais comme on s’en fout des nouvelles pas terribles, ça laissait de la place aux autres pour maintenir une certaine ambiance euphorique (même si je sais bien que nous ne sommes pas ENCORE euphoriques selon les critères de Bank of America). Ah oui et j’oubliais ; il semblerait que l’utilisation du terme Intelligence Artificielle ne soit plus aussi efficace que d’habitude. Ou en tous les cas pas aussi efficace que le trimestre dernier.

Meta qui met tout le monde d’accord

Meta a donc mis tout le monde d’accord. Pour faire simple, ils ont pulvérisé les attentes, scoré des chiffres de folie dans la publicité et ils annoncent un programme de rachat d’actions pour 50 milliards et un dividende de 50 cents par action tous les trois mois. Si l’on devait résumer la chose, Zuckerberg a viré 20’000 personnes pour économiser un peu moins de 2 milliards et il va redonner 50 milliards plus un dividende aux actionnaires. Heureusement que je ne suis pas de gauche, mais je connais deux ou trois socialistes qui doivent grimper aux rideaux en lisant les communiqués de presse. Le patron de Meta a tout de même prévu que les prochains mois seraient volatiles mais la guidance a explosé les attentes quand même. Le titre prenait 15% hier soir. Le 4 novembre 2022, Meta se traitait à 88$ et l’ensemble de la communauté financière pensait que Zuckerberg était un tocard et que Meta faisait ABSOLUMENT TOUT de travers. Actuellement, le titre vaut 454$ et on pense toujours que Zuckerberg est un tocard, mais qu’il n’a pas fait tout faux.

Amazon qui s’envole aussi

Chez Amazon, on a clairement battu les attentes et la société remercie massivement le consommateur de continuer de consommer avec de l’argent qu’il n’a pas, ça leur a permis de cartonner ce trimestre et en plus le Cloud cartonne comme chez Microsoft. Amazon explosait de 7% hier soir, mais faisait pâle figure face à Meta qui est devenu officiellement LA STAR de cette saison des résultats.

Ce matin en Asie on applaudit les performances américaines mais on monte de manière homéopathique pour fêter ça. Hong Kong et Tokyo sont légèrement en hausse et la Chine recule de 1.14% après avoir plutôt bien commencé la journée et ça empire de minute en minute. Le pétrole est à 74.08$ alors que les Américains n’ont toujours pas déployé leur vengeance prévue contre l’Iran. C’est bien, ça fait un bon point pour l’inflation et la baisse des taux. L’or est à 2073$ et le Bitcoin s’échange à 43’000$.

Encore des nouvelles ?

Dans les « autres nouvelles du jour », on retiendra que Peloton est au plus bas de tous les temps et que l’on commence à parler de cash qui est en train de manquer. On est donc pas loin de parler de faillite alors que tout le monde retourne au fitness pour voir des vrais gens. Pour y être retourné depuis quelques semaines, je dois dire que je me passerais bien de voir ces « vrais gens », mais Peloton en prend plein la tronche quand même. Il y a aussi Ferrari qui a pulvérisé les attentes de Wall Street et le titre prenait 12% alors qu’en plus le monde de la F1 était en plein délire puisque Lewis Hamilton va JUSTEMENT rejoindre Ferrari en 2025. À un tel point que l’on ne savait plus si le titre montait à cause d’Hamilton ou des chiffres. Je confirme, c’était quand même les chiffres.

Pour le reste, la pression sur la thématique de l’immobilier commercial continue de faire son effet, on en parle de plus en plus, mais force est de constater que tout le monde s’en fout cordialement. On espère juste que ça va se calmer tout seul et que la FED va nous aider – comme d’habitude – sinon ça pourrait nous secouer à un moment. Mais bon c’est pas pour l’instant, alors on va profiter de la vie et des bulls markets qui durent dans le calme et sans euphorie. Nous sommes donc le premier vendredi du mois et c’est l’heure des Non-Farm Payrolls – on attend 187’000 nouvelles créations d’emploi pour le mois de janvier – pas besoin de vous faire un dessin : si c’est faible c’est bon pour le taux, si c’est pas faible, on baissera les taux en janvier 2025. Il y aura aussi les chiffres du SECO en Suisse et la confiance du consommateur version Université du Michigan. Côté chiffres du trimestre, il y aura Exxon, Chevron, Abbvie, Bristol Myers et Regeneron.

Actuellement, les futures sont en hausse de 0.53% et le chemin des 5’000 se dessine de plus en plus. La grande question qu’il va donc falloir se poser, c’est : « que se passe-t-il après les 5’000 ? ».

Il me reste à vous souhaiter une excellente journée et un très très bon week-end et on se retrouve lundi pour se faire plaisir avec les chiffres de l’UBS/Crédit Suisse qui seront annoncés par Thomas Jordan et la FINMA…

Bon week-end et à lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The power of imagination makes us infinite.” —John Muir