Depuis la fin du mois d’octobre 2023, le S&P500 n’a vécu qu’une seule semaine négative. Sur 15 semaines de trading, il n’y a eu qu’une seule semaine qui aura fini dans le rouge. Je crois que cette fois c’est approprié de dire : facile la bourse. Depuis 15 semaines on s’accroche au fait que les taux vont baisser. Aujourd’hui, la date à laquelle les taux vont baisser n’intéresse même plus le marché – tant qu’on nous raconte « que c’est sûr, ils baisseront en 2024 » ; ça nous suffit. Le problème, c’est qu’à l’allure à laquelle on monte, on sera à 6'000 sur le S&P500 quand ils vont commencer à baisser. Autant dire que tout sera dans les prix. Mais ne gâchons pas notre plaisir en attendant.

L’Audio du 8 février 2024

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Les doux mots de la baisse des taux

Hier les indices américains ont fini la journée en hausse. Le Dow Jones est au plus haut de tous les temps, le Nasdaq est au plus haut de tous les temps, mais c’est surtout le S&P500 que l’on observait, puisque ce dernier est en train de frôler le niveau mythique des 5’000 points. On est tous en train de s’exciter autour de ce chiffre rond qui ne va rien changer, mais qui va montrer que tout va bien dans l’économie américaine, puisque la bourse vient de franchir un nouveau seuil que l’on n’osait même pas imaginer il y a encore 18 mois.

Le pire dans tout cela, c’est que je viens de me rendre compte que j’étais déjà devant des écrans de trading quand le Dow Jones a passé la barre des 5’000 il y a presque 30 ans. Il va être temps de me commander un déambulateur. Bref, tout le monde est chaud-patate pour « l’évènement du mois » et nous sommes dans une douce euphorie qui n’a aucune raison de s’arrêter, puisque nous sommes « nursés » par les membres de la FED et Madame Yellen qui nous rassurent sur tous les sujets qui pourraient nous inquiéter.

Les taux vont baisser ; alors achète !!!

Tout d’abord il y a eu plusieurs membres de la FED qui ont tous plus ou moins utilisé le même « phrasé » : « non, il n’y a pas urgence de baisser les taux, mais OUI, ils baisseront cette année ». Il n’est pas nécessaire de se rejouer le film de chaque intervention, puisqu’ils disent plus ou moins tous la même chose. Et ça tombe bien, puisque visiblement le monde de la finance n’a plus besoin de date butoir pour savoir quand les taux vont baisser, rien que le fait de savoir qu’ils vont baisser semble suffisant.

Si l’on reprend la situation dans laquelle nous étions en début d’année, on peut facilement se rendre compte qu’on a complètement changé d’attitude. En janvier on s’inquiétait de savoir si les taux allaient baisser en mars ou plus tard et par moment (très brièvement), on sentait que l’angoisse était palpable. Et puis soudainement, lorsque l’on a « ACCEPTÉ » le fait que l’inflation était encore trop forte et que l’emploi aussi, on s’est dit que se contenter de SAVOIR que les taux baisseront en 2024, c’est déjà pas mal. D’ailleurs, avant on nous donnait les probabilités attendues pour une éventuelle baisse en mars, alors que désormais, on se concentre sur le total des baisses cumulées pour 2024.

À l’heure actuelle, 65% des intervenants s’attendent à 125 basis points de baisse d’ici décembre. Mais on a l’impression que si la FED attend le meeting de décembre pour baisser d’un coup de 125 basis points, ça conviendrait très bien à tout le monde pour justifier 20% de hausse sur le S&P500 à l’aube du sapin de Noël. Je rappelle pour mémoire que le plus bullish des stratégistes de Wall Street s’attend à un S&P500 à 5’400 à la fin de l’année. À la vitesse où ça va, il va falloir revoir les objectifs ou se préparer à une année très longue.

Maman Yellen prend les commandes

Les banquiers centraux ont donc rassuré tout le monde en disant que les taux, ils vont baisser et ça a suffi amplement aux intervenants pour acheter encore une fois le marché, Nvidia, Microsoft et toutes les boîtes qui ont publié des bons chiffres. On citera Ford, Chipolte et Enphase qui prenaient l’ascenseur, pendant que Snap se faisait massacrer et que TotalEnergie décevait les analystes. Mais bon, Snap on s’en fout et Total, même s’ils ont déçu les analystes, ont montré des chiffres solides et des dividendes en hausse pour les actionnaires. Ce qui fait super plaisir aux médias français qui ont commencé leur travail de sape pour dire que « quand même c’est un scandale que les actionnaires soient rémunérés comme cela et qu’il faut envisager de taxer les super-profits ». Comme d’habitude, pour que les paradis fiscaux existent, il faut des enfers…

Mais mis à part les quelques chiffres décevants, comme nous avons tendance à voir le verre à moitié plein, on s’est surtout concentrés sur le fait que les chiffres du trimestre sont quand même pas mal (même si les attentes avaient été révisées à la baisse en anticipation), sur le fait que la technologie, les Magnificent Seven et l’intelligence artificielle, c’est quand même « super ». Vous rajoutez à cela le fait que les taux vont baisser – un jour – mais ils vont baisser, puis vous saupoudrez avec le nouveau boss de la New York Community Bancorp qui a déclaré « vouloir réduire l’exposition à l’immobilier commercial et vous rajoutez Madame Yellen qui déclare que les autorités font tout pour limiter la crise naissante de l’immobilier commercial – comprenez que c’est « OPEN BAR » pour les banques et qu’elles seront toutes sauvées. Et vous avez une journée parfaite et décontractée qui vous emmène aux portes des 5’000. 5’000 qui devraient être franchis ce soir, c’est une question de principe.

En Asie

La plupart des actions asiatiques étaient en hausse ce matin, le Nikkei était en tête grâce à SoftBank (qui est un gros investisseur de ARM qui a cartonné hier soir) et au secteur technologique en général, tandis que le rebond des marchés chinois semble s’être calmé après la publication de faibles données sur l’inflation. Les prix à la consommation ont chuté violemment – c’est la plus forte chute depuis 15 ans. Le CPI a baissé de 0,8 % le mois dernier, il s’agit du quatrième mois consécutif de baisse et de la plus forte contraction depuis 2009. Il y a encore du boulot du côté de chez Xi. Le Nikkei est en hausse de 2%, Hong Kong recule de 1% et la Chine avance de 1%. Le pétrole est à 74.05$, l’or se traite à 2047$ et le Bitcoin s’échange à 44’500$.

En ce qui concerne les nouvelles du jour, le « bull market » continue avec les chiffres de Disney et le fait que la maison de Mickey semble être en train de « tourner le coin » et de laisser leurs problèmes derrière eux. Le titre prenait près de 7% after close. Ensuite, il faut reprendre le thème de l’intelligence artificielle qui revient sur la table. Hier soir ARM a publié ses chiffres du trimestre et ont fourni une guidance digne de Nvidia. En résumé ; ils disposent de la meilleure technologie de l’histoire du monde… ils ont juste besoin de développer un peu plus de logiciels pour la booster (la meilleure technologie de l’histoire du monde). C’est ce qui est en train de se passer, du mobile à l’IA, et cela s’amplifie. Ils prévoient une accélération au quatrième trimestre et au-delà. Et ils constatent une augmentation des parts de marché chez les producteurs, en particulier dans les secteurs de l’automobile, des data-centers, et ils observent une belle croissance en Chine. Et ils ont de super-rapports avec Nvidia en tant que client et partenaire. Arm est en hausse de 20% after-close, avec un pic à +35% à un certain moment. Mais tout va bien, il n’y aucune euphorie.

Le reste des news

Autrement on notera que Paypal rame toujours pour instaurer une certaine confiance – la publication des chiffres d’hier n’a pas encore suffi pour remonter le moral des actionnaires et le titre perdait 8% after-close. Chez Tesla on parle de licenciement. Rien n’est encore officiel, mais certains rapports internes laissent supposer que quelque chose est en train de se passer. Il y a aussi Biden qui continue de se mélanger les pinceaux. Ça n’est pas que je m’acharne, je ne fais que relater, mais force est de constater que c’est tous les jours maintenant. Il va quand même falloir que quelqu’un fasse quelque chose. Hier soir à une soirée de levée de fonds pour sa campagne, le Président a confondu Helmut Kohl et Angela Merkel. Il faut quand même y aller. En dehors qu’il y a une évidente différence de sexe, c’est pas non plus la même génération.

Du côté des chiffres économiques, nous aurons le bulletin économique de la BCE et les Jobless Claims et il y aura toujours pas mal de chiffres trimestriels, mais les choses sont en train de se calmer alors que nous sommes à mi-chemin de la fin de la saison. Le dernier « gros » à venir publier sera Nvidia – bien sûr – mais il faudra patienter jusqu’au 21 févier.

Pour le moment, les futures ne font rien, mais on est juste en train de récupérer pour aller chercher les 5’000 ce soir. Passez une excellente journée, préparez vos casquettes et vos t-shirts et on se voit demain pour parler… ben des 5’000 et du fait que les taux, ben ils vont baisser un jour.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

Be who you are and say what you feel, because those who ind don’t matter and those who matter don’t mind.” —Dr. Suess