Une nouvelle semaine qui commence comme tous les lundis. Et comme tous les lundis on peut se plonger dans la presse du week-end, histoire de voir à quelle sauce nous allons être mangés. Pour entamer ce lundi matin, les choses ont l’air plutôt claires ; l’Intelligence Artificielle va sauver le monde et faire exploser les marchés pendant 10 ans, Powell va parler et nous rassurer sur les baisses de taux à venir et les chiffres de l’emploi vont montrer de la faiblesse pour corroborer les espoirs qui seront fournis par le patron de la FED. Pour le reste, nous devrions continuer à monter en se confortant dans le fait de savoir que NOUS NE SOMMES PAS DANS UNE BULLE. Bref : un lundi sans histoire.

L’Audio du 4 mars 2024

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Il est vrai qu’il y a des lundis matin où il n’y a pas grand-chose à dire, des lundis où les affres du week-end pèsent encore sur le moral et où l’on se demande comment ces 48 heures de « repos » ont pu passer aussi vite. Mais là, ce premier lundi de mars 2024 ne fait clairement pas partie de ceux-là. Tout d’abord le S&P500 est au plus haut de tous les temps, le Nasdaq et le secteur des semiconducteurs aussi et ce matin le Nikkei continue sa marche en avant en cassant le niveau mythique des 40’000 points, le tout emmené par la technologie, encore la technologie et toujours la technologie.

Nous sommes pourtant bien conscients que la semaine risque d’être chargée, puisque nous allons principalement nous nourrir de chiffres économiques et que ces derniers – en plus d’être importants par eux-mêmes – seront directement liés aux décisions que la FED sera amenée à prendre durant ces prochains mois. Et puis surtout, cette semaine, il y aura Powell qui va parler et nous sommes tous quasiment persuadés qu’il va nous en dire plus sur ses intentions concernant l’avenir des taux américains.

L’emploi qui ralentit

À l’aube de cette semaine qui sera prépondérante pour la suite de l’année, les marchés semblent plutôt convaincus que rien ne peut nous arriver. Si l’on s’arrête sur l’aspect du témoignage de Powell, il n’y a pas grand-chose à craindre, puisque le patron de la FED va probablement s’en tenir à son discours habituel, à savoir qu’il ne bougera pas au niveau des taux tant que ses deux conditions prépondérantes ne sont pas atteintes. À savoir :

– Une inflation en baisse qui montre son intention – non, SON DÉSIR d’aller à 2%

– Un marché de l’emploi qui ralentit et qui montre que ça va être plus compliqué de trouver un job en 2024 et qu’il va falloir se serrer la ceinture.

Là comme ça, il n’est pas simple d’être détendu et de se dire que tout va bien se passer. Parce qu’en ce qui concerne l’inflation, depuis trois mois ça ressemble plus à un cheval qui refuse de passer l’obstacle qu’à autre chose. Je veux bien être résolument optimiste et me doper à la méthode Coué et hurler à tue-tête que TOUT VA BIEN tous les matins. Mais force est de constater que l’inflation ne semble pas vouloir baisser plus bas et le pétrole qui est en train de titiller les 80$ ce matin, ne devrait pas forcément aider dans ce sens. Mais pourtant, tout va bien parce que le marché à une carte magique. Un joker dans sa manche !!!

Le joker dans la manche

Le joker dans la manche, c’est la conviction que l’emploi va montrer des signes de faiblesse pas plus tard que cette semaine. Powell va témoigner mercredi et jeudi et dans la foulée, il y aura les chiffres de l’emploi ADP, les Jobless Claims et pour terminer les Non-Farm Payrolls. Et si l’on en croit la presse du week-end, les experts pensent que les planètes vont s’aligner dans les prochains jours, que l’emploi va montrer des faiblesses au niveau des genoux et qu’ensuite, un bon tacle de l’inflation dans les prochaines semaines et la FED n’aura plus d’autres choix que de baisser les taux en juin.

Alors soit, Powell ne va pas l’annoncer cette semaine, mais comme il va certainement répéter les mêmes choses encore et encore, on n’a pas d’autre choix que de se dire que les choses vont aller dans la bonne direction et du coup, on va enfin avoir raison pour LA DATE de la baisse des taux après s’être complètement gouré au sujet de mars, puis de mai, il serait bon que l’on ait raison pour juin, comme ça on saura au moins pourquoi nous sommes montés de 25% : à cause de l’anticipation de la baisse des taux et pas qu’à cause de l’Intelligence Artificielle qui est le remède à tous les maux de l’humanité.

Pas de bulle

Et puis s’il y a une chose qu’il faut retenir de ce week-end – en plus du fait que l’on est certain à 112% que la semaine macro-économique va bien se passer -c’est que le marché n’est pas dans une bulle. Mais alors pas du tout. C’est même carrément le contraire. Si l’on en croit les avis qui ont été compilé ces 72 dernières heures, on ne peut pas comparer l’IA à la bulle internet, les valorisations sont nettement plus basses et le développement de l’IA devrait permettre à l’économie de générer une croissance hallucinante ces prochaines années. Certains parlent de 22% de hausse potentielle sur le S&P500 dans les 12 prochains mois et d’autres, qui ont une vision sur le long terme ; parient sur un Nasdaq qui va doubler sur 3 à 5 ans.

3 à 5 ans ça n’est pas très précis, mais bon, comme tout le monde aura oublié dans trois jours, ça n’a pas grande importance. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’avec l’avènement de l’IA, ça va être trop facile de faire de l’argent en bourse et de devenir très très riche avec la hausse des marchés. Il y a même une étude de McKinsey qui a déclaré que l’IA devrait permettre à 12 millions d’Américains de changer de carrière pour se réorienter dans ces nouvelles technologies qui explosent. Autant vous dire que si c’est McKinsey qui le dit, c’est que ça doit être vrai. Après, ils ne précisent pas ce que les 12 millions de personnes vont faire, parce que si c’est pour devenir graisseur d’articulations de robots, je ne suis par certains que ça soit une grande avancée pour l’humanité.

Un grand pas pour l’intelligence artificielle

Toujours est-il que ce matin, je n’ai que très rarement senti le marché aussi optimiste que cela pour l’avenir. On est clairement « chaud-patate » pour la suite et on s’est bien rassuré sur le fait que l’IA ; c’est trop bien, la technologie ; c’est l’avenir et que même si des boîtes prennent 35% par séance, c’est juste que l’on n’avait rien compris au business avant. Après, bien sûr, on ne parle pas du fait que le gouvernement US a trouvé le moyen de s’endetter de 1’000 milliards tous les 100 jours et qu’il n’y aura pas de plafond de la dette avant la réélection de Biden – oui, parce qu’il semblerait que statistiquement lorsque les marchés explosent comme ils explosent en ce moment, lors d’une année électorale, c’est généralement la réélection assurée pour le candidat sortant. On est donc content de savoir que les USA vont avoir un Président grabataire pour les 5 prochaines années. Si les statistiques ont raison.

Et puis, on oublie aussi de parler un peu des banques régionales américaines qui sont en train de partir en vrille. Tout le secteur est sous pression après les misères de New York Community Bancorp et l’on se rend compte que de plus en plus de clients de ces banques ont fait péter leur plafond de carte crédit et qu’ils ne remboursent plus. Même chose pour l’immobilier commercial. Les immeubles partent dans la faillite les banques se retrouvent avec de l’immobilier dont personne ne veut avec plus vraiment de cash à disposition. Il y a un vrai sujet qui est en train de développer au sujet des banques régionales américaines, mais comme il n’y a pas d’IA dedans, ça n’intéresse personne.

Tout ça pour vous dire que cette semaine va bien se passer, que les chiffres vont être bons, que Powell va être magnanime et que nous ne sommes même pas à mi-chemin de ce que l’IA a à nous offrir. C’est en tous cas ce que nous vend la presse du week-end. Et c’est sûrement vrai.

L’instant présent

Ce matin les marchés à l’autre bout de la planète sont partagés. Le Nikkei continue sa marche en avant en franchissant les 40’000 sur l’indice. Hong Kong est en baisse de 0.2%, pendant que la Chine avance de 0.2%. Il faut dire que cette semaine, en Chine, il y aura le « Congrès national du peuple », qui s’ouvrira mardi à Pékin et qui devrait déterminer la trajectoire de la plus grande économie d’Asie pour l’année à venir. La tension est donc palpable et le restera probablement tout au long de la semaine.

Côté matières premières, le baril a touché les 80$ sur le WTI. On essaie de changer de dizaine et ce, même si ce matin il est revenu autour des 79.90$. Je vous le dis : ATTENTION ! Comme la dernière fois ; tout le monde s’en tape du pétrole, jusqu’à que soudainement il accélère à la hausse et ensuite on pleure parce que le plein de la voiture coûte le prix d’un week-end à la montagne. Signalons au passage que L’OPEP+, qui regroupe l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés, dont la Russie, prolongera les réductions de production au deuxième trimestre. C’est l’agence de presse saoudienne qui l’a annoncé ce week-end. Ça sent bon les 90$ sur le baril pour la « driving season ». Pendant ce temps l’or semble vouloir casser son canal latéral dans lequel il se trouve depuis 1’000 ans, peut-être que l’on va enfin le voir à 3’000$. Et puis du côté du Bitcoin, ça continue de monter – 63’400$ ce matin – mais selon JP Morgan, la cryptomonnaie va se casser la gueule juste après le halving du mois d’avril, pour revenir à 42’000$. C’est quand même facile la bourse, quand on sait exactement ce qui va se passer !

Les nouvelles du jour

Pour les nouvelles du jour, il faudra retenir que Super Micro – l’autre titre qui va révolutionner l’intelligence artificielle – va intégrer le S&P500. L’annonce a été faite vendredi soir et le titre se traitait à 1’020$ après l’annonce – en hausse de 12%. Mais connaissant l’engouement sur le sujet, on peut largement penser que ce soir elle va clôturer à 1’300, au moins. Du côté géopolitique, il y aura le Super-Tuesday aux USA – 15 états vont tenir leurs élections primaires pour savoir qui seront les deux candidats qui vont s’affronter en novembre. Le suspense est à peu près aussi intense que dans un grand-prix de formule un en 2024, mais apparemment, la presse s’y intéresse quand même.

Et puis, on reparle de Viking Therapeutics qui pourrait bien devenir un « gros joueur » de la thématique de la lutte contre l’obésité après l’annonce récente de ses bons résultats de phase 2 sur son médicament en développement. Selon les experts, le produit fonctionnerait de la même manière que le Zepbound d’Eli Lilly, la grande question est de savoir si Viking Therapeutics peut devenir un gros joueur ou s’ils vont simplement se faire bouffer par un plus gros poisson. Le titre se traitre à 82$ et les plus bullishs parlent de 120$…

Les chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres du jour, ça sera très maigre en ce lundi – puisque l’on va se raccrocher uniquement au CPI en Suisse, au chômage en Espagne et à Patrick Harker de la FED de Philadelphie qui viendra nous donner son opinion sur l’avenir des taux et de l’économie US.

À l’heure actuelle, les futures sont en baisse de 0.09%, mais personne n’est inquiet, puisqu’on nous a répété pendant tout le week-end que tout allait bien se passer ! Il me reste à vous souhaiter un très bon début de semaine et on se retrouve demain pour la suite !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“The stock market is the story of cycles and of the human behavior that is responsible for overreactions in both directions.” Seth Klarman