Il n’est pas simple de trouver des choses à raconter ces derniers jours. La phrase la plus utilisée par les médias financiers est, et reste : « les intervenants ont les yeux fixés sur les chiffres du PCE qui seront publiés vendredi ». Bon, ça nous fait une belle jambe parce que ce soir c’est week-end de 4 jours, balades avec le lapin et passer le dimanche avec les cloches. Toujours est-il qu’en ce moment, lorsque l’on ne sait plus quoi faire ou plus quoi dire : on achète le marché sans se poser de question, puisque la voie de la hausse ne fait plus aucun doute pour personne. Et puis avec un peu de chance, vendredi ça va bien se passer...

L’Audio du 28 mars 2024

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Toujours plus haut

En attendant, on profite de la semaine où il ne se passe rien pour battre des records en série. C’est un peu comme s’il n’y avait personne pour vendre ou personne pour remettre en question cette économie qui ne marche qu’à l’optimisme et qui porte des œillères pour le reste. Hier soir le S&P500 a terminé à 1 point de son plus haut de tous les temps, le Dow Jones était à 20 points du sien et le Nasdaq était un peu en retard. En retard tout d’abord parce que lorsque l’on regarde les secteurs qui menaient la charge sur les indices américains, ça n’était pas la tech. Il fallait au contraire chercher du côté des « utilities » ou de l’immobilier. Et puis EN PLUS, Nvidia était en baisse pour la SECONDE séance consécutive. Ça commence d’ailleurs presque à ressembler à une tendance baissière. Autant vous dire que si même les jours où la tech ne veut pas sortir de son lit, les bourses montent quand même, c’est clairement que les ours sont en voie de disparition et que plus PERSONNE ne les écoute. Pourtant ça n’est pas faute d’avoir au moins deux stratèges par jour qui vient nous dire que la hausse est artificielle et qu’on va tous mourir. Le marché s’en tape comme de son premier stop-loss.

Par contre, là où c’était champagne, petits fours et cotillons, c’était en Europe. Hier il y a tout d’abord eu les chiffres de l’inflation en Espagne. Alors là, vous me direz, que quand je commence à parler d’inflation en Espagne c’est qu’il n’y a VRAIMENT plus rien à dire. Et c’est pas complètement faux. Mais il faut tout de même noter qu’elle s’est accélérée à 3,2% sur un an, contre 2,9% en février. Si l’on exclut l’énergie et certains produits alimentaires, on apprend tout de même (et c’est ça qui est positif), que l’inflation de base se calme un peu plus qu’attendu, revenant de 3,5% à 3,3%. On se rend d’ailleurs compte que le meilleur moyen de lutter contre l’inflation qui s’offre au citoyen lambda, c’est de ne plus prendre sa voiture, de plus allumer le chauffage, ni de chauffer l’eau. Éviter, tant que faire se peut, d’utiliser l’électricité (confort qui est d’ailleurs très surfait) et pour terminer, le meilleur moyen de ne PAS subir l’inflation, reste encore de ne pas manger. Et surtout du chocolat, parce qu’à 10’000$ la tonne, ça commence à faire cher. C’est bientôt plus cher que le caviar.

Mais il y a toujours du bon dans le cochon

Mais malgré ces chiffres de l’inflation espagnole qui me servent globalement à meubler ma chronique, les bourses européennes ont terminé au plus haut de tous les temps. En fait les intervenants qui s’emmerdaient profondément ont regardé les chiffres de l’inflation et se sont dit : « Oups, c’est plus fort que prévu »… Et puis au fond de la classe y a un mec qui a dit : « Oui, mais hors énergie et bouffe, ça ralentit quand même ». Alors là les gars se sont regardés et puis ils ont acheté. Il y avait d’ailleurs même des gens qui commençaient à se dire que la BCE pourrait bien baisser les taux AVANT la FED. Fed qui, je le rappelle, devrait baisser les taux au mois de juin. La certitude approche, puisqu’entre hier et avant-hier nous sommes passés de 70% à 74% de probabilités. J’ignore ce qui a fait changer d’avis les 4% qui ont rejoint le camp des Jedi’s entre mardi et mercredi – surtout qu’il ne s’est pratiquement rien passé au niveau macro, mais peu importe.

Peu importe, parce qu’à la fin tout le monde a acheté l’Europe. Le CAC terminait au plus haut de tous les temps, le DAX faisait de même, tout comme le MIB et l’IBEX espagnol qui marchait sur la tête de l’inflation en se disant que ça ira mieux demain quand les taux baisseront. Finalement, il n’y avait que la Suisse qui ne terminait pas au plus haut de tous les temps. Bon, en même temps on n’est pas dans l’Europe on ne peut pas tout avoir. Et puis c’est pas complètement exact, parce que l’Autriche et la Belgique n’ont pas non plus terminé au plus haut. D’ailleurs je me rends compte que j’ai tellement rien à dire que j’en suis réduit à regarder les performances du Bel20 et de l’indice autrichien. Tout ça pour dire que je serais tenté de dire que nous sommes en pleine euphorie, mais je me suis rendu compte que c’était pas très bien vu de dire que cette hausse permanente état aberrante, parce que c’est pas bien de vouloir gâcher la fête. Alors on va dire qu’hier les bourses européennes et mondiales ont été la représentation parfaite d’une économie en pleine forme dans laquelle nous vivons. Juste au moment où le petit chien de Macron – l’héritier millionnaire Gabriel Attal – annonce qu’il veut sabrer dans les indemnités chômage pour combler le déficit français. La même année où les députés et les sénateurs se sont goinfrés avec de nouvelles indemnités dû à leurs fonctions éreintantes.

Le reste de ce qui nous intéresse

Pour le reste, on notera que mardi Tesla avait vécu sa première journée sans se faire downgrader. Ça n’a pas duré longtemps, parce qu’hier la banque d’affaire Bernstein, a abaissé sa recommandation et fixé un objectif à 120$. L’analyste estime que Tesla n’a que très peu de catalystes haussiers et que son prix est beaucoup trop élevé si on le compare à ceux de l’industrie automobile. Alors là, je vais faire une parenthèse, parce que je dois dire que J’ADORE ce genre de déclaration. J’adore ça, parce qu’il y a encore troisans, Tesla à elle seule représentait la market cap des 10 premiers constructeurs automobiles mondiaux. Tout ça en vendant un demi-million de caisses pas plus. Et quand on disait « oui, mais c’est cher payé en comparaison d’une Toyota ou du groupe Mercedes », les afficionados de Tesla (dont Bernstein faisait partie), venaient nous dire qu’on n’avait rien compris, parce que Telsa ça n’était pas QUE des voitures. Eh ben voilà. Trois ans après, Telsa ce n’est QUE des voitures. Et électriques en plus. Mais à la fin on notera quand même que tout le monde se fout de l’avis des analystes, puisque Tesla montait quand même hier…

Autrement, on notera que deux « spin-offs » de grosses sociétés du Dow Jones, vont intégrer le S&P500 – il s’agit de GE Vernova, spin-off de GE pour l’énergie renouvelable et de Solventum, société Healthcare qui appartenait à 3M. Et puis, pour le reste, Merck a bondit de 5% après l’approval de son traitement Winrevair pour les patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire. Trump Media & Technology Group a bondit pour sa deuxième séance de cotation, cette fois de 15%. Encore quelques séances comme ça et Trump va pouvoir rembourser la dette US à lui tout seul. Et puis, comme mentionné précédemment, Nvidia a reculé pour la deuxième séance de suite. Tout comme Microsoft et Meta. Par contre, Apple rebondissait pour la xième fois sur son support. Et puis, à l’approche de la nouvelle saison des résultats qui commencera début avril, l’analyste le plus « bullish » sur Netflix a retiré sa recommandation de « best idea », parce que le ralentissement des souscriptions serait en train de se faire sentir. L’action a pris 25% depuis la dernière publication des trimestriels.

En Asie

Ce matin en Asie c’est la même chose qu’hier, mais dans l’autre sens. En gros, le Nikkei recule de 1.4%, Hong Kong monte de 1.6% et la Chine fait comme Hong Kong, mais un peu moins fort. Tout le monde attend les chiffres du PIB américain cette après-midi et les chiffres du PCE vendredi. L’envie de « faire quelque chose » est relativement faible, alors dans le doute, on fait ce qu’on sait faire : on achète. Sauf le Japon parce qu’en ce moment, le Japon est disconnecté du reste du monde. Mis à part ça, après la publication des chiffres des inventaires pétroliers, le baril remonte à l’assaut des 82$ – faites gaffe, je vous aurais prévenus – faudra pas venir se plaindre quand on sera à 90$ sur le baril et que les stratèges viendront nous dire qu’il faut acheter parce que ça va à 150$ et que la dernière chose qu’il nous restera à faire, c’est d’acheter un gilet jaune et d’aller se poser à un rond-point. Ou d’acheter une Tesla.

Pendant ce temps, l’or se rapproche de son récent plus haut de tous les temps, parce qu’il n’y a pas de raison que lui aussi ne puisse pas scorer un record en cette fin de trimestre. Là tout de suite nous sommes à 2’218$, plus que 4 dollars. Et puis le Bitcoin est à 69’500$. On notera encore que Madame Yellen qui avait disparu de la circulation depuis un moment, vient de déclarer que le surplus chinois de matériel pour les énergies alternatives – comme les panneaux solaires – pourrait débouler en Occident et faire du mal aux sociétés locales. On ne sait pas trop pourquoi elle s’occupe de ça, probablement parce que ça lui évite de parler de la dette US qui est en train de lui péter à la figure. Pendant ce temps, Xi Jinping fait le VRP en Europe et il vient de déclarer qu’aucune force au monde pourra empêcher la technologie chinoise d’avancer. Je ne sais pas si c’est une menace ou une simple constatation, mais il faudra s’en souvenir.

Les chiffres du jour

Au sujet des chiffres du jour, il y aura les Retail Sales et le chômage en Allemagne, le KOF en Suisse. Puis ensuite, aux USA, il y aura les Jobless Claims, le PIB, le Chicago PMI et la confiance du consommateur selon l’Université du Michigan. Et puis, comme je ne serai pas là pour vous le rappeler : demain il y aura les chiffres du PCE qui devraient donner une vision très claire de ce que va faire la FED pour les 9 prochains mois. Enfin, avant que l’on se rende compte qu’il y aura encore un CPI par mois, un PPI par mois et plein de NFP d’ici-là…

Actuellement les futures sont en hausse de 0.01%, demain c’est congé et moi je vous retrouve mercredi matin pour une nouvelle chronique boursière. Profitez bien de votre long week-end et n’oubliez pas que le cacao vaut 10’000$ la tonne. Ça ne risque pas vu que toutes les chaînes de télé en parlent, mais je vous le rappelle quand même votre foie vous en sera reconnaissant.

Excellente journée à tous et très bon week-end de Pâques !

À mercredi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Don’t look for the needle in the haystack. Just buy the haystack!” —John Bogle