En arrivant lundi matin au bureau, la première réflexion que l’on s’est faite est indubitablement : « Ah ben ça va, je pensais que ça serait bien pire ». En effet, avec l’attaque de l’Iran sur Israël, le hashtag #troisièmeguerremondiale était devenu extrêmement populaire. Pourtant, le fait que l’Iran ait annoncé que « sa vengeance était terminée » a permis aux marchés de sentir pousser des ailes dès l’ouverture. Et pourtant, je vous jure que dimanche matin aux aurores, j’aurais parié pour un 3% de baisse et un baril à 95$. Le soulagement était palpable et le marché optimiste comme depuis 5 mois. Sauf que visiblement, la partie n’est visiblement pas terminée.
L’Audio du 16 avril 2024
Télécharger le podcast
L’Europe en mode Iron Man
Si l’on reprend la séance d’hier, on notera donc que l’Europe est officiellement indestructible. Elle n’a pas baissé vendredi dernier parce que les informations de l’attaque iranienne n’avaient pas encore été publiées sur « X » et comme il ne s’est rien passé ce week-end – mis à part un spectacle de sons et lumières avec des drones iraniens qui avaient dû être achetés sur Wish – ce lundi les marchés du vieux continent ont donc rebondi comme on s’attendait à voir rebondir les Américains. Même si nous, en Europe, on n’avait jamais vraiment baissé.
Sauf qu’encore une fois, nous avons le tort de ne pas être dans le même fuseau horaire que les Américains, puisque le pays de Biden a eu le temps de choper des informations un peu plus claires sur les intentions des Israéliens et de se rendre compte subitement que le rendement du 10 ans était quand même vachement haut pour un marché qui est censé s’attendre à une baisse des taux dans les 343 prochains mois. En effet, le 10 ans offrait soudainement un rendement de 4.61%, ce qui représente tout de même beaucoup d’argent. Sans compter que l’on se souvenait qu’en novembre, lorsque nous étions 159% convaincus que les taux allaient baisser 12 ou 14 fois en 2024, ce même rendement était à 5%. Donc, 5% et 4.61%, ça n’était plus vraiment si loin l’un de l’autre. Ce qui avait le don de nous filer de sfrissons dans le dos.
Œil pour œil
Le niveau de trouille augmentait soudainement de manière considérable. Les indicateurs de peur changeaient subitement de couleur, la VIX frisait les 20 et l’indice GREED & FEAR de CNN, repassait en mode « FEAR » justement. Après avoir passé le plus clair de l’hiver en mode « EXTREME GREED ». Le 10 ans nous traumatisait et augmentait notre taux d’angoisse et si l’on rajoutait le fait que certains militaires de haut-rang dans Tsahal ont profité de la première occasion médiatique pour annoncer qu’ils allaient riposter à l’attaque des drones et qu’ils refusaient de tendre la joue gauche ou même de fumer le calumet de la paix, il n’en fallait pas plus pour qu’une seconde vague de vendeurs (en plus de ceux de vendredi) viennent à nouveau frapper le marché. Hier soir à 22h00, on comprenait que le conflit Iran-Israël n’en était visiblement qu’à la première mi-temps et qu’à ce rythme-là, les échanges de drones n’étaient visiblement pas terminés.
La peur était donc à nouveau parmi nous. Enfin, surtout parmi les traders de Wall Street. Personne n’a envie d’être engagé durant la nuit et de se retrouver comme une andouille le lendemain à devoir gérer une frappe électro-magnétique sur l’Iran et un portefeuille boursier qui ne va pas dans le bon sens. Pendant un bref instant – hier matin – on a cru que les demandes de Biden qui demandait à Ben de rester tranquille, avaient été écoutées mais en fin de journée le sentiment était totalement différent, Israël VEUT répliquer et on sait tous comment ça va se finir : MAL. Il n’y avait donc pas besoin de chercher plus loin : il y avait plus de vendeurs que d’acheteurs.
La macro aussi…
Et puis, aussi fou que cela puisse paraître, il y avait aussi d’autres nouvelles qui n’allaient pas dans le sens du Bull Market. Tout d’abord, hier il y avait les Retail Sales. Et c’était plutôt une bonne nouvelle, puisqu’elles étaient nettement plus fortes que les attentes. Alors évidemment ça n’était pas une bonne nouvelle pour ceux qui croient encore que les taux vont baisser en juin (s’il en reste qui y croient encore), mais c’était une bonne nouvelle pour ceux qui ont tourné la veste et qui ont décidé – depuis la publication du CPI de la semaine dernière – qu’il ne fallait plus parier sur la baisse des taux, mais plutôt sur une économie forte qui allait cartonner pour les prochaines décennies.
Mais bon, à la fin ça pose quand même problème à une éventuelle baisse des taux à venir. Powell va sûrement nous en parler aujourd’hui. En plus des ventes de détail qui étaient trop fortes, ou pas assez faible pour baisser les taux, mais assez fortes pour laisser espérer une croissance éternelle, il y aussi eu Tesla. Oui, je sais ça fait hyper longtemps qu’on n’en avait plus parlé. Au moins 24 heures. Hier la star parmi les stars qui fabriquent des voitures électriques, a annoncé qu’ils allaient licencier 10% du staff parce que la demande des voitures électriques est en chute libre. Non, je plaisante, ils n’ont pas dit « chute libre », ils ont dit « en baisse ». D’habitude, quand on licencie massivement, ça monte. Mais là, chez Tesla, c’est pas pareil. Le titre s’est fait déglinguer de plus de 5%. ENCORE !
Les rats quittent le navire
On peut donc croire que les intervenants ont vendu le titre parce qu’on ne parle pas de « restructuration », mais plutôt de ralentissement du business. Mais le plus gros problème auquel Tesla doit faire face, c’est la démission progressive de ses fans. En effet, hier encore, Dan Ives qui était un des derniers gros « bullish » sur Tesla n’a pas pu s’empêcher de montrer son exaspération par rapport à ce qui se passe là-bas. Il estime que Musk va « devoir s’expliquer » lors de la prochaine publication des chiffres trimestriels qui se tiendront le 23 avril après la clôture. Mais quoi qu’il en soit, on sent que Ives est à deux doigts de jeter l’éponge. Manquerait plus que Katie Wood quitte aussi le navire et Musk va devoir revendre « X » pour pouvoir manger.
Bref, tout ça pour vous dire qu’hier on était résistant comme jamais en Europe, mais qu’aux USA ont commençait à sentir la fatigue de manière assez intense. Techniquement, les principaux indices américains ont cassé leurs tendances haussières ET les moyennes mobiles des 50 jours. La porte est donc ouverte pour aller chercher plus bas. Le S&P n’est plus qu’à 50 points des 5’000 et JP Morgan s’en donne à cœur joie en disant qu’il ne fallait pas compter sur les chiffres du trimestre pour inverser la tendance. JP Morgan qui fait partie des irréductibles bearishs du marché depuis plusieurs mois. On notera cependant que Goldman Sachs a publié de bons chiffres, je dirais même d’étonnants bons chiffres. Le titre prenait 2.9% et était visiblement sauvé par sa banque d’investissement. C’est le retour de la division historique de Goldman qui vient sauver le trimestre.
Quoi qu’il en soit, la clé pour la suite des évènements passera inévitablement par la réponse du berger à la bergère et si Israël réplique avec parcimonie en envoyant trois pauvres drones sous-équipés, on pourra peut-être passer à autre chose, sinon ça risque de se compliquer à court terme, mais offrira également quelques opportunités d’achats – le fameux « son du canon ».
En Asie, on flippe aussi
Ce matin, en Asie on n’a pas du tout aimé le back to back des vendeurs aux USA. Le Nikkei est le Hang Seng sont en baisse de 2% et la Chine recule de 1.4%. C’est dommage, parce que la Chine venait juste de publier un PIB à 5.3% contre des attentes à 4.8% – on dirait que ça se réveille. Mais là tout de suite, on se fout pas mal des bonnes nouvelles, on voudrait juste savoir ce qu’il y a dans la tête du chef de Tsahal pour essayer d’envisager de tourner la page. Vous l’aurez compris, à l’heure actuelle, les futures sont sous tension et ça n’est pas certain que l’Europe tienne le coup encore cette fois.
Le pétrole repart d’ailleurs à la hausse. Certains économistes mettent en garde contre un embrasement de la région et les conséquences que cela pourrait avoir sur le baril. Les 100$ ne sont plus un tabou, mais pour le moment nous sommes à 86$. L’or est à 2’404$ mais il a fait un pic à 2’443$ hier et le Bitcoin est à 62’000$ – quand ça veut pas, ça veut pas – le HALVING aura lieu dans 3 jours, 20 heures et 40 minutes.
Les nouvelles neuves
Dans les nouvelles du jour, si l’on fait abstraction d’Israël et de l’Iran, ça n’est pas non plus la foule. On notera que Salesforce a perdu plus de 7% parce que le Wall Street Journal a laissé entendre que selon une source bien informée qui préfère quand même rester anonyme parce qu’elle préfère quand même garder son job, que la société s’apprêterait à faire un bid sur Informatica pour 11 milliards. Le marché n’a pas aimé parce que Salesforce est connu pour être très mauvais lors des take-overs, mauvais choix et pas très rentable en général. On attend d’en savoir plus.
Du côté des trucs que l’on attend aujourd’hui, il y aura le ZEW en Allemagne et en Europe, la production industrielle aux USA, ainsi que Williams et Powell qui parleront. Du côté des chiffres du trimestre, il y aura Bank of America, Morgan Stanley et surtout LVMH qui publiera ce soir à 17h45 ! L’heure du jugement dans le secteur du luxe a sonné. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.12% et on attend le résultat de la seconde mi-temps entre Israël et l’Iran.
Passez une excellente journée et on se revoit demain – un peu plus tôt – si j’arrive à me lever plus vite !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“The stock market rewards patience and punishes greed.” Unknown