La première vraie journée de la semaine aura été encore une journée sous le signe de l’intelligence artificielle. La thématique reste la seule et l’unique qui fait monter le marché en attendant les chiffres économiques qui sont censés nous donner les indications qu’il nous faut pour savoir si la baisse des taux aura lieu en septembre, en novembre, en décembre. Ou pas du tout. Pour être franc, je ne sais pas si cela vaut encore la peine de donner du crédit à ce genre d’attentes, vu que cette année on s’est gouré sur à peu près chaque prévision à propos des taux, mais comme il faut bien occuper le terrain en ayant des histoires à raconter, on fait ce qu’on peut.

L’Audio du 29 mai 2024

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La confiance des stratèges

J’ai très envie de vous dire que lorsque nous connaîtrons enfin le PCE de vendredi et le PIB de jeudi, on pourra passer à autre chose et nous reprendrons une vie normale. Mais je dois vous avouer que je crains tout de même un peu que ces prochains chiffres soient un non-event et que les marchés décident qu’il est ENCORE une fois urgent d’attendre le vendredi suivant pour les non-farm payrolls qui, cette fois c’est sûr, nous permettrons de savoir ce que la FED va faire. Enfin, si l’emploi continue de s’affaiblir et si les chiffres du mois dernier ne sont pas révisés à la hausse parce qu’on a oublié 145’000 emplois de fonctionnaires dans le calcul et que du coup, c’est pas du tout DOVISH comme chiffre.

Mais que l’on se rassure, j’en arrive à croire que peu importe le chiffre, ou les chiffres, la seule chose qui nous intéresse c’est de trouver une bonne raison à l’intérieur de ces chiffres pour que l’on puisse pousser le marché encore un peu plus haut. L’UBS a d’ailleurs publié un rapport hier, expliquant par A+B que « la diminution des risques de récession et la croissance des bénéfices supérieure aux estimations » les ont incités à relever une nouvelle fois leur objectif de fin d’année pour le S&P 500. Du coup, ils passent de 5’400 à 5’600. Je dois d’ailleurs préciser que c’est quand même un truc que j’adore dans le monde des stratégistes ; au début de l’année – le premier janvier – ils nous donnent un objectif pour le S&P500 et ensuite, quand ça leur prend, ils changent l’objectif au fur et à mesure que le marché monte. Ou baisse.

Et quand à la fin de l’année, l’indice termine à 0.1% du chiffre annoncé le 15 décembre, tout le monde se tape sur l’épaule en se félicitant d’avoir été aussi bons ! C’est un peu comme si tu paries sur un match de foot et que tu peux changer ton pari au fur et à mesure du match et que personne n’est choqué que tu changes encore d’avis à 30 secondes du coup de sifflet final. Quoi qu’il en soit, le marché est optimiste, l’objectif moyen du S&P500 est plus ou moins là où il se trouve actuellement et quand JP Morgan finira par craquer et tourner bullish – on pourra enfin dire que l’on est bien quand les Bears ne sont plus là.

Il y a l’Europe et il y a Nvidia

Si l’on revient sur la séance d’hier, on retiendra qu’il y avait deux axes. D’un côté l’Europe qui se concentre de plus en plus sérieusement sur le prochain meeting de la BCE. On sait à 284% que Dame Lagarde va baisser les taux de 25 bp, mais ce que l’on ne sait pas, c’est ce que la BCE va faire APRÈS. Au début du printemps nous avions la conviction qu’ils allaient baisser les taux de 0.25% lors de tous les prochains meetings et que l’inflation allait continuer de baisser et puis récemment, les discours des uns des autres (membres de la BCE), ont laissé penser que ça ne serait peut-être pas si simple. En début de semaine encore, c’était Lane qui se montrait timoré et qui demandait à voir un peu plus loin que le mois de juin – histoire de voir si l’inflation se comporte correctement après la baisse des taux agendée au mois de juin et puis hier nous avions le gouverneur de la banque de France – François Villeroy de Galhau – qui laissait entendre que la BCE pourrait être capable de baisser encore les taux en juillet.

Cette manière de souffler le chaud et le froid semble donner des migraines aux indices européens qui n’arrivent plus vraiment à aller en avant, sans compter que les craintes sur l’inflation américaine continuent de peser sur la planète entière. Et puis, comme une tension ne vient jamais seule, on notera encore que les tensions semblent reprendre au Moyen Orient. Un cargo a été attaqué et les tanks israéliens continuent d’avancer en direction de Rafah. Du coup, le pétrole repasse les 80$ histoire de chauffer tout le monde au sujet de l’inflation. Bref, hier c’était pas simple en Europe. En revanche, c’était beaucoup plus facile aux USA parce qu’il y avait Nvidia.

L’histoire du jour

Hier Nvidia à ENCORE pris près de 7%. Le titre qui était en hausse de 10% après ses chiffres lunaires de la semaine dernière, ne semble plus vouloir s’arrêter. Pourtant, cette fois ça n’est même pas à cause des chiffres de la semaine dernière ou à cause d’un analyste qui aurait disjoncté sur le price target – non, je dis ça parce qu’hier il y a tout de même un gars qui a prédit que Nvidia vaudrait 10’000 milliards en 2030 et que le potentiel de hausse actuel est de 258% – pourtant, ça n’est pour ça que ça montait, mais à cause du fait que la Start-Up de Musk sur l’IA – xAI – a levé 6 milliards de dollars et que, selon les « experts », la plupart de ces 6 milliards vont être dévolus à l’achat de semiconducteurs chez Nvidia. Bref, Nvidia est le moteur des marchés, le moteur de la tech et ce qui a permis au Nasdaq de clôturer au-dessus des 17’000 pour la première fois.

Tout va donc pour le mieux sur le marché américain, Nvidia fait office de tracteur pour faire avancer tout le monde et pour le reste, les bonnes nouvelles continuent de dégouliner sur le marché comme si ça ne coûtait rien. Du côté de chez Apple on a appris que les expéditions d’iPhone à destination de la Chine étaient en hausse de 52% par rapport à l’an dernier. Le titre montait puis rebaissait parce que les gens pensent qu’il n’y pas assez d’IA dans Apple, reste à attendre le 10 juin pour voir si c’est vrai. Et puis dans le reste des évènements de la journée, on retiendra que T-Mobile rachète les opérations de US Cellular pour 4.4 milliards et la fusion Chevron/Hess a été approuvée par les actionnaires. Encore un deal de 53 milliards qui est finalisé. On notera aussi que la société Insmed a bondi de 119 % après avoir annoncé les résultats positifs d’une étude de phase 3 de son traitement de la bronchectasie non mucoviscidosique. Insmed a déclaré qu’elle prévoyait de déposer une demande de nouveau médicament auprès de la FDA pour le brensocatib chez les patients atteints de bronchiectasie au cours du quatrième trimestre. Je n’ai pas compris un traître mot des trois dernières lignes, mais Insmed a pris 120%, ça doit être bien.

Pour le reste

Ce matin en Asie, la crainte de l’inflation pèse toujours. Il faut dire qu’eux, ils n’ont pas Nvidia pour sauver le monde. Le Japon est en baisse de 0.43% et Hong Kong recule de 1.54%. La Chine est à contre-courant avec une hausse de 0.33% déclenchée par les multiples stimulus offerts par le gouvernement. Le pétrole est donc à 80.14$, l’or est à 2359$ et le Bitcoin est de retour en Neurasthénie et se traite à 69’000$ et des poussières. On notera également que le rendement du 10 ans US fait toujours un peu peur avec ses 4.56% de rendement. Manquerait plus qu’un PCE trop fort vendredi et un PIB pourri demain, histoire de réchauffer le thème de la stagflation.

Dans les autres nouvelles qu’il faudra (peut-être) retenir, on peut déjà noter que selon une nouvelle étude de la Booth School of Business de l’université de Chicago, le GPT-4 d’OpenAI s’est avéré être un meilleur analyste financier que les êtres humains. On dit déjà que ces résultats pourraient bouleverser le monde merveilleux de la finance qui va se dépêcher d’utiliser tout ça. D’ailleurs qui vous dit que cette chronique n’est pas écrite par Chat GPT, hein : qui ??? En tous les cas, selon l’étude, Chat machin-truc a mieux analysé les bilans et fait des prévisions plus efficaces. Par contre personne n’a pensé à lui demander ce que la FED allait faire ces prochains mois visiblement. En tous les cas, à la vitesse où ça va, toutes ces histoires d’IA, je m’attends à croiser un Terminator dans la rue à chaque instant.

Vive Sarah Connor

Et puis visiblement ça marche super bien, puisque selon une autre étude, depuis le début de l’année, il y a 7 personnes aux USA qui ont vu leurs fortunes augmenter de 230 milliards (cumulés entre eux) à cause de la révolution de l’IA. Il s’agit de Steve Ballmer, Jeff Bezos, Sergey Brin, Larry Page, Michael Dell, Mark Zuckerberg et bien sûr, Jensen Huang le patron de Nvidia. Comme d’habitude, c’est toujours les mêmes qui gagnent. Il faudra aussi retenir que Toyota est en train de bosser sur un nouveau type de moteur à combustion pour concurrencer Tesla – le fabricant veut fabriquer des moteurs plus petits et moins polluant et qui accepteront plusieurs types de carburants, même peut-être l’abricotine. C’est bluffant de voir que certaines marques recherchent des nouveaux moyens de concurrencer l’électrique alors que certains gouvernements européens jouent les ayatollahs pour faire disparaître la combustion interne.

À propos d’ayatollah et de stratèges disent n’importe quoi, il faudra aussi prendre acte que le 28 mai 2024, Bruno « le mathématicien » Le Maire a annoncé que l’inflation était vaincue et que le pire était derrière nous. Les prix sont 20% plus hauts qu’il y a 4 ans, mais ça va nettement mieux. Surtout si vous portez un col roulé pour mettre l’économie russe à genoux. Je ne cesse de me demander pourquoi et comment on le laisse encore parler. En conclusion de cette chronique, tout ne va peut-être pas parfaitement bien dans ce monde, mais avec l’intelligence artificielle, tout ira FORCÉMENT mieux.

Les chiffres

Pour ce qui est des chiffres économiques du jour il y aura le CPI en Allemagne et le climat de consommation en Allemagne. Et aux States, il y aura le Beige Book et Williams de la FED qui parlera. D’ailleurs, hier il y a eu la confiance du consommateur américain qui est sortie légèrement meilleure que prévue et Kashkari qui a dit – tout comme Powell – qu’il fallait plus de preuves sur l’état de l’économie pour pouvoir prendre une décision sur les taux. Le marché s’en fout complètement, tant que Nvidia prend 10% par jour.

Passez une excellente journée et on se revoit demain pour se chauffer encore une fois sur l’inflation et les taux. En attendant, que la force soit avec vous !

Thomas Veillet
Investir.ch

“I’m not emotional about investments. Investing is something where you have to be purely rational and not let emotion affect your decision making — just the facts.” Bill Ackman