Depuis vendredi dernier on avait commencé à oser parler de rotation de secteurs, du fait que les gens se sortaient un peu de la technologie et qu’on cherchait peut-être des investissements plus « tranquilles » pour passer l’été. Le répit aura été de courte durée puisqu’hier les indices ont pris le chemin inverse de ce que l’on avait vu depuis trois séances : on vire la « value » et on revient sur l’EUPHORIE de l’IA. Ou devrais-je dire : « on revient sur Nvidia parce qu’il était temps »… Après trois jours de doutes, l’optimisme était de mise et en dehors de l’opération de sauvetage coordonnée sur Nvidia, on cherchait à nouveau les bons indicateurs pour se justifier…
L’Audio du 26 juin 2024
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Nvidia (encore)
Ce matin je me suis demandé à quel moment j’aurais l’occasion d’écrire une chronique dans laquelle on ne parle pas d’intelligence artificielle et encore moins de Nvidia. Force est de constater que ça n’est pas pour demain. Pas pour demain, parce qu’hier on a presque eu l’impression qu’un commando avait été mis en place pour ne pas que la situation s’aggrave après la correction qui s’est produite sur Nvidia depuis jeudi dernier. Dans la nuit de lundi à mardi, j’étais tombé sur une statistique qui disait que 90% des analystes étaient sur « ACHAT » lorsqu’il s’agit de Nvidia et que bon nombre de ces upgrades n’ont eu lieu que très récemment. Ce qui veut dire que si le titre venait à se casser la gueule pour de vrai (et pas seulement de 14%), la crédibilité de certains serait fortement mise en cause.
Je ne me permettrais donc pas de dire qu’il y a eu une forme de concertation, mais disons qu’hier je trouve qu’il y a eu quand même un peu trop d’upgrades ou de commentaires positifs sur Nvidia de la part de la communauté des analystes financiers. Enfin, peu importe, ils sont tous venus en nombre – que ce soit celui d’UBS qui pensait que c’était quand même pas cher et celui de Morgan Stanley qui pensait que c’était pas mal comme opportunité, il y a même un gars qui s’est pointé sur un plateau télé pour dire que selon lui, d’ici fin décembre, Nvidia serait à 250$. 100% de hausse depuis là où nous sommes. Même sur le Bitcoin on n’aurait pas osé. Toujours est-il que cet effet de masse et cet enthousiasme général au sujet de Nvidia (qui rappelons-le, ne peut jamais faire d’erreur parce que Huang il est trop cool), aura permis à l’action derebondir de près de 7% et de déclencher une nouvelle rotation de secteurs puisqu’hier c’était le Dow Jones qui se faisait exploser, pendant que le Nasdaq (et le SOX, bien sûr) repartaient comme des fusées. Cette euphorie généralisée sur à peu près tout est absolument phénoménale, mais quand même parfois gênante.
La consommation et le consommateur
Pendant que l’on prenait notre dose d’adrénaline sur Nvidia – comme tous les jours – il se passait quand même deux-trois choses sur le reste du marché. Tout d’abord il y a Boeing qui a encore eu un Boeing 737-MAX qui s’est fait une descente de 27’000 pieds en mode catastrophe parce que le système de pressurisation a refusé de faire son office. Pas de morts, pas de gros dégâts mais quelques passagers qui vont apprécier de prendre le train la prochaine fois et qui n’iront pas faire les parcs d’attractions cet été. Il y a aussi FedEx qui a publié des chiffres globalement meilleurs que les attentes et qui annoncent quand même des réductions de coûts – pour ne pas dire que des gens vont se faire virer. Des bons chiffres de FedEx sont toujours une bonne nouvelle pour l’économie. Le titre prenait 14% after close et ils n’ont même pas annoncé un partenariat avec Nvidia.
Revenons encore un peu au niveau des avions, puisqu’hier Airbus s’est offert le CAC40. Quand je dis « offert », c’est que c’est grâce à lui que le CAC40 s’est repris une claque – une petite claque, puisque l’indice Netflix-CAC40-Macronie est toujours au-dessus de 7’600, mais Airbus a tout de même plongé (au sens figuré) de près de 10% sur la séance. Il faut dire que le « profit warning » annoncé hier n’était pas dans la demi-mesure. Le nombre d’avions livrés cette année sera nettement moindre que prévu et par effet de capillarité, les revenus vont s’en ressentir. Il n’est apparemment pas simple de savoir exactement combien d’avions ne seront pas livrés, on parle d’une trentaine, et si vous retranchez le prix de 30 avions au budget de l’année, ça fait un trou. La communauté des analystes – une fois qu’ils eurent terminé de mettre de la pommade dans le dos de Nvidia – sont tous venus downgrader Airbus. Après, il faut aussi retenir que ça n’est pas non plus la faute de l’avionneur basé à Toulouse, puisque dans la plupart des cas, c’est des problèmes d’approvisionnement qui empêchent les livraisons, surtout du côté des moteurs et des cabines de pilotage. Dans le sillage de l’annonce, Rolls Royce et Safran en ont aussi pris pour leur grade.
Pendant ce temps
Et puis, pendant qu’Airbus se crashait en flammes et que Nvidia retrouvait des couleurs, il faudra quand même se souvenir que Walmart s’est montré « prudent » pour le reste de l’année estimant que le consommateur était en train de se retenir de ne pas faire n’importe quoi. Hier Home Depot et Walmart pesaient lourdement sur le Dow Jones. Et comme on parle de consommateur, les chiffres de la confiance de ce dernier n’étaient pas au top de leur forme. Le chiffre sortait à 100.4 contre 100 attendus, mais près d’un point plus bas que le chiffre précédent. On sent qu’il y a quand même une forme de tension du côté de l’Américain moyen, même si Wall Street refuse obstinément de le voir. J’en veux pour preuve un commentaire trouvé dans un média financier hier : « En effet la confiance du consommateur est en train de s’éroder, mais lorsque l’on regarde « à l’intérieur » des chiffres d’hier, on peut constater quelques améliorations ». En gros, le consommateur est au bord du gouffre, mais il continue quand même à se nourrir, ce qui est une bonne nouvelle.
Je dois dire que je suis là – dans le monde merveilleux de la finance – depuis près de 35 ans et je n’ai JAMAIS VU un optimise total à ce point. Si l’on regarde la photo du monde dans sa globalité, c’est la merde totale et la plupart des mecs qui nous dirigent sont à moitié – pour ne pas dire complètement cinglés. Le commun de mortels ne sait même pas comment finir le mois et à Wall Street on épluche le moindre chiffre économique pour dire que « finalement tout va bien ». C’est un peu comme si la White Star – compagnie qui avait affrété le Titanic était venue à la télé pour dire qu’ils étaient contents parce qu’une partie de la vaisselle a été retrouvée intacte au fond du paquebot et au fond de l’Océan. Et d’ailleurs, puisque l’on parle de croisières, il y a Carnival qui prenait 8.7% après avoir renoué avec les profits lors du second trimestre et ils pensent que 2025 sera l’année des croisières ! On ne sait pas s’ils disent ça à cause du nombre grandissant d’inondations en ce moment ou si c’est juste que les gens vont avoir envie de s’entasser à 200 dans une piscine de 50 m2 parce que c’est relaxant, mais l’optimisme annoncé (encore) a fait monter tout le secteur, puisque Norwegian et Royal Caribbean étaient tous deux massivement en hausse également. Bref, ce qu’il faut retenir de la séance d’hier c’est que Nvidia, c’est quand même une super-boîte et qu’elle va aller à 250$ pendant que le Bitcoin va à 100’000$.
En Asie et ailleurs…
Ce matin, c’est facile, le Japon est en hausse de 1.5% parce que la techno est de retour aux USA. Il leur en faut peu pour être motivé à acheter. Pendant ce temps, Hong Kong ne fait rien et la Chine recule de 0.35%. Mais c’est en Australie que l’action est en train de se passer. Dans la nuit, les autorités australiennes ont annoncé les chiffres de l’inflation. Alors oui, je sais, on se fout pas mal de l’inflation en Australie, sauf pour ceux qui y vont en vacances cet été. Mais toujours est-il que l’inflation était attendue à 3.8% et qu’elle est sortie à 4%. Visiblement la surprise est totale et même si l’indice ne baisse « que » de 1% – on parle déjà du fait que la baisse des taux on peut oublier, mais pire, on parle déjà du fait que la banque centrale pourrait devoir LES MONTER EN CATASTROPHE pour ne pas que ça dégénère. On peut donc se dire que ce n’est QUE l’Australie et que la hausse n’est due qu’à des facteurs spécifiques (au hasard : l’essence), mais en même temps, il ne faudra pas non plus négliger qu’hier, le Canada a annoncé que l’inflation chez eux était aussi repartie brutalement à la hausse. Le Canada avait été un des premiers membres du G7 à baisser les taux. Autant dire que ce matin, ils s’en mordent les doigts – pour ne pas dire autre chose.
On peut donc dire ce que l’on veut, mais en Australie on n’avait pas encore commencé à baisser les taux et on n’est pas prêt à de le faire et au Canada on avait commencé à le faire, mais on se demande si ce jour-là, on n’aurait pas eu meilleur temps de se péter une jambe. Du coup, je serais Madame Lagarde, je ne dormirai pas bien en attendant les prochains chiffres. Quant à Powell, ses terreurs nocturnes ne vont pas tarder à revenir. Et pendant qu’on parle d’essence, on retiendra que le pétrole est à 81.22$ et qu’il a l’air en bonne forme. Ce qui va sûrement nous aider. L’or est à 2327$ et le Bitcoin tente un rebond à 62’000$ – encouragé par Nvidia sûrement.
Les nouvelles du jour
Côté nouvelles du jour, on va commencer par Michelle Bowman de la FED qui a déclaré qu’une éventuelle HAUSSE DES TAUX aux USA n’était pas encore complètement exclue du plan de marche de la FED. Le marché s’en fout complètement pour le moment, mais il faut garder l’info dans un coin de nos têtes. Le CIO de Morgan Stanley pense que si les prochains chiffres des Non Farm Payrolls sortent en-dessous de 100’000, le marché pourrait décrocher de 10%. Il est adorable, il faut se souvenir que le mec est passé de BEARISH à BULLISH il y a trois semaines, il a passé son target sur le S&P de 4500 à 5’400 et aujourd’hui, il panique. Mais qu’il se rassure, les NFP’s ne sortiront PAS sous les 100’000. Ils seront au-dessus et les autorités les ramèneront SOUS les 100’000 lors des deux prochaines publications, comme ça on n’y verra que du feu et on pourra continuer à voir le S&P à 6’000 pour la fin de l’année. Méfiance aussi sur le marché immobilier – les prix n’ont jamais été aussi et l’indice qui calcule le « pouvoir d’acheter une maison » n’a jamais été aussi bas. En gros, il y a plein de vendeurs qui veulent vendre très cher et plein d’acheteurs qui n’ont pas les moyens… On parle des USA, bien sûr.
Dans les bonnes nouvelles, il y a Charles Schwab, la banque, qui pense que le marché est parfaitement disposé pour se casser la gueule très bientôt et dans le même média, Goldman Sachs pense que le S&P500 va prendre 4% d’ici la fin du mois de juillet pour atteindre son plus haut annuel. Autrement, il y a l’annonce du jour, Volkswagen va investir 5 milliards chez Rivian dans une association qui permettra aux Allemands de récupérer la technologie des Américains. Rivian prenait 50% after close. Et la meilleure nouvelle dans tout ça, c’est qu’il paraît qu’il y a eu un GROS ORDRE d’achat de calls sur Rivian avec un strike à 13, juste quelques minutes avant l’annonce – l’ouverture étant prévue à 18$, on peut dire qu’il y en a qui sont clairement plus égaux que les autres. Comme d’habitude.
Pour les chiffres
En ce qui concerne les chiffres du jour, il y aura le climat de consommation en Allemagne, le nombre de demandeurs d’emploi en France, puis les permis de construire et les ventes de nouvelles maisons aux USA. Ensuite il y aura les inventaires pétroliers et le résultat des Stress Tests des banques dont tout le monde se fout pas mal.
Pour le moment les futures sont en hausse de 0.10% et demain il y aura le PIB. Pour le reste, on aime Nvidia, on n’aime pas Boeing et la renaissance de Rivian fait plaisir au secteur de la voiture électrique qui en avait bien besoin. Passez une excellente journée et à demain, même heure, même endroit !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Anyone who is not investing now is missing a tremendous opportunity.” Carlos Slim